La transplantation neuronale et la maladie de Parkinson : « la traversée du gué »
Publié le 07 mai 2006 à 17:11 LE PARKINSONIEN INDEPENDANT
N°24 – mars 2006
La transplantation neuronale et la maladie de Parkinson :
« la traversée du gué »
C’est sur la base de nombreuses études effectuées principalement chez le rongeur, mais aussi le primate, que la transplantation de cellules neuronales fœtales humaines, issues du mésencéphale ventral, a été entreprise en clinique chez des patients parkinsoniens. L’objectif est de restaurer un apport de dopamine dans le noyau caudé/putamen ‘(striatum) en y implantant des neurones capables de synthétiser cette molécule.
Plusieurs centres se sont engagés dans cette voie pionnière, mais sans beaucoup de concertation. C’est ainsi que les techniques de prélèvement et de traitement des tissus ont varié au gré des promoteurs, et malheureusement sans effort de rationalisation ni de concertation. De même, la standardisation de critères permettant de comparer les éventuels bénéfices d’un centre à l’autre a tardé à émerger.
Pourtant, la plupart des essais ont apporté la preuve que certains patients transplantés ont connu des bénéfices notoires et durables capacité de synthèse et d’incorporation accrue de dopamine au niveau du striatum, et amélioration conjointe des déficits moteurs, permettant une baisse de la prise de L‑DOPA. Cette voie thérapeutique est malheureusement difficile à mettre en œuvre. Les cellules doivent être obtenues à partir de fœtus humains, donc à partir d’ »IVG. Leur collecte nécessite évidemment des précautions en matière d’éthique, mais aussi clinique, car de telles opérations nécessitent des soins particuliers de la donneuse, pour ne pas endommager l’ébauche du cerveau du fœtus. En outre, il faut plusieurs embryons, et donc autant de donneuses, pour la transplantation d’un seul hémisphère cérébral, alors que la transplantation bilatérale est considérée comme plus efficace. Se posent donc de difficiles problèmes de conservation des tissus .
Le cerveau est un organe aux propriétés immunologiques particulières, qui lui permettent de tolérer des neurones issus d’un donneur de la même espèce (allotransplantation). Pourtant là encore, il a été réalisé qu’il existait des limites mal connues à cette tolérance, qui font que des rejets de greffons sont néanmoins possibles, et peuvent expliquer certains échecs. Des études cliniques récentes, réalisées en « double aveugle », ont conclu que la transplantation de neurones fœtaux humains n’apportaient aucun bénéfice et même pire, pouvaient occasionner l’émergence de dyskinésies.
A l’inverse, des autopsies réalisées sur des patients décédés de causes diverses ont montré que la transplantation pouvait régénérer une innervation dopaminergique significative et stable du striatum, elle-même associée à des bénéfices cliniques aussi stables dans le temps.
De telles contradictions s’expliquent par la variété des techniques de préparation des transplants. Certains centres ont utilisé des pièces entières de tissu mésencéphalique intact, alors que d’autres transplantaient des cellules préalablement dissociées, et ce avec des traitements divers destinés à limiter leur mort durant les étapes pré-opératoires.. Enfin, les traitements post-opératoires ont également varié, en particulier en matière d’immunosuppression. Celle-ci paraît très utile, alors que comme nous l’avons vu, le statut immunologique du cerveau laissait croire que toute allotransplantation serait bien acceptée sans besoin d’immunosuppression.
Il faut donc conclure que la technologie de transplantation demeure encore trop lourde, et que pour la rendre parfaitement fiable, il faut reprendre les recherches fondamentales pour en cerner les aléas et définir les protocoles d’application les plus efficaces.
Dans ce contexte, il est devenu évident qu’un tout état de cause, il serait impossible de disposer de suffisamment de neurones fœtaux humains pour soigner de nombreux patients, et qu’il fallait absolument se diriger vers d’autres sources.
C’est dans ce contexte que des recherches en xénotransplantation ont été entreprises.
Diverses études, essentiellement effectuées aux Etats-Unis, ont montré que les neurones fœtaux porcins constituaient une alternative aux neurones humains. Après transplantation dans le striatum d’un receveur d’une autre espèce (rat, singe), ils montrent une capacité de réinnervation importante et restaurent des troubles moteurs provoqués par des lésions des neurones dopaminergiques. L’handicap majeur de cette voie est la grande susceptibilité de telles xénogreffes aux mécanismes de rejet provoqués par le système immunologique du receveur.
Avec quelques autres groupes, nous avons beaucoup travaillé pour explorer les bases moléculaires et cellulaires de ce rejet, en profitant notamment des compétences de chercheurs de notre laboratoire spécialisés dans l’immunologie des transplantations rénales. Les résultats de plusieurs années d’études, menées notamment par Benoît Melchoir et Caroline Martin, qui ont bénéficié l’un et l’autre d’une aide financière du Comité d’Entente et de Coordination des Associations de Parkinsoniens (CECAP), ont mis en évidence le rôle central d’un type cellulaire, les lymphocytes T.
C’est sur cette base que nous avons entrepris de générer un porc transgénique dont les neurones sécrètent une molécule qu’ils ne produisent pas normalement, et qui est connue pour inactiver plusieurs types de lymphocytes T. Le gène spécifiant cette molécule est d’origine humaine. Toutefois, cette molécule a été améliorée par ingénierie génétique pour en accroître la stabilité, mais aussi pour permettre sa synthèse par des neurones.
L’obtention de porcs transgéniques a nécessité une importante collaboration avec l’INRA (Institut National de Recherche Agronomique), ainsi qu’avec une autre unité INSERM et un laboratoire du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique). Un financement exceptionnel important a été fourni par l’INSERM pour lancer les travaux, qui ont encore bénéficié des aides plus ponctuelles d’associations, dont l’AFM (Association Française pour la lutte contre les Myopathies) et, rappelons-le, le CECAP.
Près de 5 ans ont été nécessaires pour obtenir deux animaux transgéniques, après 2.286 injections d’œufs ensuite réimplantés dans des truies, qui ont abouti à la naissance de 151 porcelets seulement, dont deux présentaient les propriétés recherchées.
Nous disposons maintenant de descendants homozygotes (deux exemplaires du transgène par cellule) de ces deux animaux et avons montré que les neurones mésencéphaliques fœtaux de tels porcs étaient effectivement capables de sécréter la molécule immunosuppressive après implantation dans le cerveau du rat.
Et alors, ça marche ? Impossible de répondre à cette question, car la molécule immunosuppressive est humaine, et elle est inactive sur les lymphocytes T du rat. Il faut donc reprendre l’expérimentation, mais cette fois chez le singe, chez lequel la molécule humaine est active. Le coût et la difficulté logistique de cette expérimentation n’ont pas permis de l’entreprendre à ce jour. Toutefois, une demande de financement, émanant de 22 laboratoires européens, a été déposée auprès de la Commission Européenne. Elle est notamment destinée à produire de nouveaux porcs transgéniques, cette fois destinés à la transplantation de reins ou pancréas chez l’homme. Mais elle inclut un volet destiné à financer la transplantation des neurones issus de nos animaux transgéniques chez des singes préalablement lésés pour les rendre « parkinsoniens »
Cette expérimentation utilisera des installations appropriées à Padoue, en Italie, et mobilisera des compétences de collègues anglais, et bien sûr, les nôtres. Ainsi, nous espérons que les experts communautaires seront séduits par notre programme (il y a de bonnes chances) et que nous connaîtrons bientôt la suite de cette longue entreprise.
–INSERM U643
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