Ne pas être qu'un "patient" ...

Conférence du 28 juin 2003 Communication de l’équipe de recherche U437 de l’INSERM à Nantes

paru dans Le Parkin­so­nien Indé­pen­dant n° 14 — novembre 2003

Un jeune cher­cheur commu­nique le résul­tat de ses travaux. Il a été, en partie, subven­tionné par le compte CECAP RECHERCHE ;

En ce dernier samedi d’un mois de juin cani­cu­laire, la parti­ci­pa­tion a été quelque peu « clair­se­mée ». Pour autant, l’assistance a béné­fi­cié de l’apport très tech­nique et docu­menté de toute l’équipe de Philippe BRACHET respon­sable de recherche dans l’unité de l’INSERM U437 du CHU de Nantes, diri­gée par Jean Pierre SOULILOU.

En débu­tant la séance, nous avons appris que Benoît MELCHIOR, soutenu par le « fonds recherche » de CECAP, avait obtenu une mention « Très Hono­rable » à la soute­nance de sa thèse sur les xéno­greffes. Il a tenu à remer­cier les asso­cia­tions pour l’aide qui lui a été appor­tée et sans laquelle il n’aurait pas pu pour­suivre ses recherches. Il nous a alors expli­qué ce qui a fait l’essentiel de son travail : comprendre les méca­nismes de rejet des xénogreffes.

Partant du constat de la dégé­né­res­cence sélec­tive de certaines cellules provo­quant un défi­cit de la dopa­mine dans le stria­tum, les recherches portent sur la restau­ra­tion de ces fonc­tions neuronales.

Tout d’abord recher­cher quels sont les facteurs toxiques qui provoquent la mort des cellules. Puis quels sont les méca­nismes de compen­sa­tion provo­qués par la prise de levo­dopa, l’électrostimulation. Enfin, que se passe-​t-​il en cas de substi­tu­tion de cellules nerveuses perdues grâce à la trans­plan­ta­tion de cellules fœtales humaines (dites allo­gé­niques) implan­tées direc­te­ment dans le Stria­tum et qui se diffé­ren­cient sans trai­te­ment immunosuppresseur.

En effet, dans le cas de xéno­greffe (cellules fœtales issues d’espèces diffé­rentes), et malgré la barrière hémato-​encéphalique qui protège des intru­sions exté­rieures, rendant ainsi le cerveau immu­no­lo­gi­que­ment inerte, le rejet des gref­fons se produit imman­qua­ble­ment au bout de quatre semaines. Ce phéno­mène fait qu’il n’est pas possible actuel­le­ment d’envisager la xéno­trans­plan­ta­tion en clinique.

Son travail a consisté à étudier les méca­nismes provo­quant la mort des cellules d’embryons de porc de 28 jours injec­tées à des rats préa­la­ble­ment rendus parkinsoniens.

Il a alors constaté l’infiltration massive du gref­fon par des cellules sanguines, les lympho­cytes qui produisent en outre des cyto­kines, substances augmen­tant leurs actions toxiques. Synthé­ti­que­ment et pour simpli­fier, le lympho­cyte T serait respon­sable du rejet.

Il a pu montrer que les lympho­cytes, une fois dans le gref­fon, pouvaient ampli­fier leurs réponses jusqu’à la destruc­tion des cellules implan­tées. Ces données ont permis de créer un porc trans­gé­nique dont les cellules nerveuses secrètent une molé­cule capable d’inhiber les lymphocytes.

La rencontre avec l’INRA a alors permis la mise en route du proces­sus condui­sant à la nais­sance de porcs trans­gé­niques qui vont donc pouvoir prochai­ne­ment servir par leurs embryons à tester les hypo­thèses déve­lop­pées. Ce travail est actuel­le­ment en cours, et les résul­tats devraient être acces­sibles dans quelques mois.

Les expli­ca­tions détaillées et abon­dantes illus­trées par Benoît MELCHIOR ont été diffi­ciles à traduire en langage simple ; c’est pour­quoi, il me pardon­nera les simpli­fi­ca­tions appor­tées à son témoignage.

Philippe NAVEILHAN, quant à lui, travaille sur les cellules souches qui pour­raient rempla­cer les neurones défaillants : il s’agit des neuro­blastes préle­vés lors des étapes précoces du déve­lop­pe­ment de l’embryon.

Le problème rencon­tré par la recherche est essen­tiel­le­ment éthique : il est évident que les possi­bi­li­tés d’utiliser des embryons humains sont très limi­tées puisque ils ne peuvent prove­nir que des I.V.G.

Il conduit donc sa recherche dans les cellules des embryons de porc pour décou­vrir les possi­bi­li­tés de déve­lop­pe­ment de cellules souches.

Les cellules neurales peuvent se déve­lop­per de diffé­rentes manières suivant les condi­tions expé­ri­men­tales : des astro­cytes, des neurones, des oligo­den­dro­cytes. Mais il y a beau­coup plus d’astrocytes que de neurones ceux-​ci ne se déve­lop­pant qu’en très petite quantité.

Il s’avèrerait néces­saire de modi­fier géné­ti­que­ment les cellules pour que celles-​ci béné­fi­cient d’une « surex­pres­sion » d’un phéno­type neuro­nal. Ainsi, la créa­tion d’une lignée de cellule souche géné­ti­que­ment modi­fiée permet­trait de procé­der à des analyses « in vitro » puis « in vivo ». Dans un second temps, il faudra décou­vrir les condi­tions qui font que de tels neurones produisent de la dopa­mine, et étudier leur pouvoir de répa­ra­tion chez l’animal « parkin­so­nien » (étudiés par Vincent Paillé).

Vincent PAILLE étudie en effet la dyski­né­sie sur le rat en provo­quant arti­fi­ciel­le­ment la perte des neurones dopaminergiques.
Or jamais un animal ne déve­loppe natu­rel­le­ment la mala­die de Parkin­son. Il est donc amené à étudier diverses substances chimiques suscep­tibles de déve­lop­per la mala­die chez le rat en les injec­tant direc­te­ment dans le stria­tum ou dans d’autres struc­tures comme la substance noire.

A partir de ces animaux rendus parkin­so­niens, il peut étudier les effets des divers médi­ca­ments, en parti­cu­lier les dosages néces­saires de levo­dopa pour compen­ser les effets de la mala­die et le stade où se déve­loppent les dyskinésies.

L’objet de ces études consiste d’abord à déter­mi­ner les consé­quences de la perte des neurones, puis les seuils des dyski­né­sies et enfin de propo­ser les meilleures condi­tions d’application théra­peu­tiques. Notons que Vincent travaille en étroite rela­tion avec le Profes­seur DAMIER

Philippe BRACHET se propose alors d’évoquer les diverses stra­té­gies de la neuroprotection.

En effet, certain neurones n’ont pas de récep­teur de facteurs dits neuro­tro­phiques. Or de tels facteurs permettent de prolon­ger la vie du neurone. Il cherche par consé­quent à amener un tel récep­teur, pour procu­rer une résis­tance accrue.
Parmi toutes ces pistes, certaines sont plus faciles à mettre en œuvre, d’autres plus longues dans leur étude. Il faut donc les hierar­chi­ser : Vient en tête, peut-​être pour dans deux ans, les xéno­greffes issues du porc trans­gé­nique. Par contre, l’étude des cellules souches est beau­coup plus longue. La créa­tion d’un rat trans­gé­nique porteur de la mala­die pour­rait être d’un apport impor­tant dans l’étude des phéno­mènes inhé­rents à la mala­die de Parkin­son. La géné­ra­tion d’un tel animal est égale­ment en cours. Il s’agira ensuite de se tour­ner vers les modèles animaux les plus proches de l’homme, c’est-​à-​dire le primate.

Tout ceci implique des rela­tions étroites avec les chirur­giens pour des essais cliniques compli­qués, une étude critique rétros­pec­tive pour véri­fier si cela est béné­fique et la construc­tion de réseaux d’informations entre les équipes qui travaillent sur le sujet à travers le monde.

Et tout cela se heurte à l’absence d’actions inci­ta­tives de l’Etat, la limi­ta­tion des crédits à la recherche. La stra­té­gie du privé quant à elle reste très secrète puisque liée direc­te­ment à des objec­tifs finan­ciers. Seul la recherche publique se permet de faire de
la recherche fonda­men­tale puisque non rentable mais avec des moyens extrê­me­ment limités.

Aujourd’hui des études améri­caines semblent annon­cer des résul­tats peut probants pour les greffes. Cela mérite qu’on s’y arrête : peut-​être y a‑t-​il eu des greffes mal réali­sées, des condi­tions à revoir. Mais cela ne veut pas dire la remise en cause du prin­cipe des greffes. Une approche plus fine des résul­tats permet­tra certai­ne­ment de déter­mi­ner les causes du rela­tif échec dans des cas précis, d’autant plus que chaque cerveau est unique.

Compte rendu établi par Jean Graveleau 

Propulsé par WordPress et le thème GimpStyle créé par Horacio Bella. Traduction (niss.fr).
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