Ne pas être qu'un "patient" ...

Que faire aux stades avancés de la maladie

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°40 – mars 2010 
Par Von Jorg Roth­weiller dans « Parkin­son suisse » n°96

En cas de Parkin­son avancé, que le trai­te­ment habi­tuel ne peut plus maîtri­ser, trois options sont dispo­nibles à ce jour : l’apomorphine, la Duodopa et la stimu­la­tion céré­brale profonde.

À ce jour, la lévo­dopa (L‑Dopa) combi­née avec un inhi­bi­teur de la décar­boxy­lase (le bensé­ra­zide, la carbi­dopa) consti­tue le remède le plus effi­cace pour le trai­te­ment médi­ca­men­teux du Parkin­son. En effet, il exerce une action effi­cace sur les symp­tômes domi­nants aux stades précoces tels que la brady­ki­né­sie, la raideur et les trem­ble­ments. Toute­fois, la L‑Dopa, « étalon-​or » éprouvé qui est admi­nis­trée la plupart du temps avec d’autres médi­ca­ments tels que les inhi­bi­teurs de la COMT ou de la MAO‑B, les agonistes dopa­mi­ner­giques ou les anti­cho­li­ner­giques, présente égale­ment des incon­vé­nients. Le trai­te­ment par L‑Dopa admi­nis­trée par voie orale peut, selon la durée de la mala­die, la gravité de l’affection, la poso­lo­gie de la L‑Dopa et les éven­tuelles autres patho­lo­gies, entraî­ner des compli­ca­tions motrices telles que les dyski­né­sies, les free­zings et les fluc­tua­tions (phéno­mènes « off/​on »). Géné­ra­le­ment, ces effets secon­daires médi­ca­men­teux appa­raissent seule­ment après de nombreuses années. Souvent, ils sont alors accom­pa­gnés d’autres compli­ca­tions de la mala­die avan­cée. Toute­fois, comme le prouvent certaines études, les effets secon­daires, égale­ment quali­fiés de syndrome de longue durée de pres­crip­tion de L‑Dopa, peuvent se mani­fes­ter au bout de deux ans de trai­te­ment déjà.

D’où vient le syndrome de longue durée de pres­crip­tion de la L‑Dopa ?
Géné­ra­le­ment, chez le sujet sain, la concen­tra­tion de dopa­mine libé­rée dans le stria­tum est quasi­ment constante. Le nombre de synapses dopa­mi­ner­giques chutant en cas de Parkin­son, les neurones sont davan­tage solli­ci­tés afin de main­te­nir une stimu­la­tion constante des récep­teurs dopa­mi­ner­giques. Si la dégé­né­ra­tion des synapses dopa­mi­ner­giques est trop impor­tante, cette compen­sa­tion propre à l’organisme ne comble pas le manque de dopa­mine. La dopa­mine doit être four­nie arti­fi­ciel­le­ment (sous la forme de L‑Dopa, à partir de laquelle le cerveau fabrique de la dopa­mine). Le problème est le suivant : l’administration orale de L‑Dopa est un trai­te­ment discon­tinu ; la concen­tra­tion plas­ma­tique du médi­ca­ment, et donc la concen­tra­tion en dopa­mine libé­rée dans le stria­tum, augmentent et dimi­nuent. L’intensité des fluc­tua­tions est prin­ci­pa­le­ment influen­cée par la courte demi-​vie de la L‑Dopa, mais égale­ment par la moti­lité gastro-​intestinale défaillante en cas de Parkin­son (évacua­tion gastrique irré­gu­lière) et les inter­ac­tions de la L‑Dopa avec l’alimentation et les autres médi­ca­ments. Ce problème est renforcé par l’aptitude décrois­sante des neurones à récu­pé­rer la dopa­mine excé­den­taire. En raison des fluc­tua­tions, la réac­tion des récep­teurs dopa­mi­ner­giques est de plus en plus sensible et le déve­lop­pe­ment de la tolé­rance à la L‑Dopa oblige à admi­nis­trer des doses de plus en plus élevées.

Le résul­tat est inévi­table : la durée de trai­te­ment augmen­tant, la « fenêtre d’action théra­peu­tique » s’amoindrit pour la L‑Dopa et les effets secon­daires provo­qués par la stimu­la­tion discon­ti­nue des récep­teurs dopa­mi­ner­giques s’accroissent.

Cet effet n’est pas impé­ra­tif en cas de trai­te­ment par L‑Dopa admi­nis­tré par voie orale, mais il est fréquent. Toute­fois, ses réper­cus­sions sont impor­tantes, notam­ment pour le patients et leurs proches. Les personnes atteintes d’un syndrome de longue durée de pres­crip­tion de L‑Dopa se plaignent de phase de bonne mobi­lité toujours plus courtes, de problèmes cogni­tifs, de troubles du système nerveux auto­nome et de fréquentes sautes d’humeurs. Mis bout à bout, tous ces problèmes entraînent un isole­ment social, indui­sant une baisse de la qualité de vie et sont à l’origine de tensions dans l’environnement fami­lial (qui débouchent souvent sur un place­ment en maison de santé).

Options théra­peu­tiques pour la phase avan­cée de la maladie.
La multi­pli­cité des compli­ca­tions motrices, psychiques et auto­nomes suscep­tibles de se mani­fes­ter en cas de Parkin­son avancé limite les options théra­peu­tiques et exige un trai­te­ment « sur mesure » pour chaque patient. Trois options s’offrent à près de deux pour cent des patients dont le parkin­son avancé ne peut plus être suffi­sam­ment maîtrisé par le trai­te­ment habi­tuel : la pompe à apomor­phine, la pompe à Duodopa et la stimu­la­tion céré­brale profonde. Chacun de ces trai­te­ments présente des avan­tages et des incon­vé­nients. Globa­le­ment, leur approche est la suivante : contrai­re­ment au trai­te­ment discon­tinu par voie orale, ils misent sur une effi­ca­cité conti­nue et une concen­tra­tion médi­ca­men­teuse la plus constante possible dans le plasma sanguin.

  • Variante 1 : la stimu­la­tion céré­brale profonde (SCP)
    La stimu­la­tion céré­brale profonde semble, d’après la litté­ra­ture, consti­tuer le meilleur choix ; en effet, il ne s’agit pas d’un trai­te­ment médi­ca­men­teux. Toute­fois, ce qui semble logique à première vue doit être rela­ti­visé en y regar­dant de plus près : même équipé d’un stimu­la­teur neuro­lo­gique, la plupart des patients ne peuvent renon­cer à toute médi­ca­tion (orale) conco­mi­tante. Par ailleurs, ils ne doivent pas souf­frir de problèmes psychiques (démence, dépres­sion, etc.) et être en bonne condi­tion physique. Les patients présen­tant des symp­tômes axiaux marqués (trouble de l’élocution, troubles de l’équilibre accom­pa­gnés de chutes) ne sont pas non plus éligibles pour l’intervention.

    La SCP repré­sente une option quand les trem­ble­ments, les fluc­tua­tions motrices et les dyski­né­sies sont au premier plan. Des études cliniques et l’exploitation d’une sélec­tion de données recueillies sur les quelques 40 000 patients trai­tés par SCP jusqu’à présent prouvent que la SCP, combi­née à la L‑Dopa, peut soula­ger ces trois symp­tômes. Dans une étude réali­sée sur 96 patients, les symp­tômes asso­ciés aux phases « off » ont dimi­nué de 51%, tandis que les phases « on » restaient constantes.
    D’un autre côté, il convient de consi­dé­rer qu’il s’agit d’une inter­ven­tion chirur­gi­cale, dont les effets psychiques à long terme (angoisses, hypo­ma­nies, dépres­sions, risques accru de suicide) sont diffi­ciles à évaluer. Par ailleurs, la SCP peut entraî­ner des effets secon­daires tels que la limi­ta­tion de la parole, les insta­bi­li­tés de la marche ou une tendance accrue aux chutes.

    Des études correllent étroi­te­ment ces incon­vé­nients de la SCP avec l’âge des patients ; la SCP s’avère donc une option surtout pour les patients âgés de moins de 65 ans. D’après une étude réali­sée sur 156 patients, la SCP peut, préci­sé­ment chez les parkin­so­niens plus jeunes, permettre une meilleure qualité de vie qu’un trai­te­ment médi­ca­men­teux adapté de manière opti­male, notam­ment en cas de graves dyski­né­sies. Natu­rel­le­ment, la recherche fait égale­ment des progrès constants en matière de SCP. Toute­fois, actuel­le­ment la SCP ne convient qu’à un cercle très restreint de parkin­so­niens, et les patients plus jeunes en profitent bien davan­tage que les personnes âgées de plus de 70 ans. 

  • Variante 2 la perfu­sion sous-​cutanée d’apomorphine.
    Il y a quelques années, l’apomorphine, agoniste dopa­mi­ner­gique, était la seule possi­bi­lité de trai­te­ment anti­par­kin­so­nien médi­ca­men­teux continu. Cette substance active liquide est admi­nis­trée par voie sous-​cutanée (dans le tissu grais­seux sous-​cutané) à l’aide d’une petite pompe. Cette méthode est peu contrai­gnante : la petite pompe est portée dans un sac banane. Elle est reliée à un tuyau mince équipé d’une très fine aiguille de 6 à 10 mm, piquée dans le tissu cutané et fixée à l’aide d’un ruban adhé­sif. Des études le montrent : la perfu­sion conti­nue d’apomorphine permet de réduire les phases « off » de 50 à 60% pendant la jour­née. En cas de dyski­né­sies égale­ment, l’apomorphine permet souvent d’obtenir de bons résul­tats. La plupart du temps, elle n’a pas de consé­quences néga­tives sur les dépres­sions, mais elle peut parfois entraî­ner des problèmes psychiques et cognitifs.

    Les réac­tions cuta­nées, parfois vives, repré­sentent le gros incon­vé­nient du trai­te­ment par apomor­phine. Des nodules peuvent se former sur les sites de la piqûre ; le tissu grais­seux sous-​cutané se durcit. Ces réac­tions cuta­nées peuvent avoir des réper­cus­sions néga­tives sur l’efficacité (manque de résorp­tion) de la substance active. Dans de nombreux cas, la perfu­sion d’apomorphine doit donc être inter­rom­pue au bout d’un ou deux ans seulement.
    Deuxième incon­vé­nient de la perfu­sion d’apomorphine : comme la SCP, elle s’accompagne toujours d’une médi­ca­tion conco­mi­tante (par voie orale). Celle-​ci s’avère souvent très complexe, préci­sé­ment en cas de Parkin­son avancé, et les patients doivent adap­ter péni­ble­ment leur vie selon la trame tempo­relle de la prise de médicament.
    Par ailleurs, la mani­pu­la­tion de la pompe est rela­ti­ve­ment compli­quée, ce qui peut sursol­li­ci­ter certains patients ou leurs proches soignants … 

  • Variante 3 : la perfu­sion duodé­nale de Duodopa.
    Depuis près de cinq ans, le médi­ca­ment Duodopa offre égale­ment la possi­bi­lité de perfu­sion conti­nue de L‑Dopa en Suisse. Cette substance active sous forme de gel (mélange de L‑Dopa et de l’inhibiteur de la décar­boxy­lase Carbi­dopa) est admi­nis­trée par une pompe via une fine sonde direc­te­ment dans l’intestin grêle, soit exac­te­ment à l’endroit où elle est résor­bée par l’organisme. Le problème de la faible moti­lité gastro-​intestinale en cas de Parkin­son est ainsi contourné.

    Pour déter­mi­ner si la Duodopa repré­sente un trai­te­ment effi­cace pour un certain patient, une sonde est d’abord posée dans l’intestin grêle par le nez. Le médi­ca­ment est ensuite admi­nis­tré par cette voie. Si ce test au cours duquel la poso­lo­gie de Duodopa est augmen­tée progres­si­ve­ment jusqu’à la dose opti­male, s’avère posi­tif, une brève inter­ven­tion chirur­gi­cale installe la sonde défi­ni­tive (dite sonde PEG) dans l’intestin grêle à travers la paroi abdo­mi­nale et l’estomac …

    La très grande effi­ca­cité du trai­te­ment par Duodopa contre les fluc­tua­tions de la concen­tra­tion plas­ma­tique en L‑Dopa est incon­tes­table. Une étude a pu prou­ver que les fluc­tua­tions étaient jusqu’à 47% moins fréquentes sous Duodopa qu’en cas de trai­te­ment par L‑Dopa admi­nis­trée par voie orale. La perfu­sion conti­nue de Duodopa agit tout aussi bien sur les fluc­tua­tions motrices et les dyski­né­sies. D’après une étude, la Duodopa permet de réduire les phases « off » jusqu’à un maxi­mum de 80%. Elle a égale­ment des réper­cus­sions posi­tives sur les symp­tômes non-​moteurs tels que les troubles du sommeil, les problèmes vési­caux et diges­tifs ; d’une part parce que ces problèmes appa­raissent majo­ri­tai­re­ment pendant les phases « off », d’autre part parce que les patients sont plus mobiles et plus actifs sous Duodopa.

    Par ailleurs, le trai­te­ment par Duodopa, contrai­re­ment à la SCP, convient bien aux patients plus âgés égale­ment. Avan­tages par rapport à la pompe à apomor­phine : aucune irri­ta­tion de la peau ne peut appa­raître et la Duodopa peut, la plupart du temps, être utili­sée sous forme de mono­thé­ra­pie, c’est-​à-​dire sans médi­ca­tion orale conco­mi­tante. Par ailleurs, la Duodopa présente l’avantage de ne pas avoir de réper­cus­sions néga­tives sur la psyché et les apti­tudes cogni­tives du patient. D’après une étude, une amélio­ra­tion des symp­tômes non-​moteurs de 55% a pu être obte­nue sous Duodopa.

    Cepen­dant, le trai­te­ment par Duodopa présente égale­ment des incon­vé­nients. Ainsi, la pompe est rela­ti­ve­ment grande et lourde (500 grammes), et la sonde, qui descend jusqu’à l’intestin grêle, est contrai­gnante sur le plan tech­nique et du point de vue des soins. Elle peut s’encombrer, se casser ou glis­ser à l’intérieur de l’organisme ; c’est la raison pour laquelle la pompe et la sonde doivent être contrô­lées régu­liè­re­ment. Un person­nel spécia­lisé formé à cet effet doit s’en char­ger. Natu­rel­le­ment, les proches soignants doivent égale­ment être soigneu­se­ment informés. 

Résumé : le trai­te­ment doit être discuté au cas par cas.
Pour une partie des patients atteints de Parkin­son avancé, qui souffrent de graves compli­ca­tions motrices répon­dant encore à la L‑Dopa, l’apomorphine, la Duodopa et la stimu­la­tion céré­brale profonde consti­tuent actuel­le­ment trois options. Il convient d’évaluer, en colla­bo­ra­tion avec des spécia­listes, laquelle est préfé­rable au cas par cas. Le trai­te­ment par injec­tion de cellules souches ou les autres approches trans­plan­ta­tives, que beau­coup attendent avec espoir, n’en sont malheu­reu­se­ment qu’au stade expé­ri­men­tal de déve­lop­pe­ment aujourd’hui et ne peuvent être utili­sées en dehors de la recherche clinique dans l’état actuel des connaissances. 

Lu par Jean GRAVELEAU

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