Ne pas être qu'un "patient" ...

Les problèmes psychologiques posés la maladie de Parkinson

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDEPENDANT N°26 – septembre 2006 

Mortain – 8 avril 06
Confé­rence animée par Mary­vonne ROGINSKI,
Psycho­logue à Rennes :

« Les problèmes psycho­lo­giques posés la mala­die de Parkinson »

Voilà 15 années que j’accompagne des Parkin­so­niens et leurs familles à Rennes
Je dis leurs familles car il est impor­tant de penser à l’entourage : ses diffi­cul­tés et ses besoins parti­cu­liers doivent égale­ment être pris en compte. J’ai une pensée parti­cu­lière pour les personnes qui vivent seules cette mala­die car son évolu­tion entraîne des moments de déses­poir et de décou­ra­ge­ment parti­cu­liè­re­ment diffi­ciles à vivre dans la solitude.
Les personnes viennent à la consul­ta­tion à trois moments clés de la mala­die : l’annonce du diag­nos­tic, le début de période des fluc­tua­tions d’effet et lors de la prise de déci­sion d’une neurostimulation.

L’annonce du diagnostic 
Les patients évoquent souvent la bruta­lité de l’annonce. Certains me disent que le méde­cin a pris des précau­tions et leur a présenté en même temps les diffé­rentes possi­bi­li­tés théra­peu­tiques. D’un point de vue psycho­lo­gique il semble que ces patients ont mieux supporté l’annonce faite avec ména­ge­ment, mais il n’en reste pas moins que cette annonce reste une mauvaise nouvelle que chacun va devoir « encais­ser » à sa façon.

Je me souviens d’une dame qui avait parti­cu­liè­re­ment mal vécu cette annonce, son mari ne savait plus quoi faire car elle était pros­trée et ne voulait plus vivre : elle se voyait dépen­dante, graba­taire et quasi mourante alors que ses symp­tômes étaient encore très légers.

L’annonce de la mala­die est main­te­nant plus accom­pa­gnée que par le passé ; les neuro­logues présentent les diffé­rentes possi­bi­li­tés théra­peu­tiques ce qui permet de limi­ter les peurs des malades géné­rés par la repré­sen­ta­tion qu’ils se font de cette mala­die bien mystérieuse.

La déci­sion de l’intervention
Les neuro­logues proposent beau­coup plus d’interventions que par le passé et ils m’adressent souvent leurs patients car la déci­sion n’est pas facile à prendre. Beau­coup me posent la ques­tion : « vous qui voyez beau­coup de Parkin­so­niens, j’ai inté­rêt à me faire opérer ou pas ? ». Bien évidem­ment, je ne peux pas répondre à cette ques­tion car chaque cas est parti­cu­lier et chacun doit envi­sa­ger les béné­fices et les incon­vé­nients avec son neuro­logue avant de prendre sa propre décision.

En ce moment je travaille avec une dame qui n’arrive pas à prendre sa déci­sion. Elle a connu 12 ans de Parkin­son avec un trai­te­ment bien adapté qu’elle suppor­tait bien. Son neuro­logue lui a proposé le prin­cipe d’une inter­ven­tion, elle s’est inscrite sur la liste des « consen­tants » mais elle a reculé chaque fois qu’on lui a proposé une date d’intervention. J’ai donc cher­ché à connaître les raisons de ses craintes. Elle pensait que la maîtrise de ses symp­tômes pendant les 12 années écou­lées prove­nait de sa seule volonté. Elle était persua­dée que c’était une ques­tion de mental : elle y était parve­nue et il n’y avait pas de raison pour que cela ne conti­nue pas comme ça. Je lui ai rappelé que la mala­die de Parkin­son est une mala­die neuro­lo­gique évolu­tive et que si le moral joue un rôle impor­tant, l’évolution elle, est indé­pen­dante de sa volonté. La mala­die l’a rattra­pée de manière trop brutale, les symp­tômes qu’elle ressen­tait de nouveau ainsi que la future inter­ven­tion ont été vécus comme un échec de sa volonté. Il fallait lui lais­ser plus de temps pour digé­rer tout cela.

Il y a quelques temps, les délais entre le prin­cipe de l’intervention et l’intervention elle-​même étaient plus longs ce qui lais­sait plus de temps pour envi­sa­ger la déci­sion plus serei­ne­ment. Le raccour­cis­se­ment des délais semble préci­pi­ter la prise de déci­sion qui semble hâtive et prise dans l’urgence.

Le début de la période des fluc­tua­tions d’effet
Pendant la « lune de miel » le trai­te­ment fait son plein effet et les symp­tômes sont peu percep­tibles. Lorsque les diffi­cul­tés commencent à se faire sentir, les symp­tômes sont plus visibles et le regard des autres pose un certain nombre de ques­tions notam­ment : « comment vivre la mala­die avec son entou­rage fami­lial et profes­sion­nel ? » et « quelles sont les réper­cus­sions sociales et comment les surmonter ? ».

Beau­coup de Parkin­so­niens cherchent à cacher les symp­tômes qu’ils estiment gênants pour les « biens-​portants », il ne faut pas inver­ser les rôles, c’est aux « biens-​portants » de s’adapter et d’accepter les malades tels qu’ils sont.

L’attitude de l’entourage a beau­coup d’importance et je remarque fréquem­ment que les causes des souf­frances ressen­ties par le malade et par son entou­rage ne sont pas iden­tiques et surtout qu’elles ne sont pas synchrones ce qui entraînent souvent des compli­ca­tions relationnelles.
Les malades expriment souvent cette remarque : « mon conjoint ne me comprend pas » alors que le conjoint rapporte plutôt : « on demande toujours des nouvelles du malade et on ne s’occupe pas de moi » ou « le malade ne voit pas tout ce que je fais pour lui ».

Chaque couple a son histoire, l’irruption de la mala­die va modi­fier la percep­tion de l’un et de l’autre et les réponses aux problèmes posés ne peuvent être qu’individuelles. On distingue cepen­dant quelques atti­tudes et situa­tions typiques : la surpro­tec­tion, la néga­tion, le miroir, l’abandon, l’isolement, l’arrêt de la conduite automobile…

« La surprotection »
Le conjoint a tendance à surpro­té­ger le malade qui perd peu à peu son autonomie.

« La négation »
Le conjoint nie la mala­die et fait comme si elle n’existait pas.
La bonne atti­tude se situe vrai­sem­bla­ble­ment entre ces deux atti­tudes oppo­sées : pas trop de protec­tion, pas trop de déni pour que Parkin­son ne prenne pas trop de place dans la maison

« Le miroir »
Trou­ver la bonne atti­tude n’est pas facile pour certains et j’ai encore en mémoire le cas d’une épouse d’un Parkin­so­nien qui faisait un effet de miroir : « s’il va bien, je vais bien, s’il mange, je mange, s’il ne mange pas, je ne mange pas… », cela faisait en fait deux malades. Cette personne avait besoin d’aide pour trou­ver la bonne distance.

« L’abandon »
L’abandon existe malheu­reu­se­ment dans beau­coup de mala­dies chro­niques. Certains conjoints ne supportent pas cette situa­tion. Il n’y a pas de juge­ment à porter car chaque couple a son histoire et la mala­die peut surve­nir à un moment parti­cu­liè­re­ment diffi­cile de la vie du couple.

Il existe égale­ment une forme d’abandon plus tardif, pour l’illustrer je cite­rai le cas d’une infir­mière conjointe d’un Parkin­so­nien. Du fait de son métier, elle aidait d’autres malades au cours de la jour­née et lorsqu’elle rentrait le soir à la maison, elle aidait son mari et elle trou­vait cette situa­tion parfai­te­ment normale. Elle a trouvé la tâche de plus en plus lourde et petit à petit elle a délé­gué son rôle aux enfants qui ont pris une place qui ne leur appar­te­nait pas. L’appel à une aide externe (soins à domi­cile, assis­tante de vie…) a permis à chacun de retrou­ver sa vraie place.

« L’isolement »
Pour beau­coup de malades et leurs familles, l’isolement est ressenti doulou­reu­se­ment. Devant les diffi­cul­tés géné­rées par les symp­tômes de la mala­die de Parkin­son dans la vie sociale, beau­coup de malades ne veulent plus sortir de chez eux. Ils cherchent à se proté­ger en s’éloignant des situa­tions où ils seraient suscep­tibles d’être en situa­tion d’échec.

L’époque a le culte de la bonne santé et la mala­die est souvent mal tolé­rée, beau­coup d’amis désertent et n’invitent plus : « je croyais que l’on avait plus de vrais amis que ça » me disait récem­ment une de mes patientes.
Dans la mala­die de Parkin­son, le rejet peut provo­quer plus de souf­frances que la mala­die elle-​même, les modi­fi­ca­tions des rela­tions affec­tives peuvent être plus destruc­trices que les blocages et les dyskinésies.

« L’arrêt de la conduite automobile »
La personne qui est obligé de s’arrêter de conduire le ressent comme une véri­table catas­trophe car c’est réel­le­ment une perte d’autonomie. Je connais un monsieur qui adorait conduire, c’était chez lui une véri­table passion, obligé de s’arrêter, il a d’abord criti­qué son épouse : « j’ai peur, tu conduis trop mal » puis il a préféré ne plus sortir pour ne pas lui lais­ser le volant.

Le rôle du psychologue 
La mala­die est la réalité et chacun doit s’adapter à cette réalité.
Le rôle du psycho­logue ne consiste pas à trou­ver des solu­tions aux problèmes posés par la mala­die mais elle consiste à aider les personnes à les trou­ver : comment allez-​vous faire pour suppor­ter cette réalité ?

On sait très bien l’influence du moral sur le vécu des personnes, je connais un monsieur parkin­so­nien qui vivait seul et qui a rencon­tré la femme de sa vie, c’est bien connu, l’amour donne des ailes et de l’énergie, sa mala­die était toujours présente mais il surmon­tait tous les problèmes.

Au fur et à mesure de la progres­sion de la mala­die chacun exprime ses peurs pour l’avenir, en parler avec quelqu’un de neutre permet de les ration­na­li­ser et de les remettre à leur juste place. Parler c’est aussi expri­mer des émotions, faire sortir ses émotions fait le plus grand bien, il faut donc parler de ses problèmes.

Nous sommes tenus au secret, cepen­dant j’aimerais bien parfois dire quelques mots au neuro­logue, je le fais de temps à autre avec l’accord du malade mais je reste très prudente pour ne pas pertur­ber la rela­tion théra­peu­tique entre malade et neurologue.

Confé­rence de Mary­vonne ROGINSKI
Commu­ni­quée par l’association de La Manche 

3 Commentaires Cliquer ici pour laisser un commentaire

  1. Bonsoir Madame,
    Le site GP29 est un bon endroit, il existe égale­ment des forums de discus­sion tels que Park­liste, Coeru­leus… où vous pour­rez échan­ger avec les adhérents.
    Cordialement
    Pierre Lemay

    Commentaire by Lemay Pierre — 10 février 2008 #

  2. bonjour — il ne faut pas rester seule pour faire face à la mala­die — faites moi connaître votre lieu de domicile,il y a certai­ne­ment une asso­cia­tion où
    vous pour­rez trou­ver de l’aide et apprendre à connaître la mala­die, ce qu’il faut abso­lu­ment faire pour pouvoir la vivre le mieux possible.
    bien amica­le­ment — E.Six — gp29@altern.org

    Commentaire by Six Emilienne — 10 février 2008 #

  3. je suis très seule bien que je sois au début de la mala­die, où puis-​je écrire une petite annonce pour rencon­trer quel­qu’un qui soit dans la même situa­tion que moi ????

    Commentaire by mougeot — 4 février 2008 #

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