Ne pas être qu'un "patient" ...

Les 50 ans de la Dopamine

Paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT — N°30 septembre 2007

Cette année, est célé­bré le cinquan­tième anni­ver­saire de la décou­verte de la Dopa­mine en tant que neuro­trans­met­teur céré­bral. Elle a été décou­verte par Arvid Carls­son, qui a reçu en l’an 2000, à l’âge de soixante dix-​sept ans, le prix Nobel de Méde­cine et de Physio­lo­gie, pour l’ensemble de ses travaux de neuro­phy­sio­lo­gie et de neuropharmacologie.

Depuis la fin des années 1950, ces travaux ont ouvert la voie à la compré­hen­sion des moda­li­tés d’action des neuro­trans­met­teurs aminer­giques (Dopa­mine, Adré­na­line et Nora­dré­na­line) dans le système nerveux central, et ont permis de décou­vrir certaines des fonc­tions centrales de la dopamine.

Au-​delà de l’intérêt direct de ces travaux pour la compré­hen­sion et le trai­te­ment de mala­dies neuro­lo­giques et psychia­triques, telles que la mala­die de Parkin­son ou la schi­zo­phré­nie, l’inspiration et les résul­tats de A. Carls­son ont donné une impul­sion consi­dé­rable à la neuro­psy­cho­phar­ma­co­lo­gie dont l’intérêt ne se dément pas cinquante ans plus tard.

Depuis une ving­taine d’années, ce champ des neuros­ciences a gran­de­ment béné­fi­cié des stra­té­gies parti­cu­liè­re­ment puis­santes et infor­ma­tives appor­tées par la biolo­gie molé­cu­laire et l’imagerie céré­brale chez l’homme. A. Carls­son, méde­cin et neuro­phy­sio­lo­giste suédois, a tout d’abord étudié puis travaillé comme Profes­seur de Phar­ma­co­lo­gie à l’Université de Lund (Suède). Depuis 1956, il dirige le labo­ra­toire de Phar­ma­co­lo­gie de l’Université de Göte­borg (Suède).

A partir de 1958, A. Carls­son apporte des argu­ments déci­sifs démon­trant que la dopa­mine est un neuro­trans­met­teur dans le système nerveux central. En quoi cette décou­verte était elle si importante ?

A cette époque, le nombre de molé­cules suscep­tibles d’intervenir comme messa­ger chimique dans le système nerveux central appa­raît très limité. Parmi les neuro­trans­met­teurs déjà iden­ti­fiés, on connais­sait l’acétylcholine et la nora­dré­na­line, cette dernière étant synthé­ti­sée à partir de la tyro­sine, présente dans le sang.

La dopa­mine n’est alors que le méta­bo­lite situé en amont de la nora­dré­na­line. Carls­son débute ses travaux alors que naît la neuro­psy­cho­phar­ma­co­lo­gie et que la biochi­mie permet le déve­lop­pe­ment d’outils puis­sants pour comprendre et modi­fier le méta­bo­lisme et les effets des mono­amines. A l’Université de Lund (Suède), A. Carls­son démontre avec N. Hillarp que, chez l’animal, la réser­pine (connue main­te­nant comme un bloqueur vési­cu­laire de la dopa­mine) entraîne une perte massive des mono­amines dans le système nerveux central, avec des effets compor­te­men­taux qui rappellent certains des symp­tômes de la mala­die de Parkinson.

Sur la base de ces résul­tats, il démontre que l’injection de L‑dopa, précur­seur immé­diat de la dopa­mine, restaure des concen­tra­tions céré­brales normales en dopa­mine et corrige les mani­fes­ta­tions compor­te­men­tales de la réser­pine, en parti­cu­lier les effets akiné­tiques (c’est-​à-​dire les ralen­tis­se­ments des mouve­ments). Ces résul­tats conduisent Carls­son et de nombreux groupes à s’intéresser de près à la dopa­mine avec plusieurs décou­vertes majeures : la dopa­mine est présente dans le cerveau à l’état natu­rel, dans des zones qui ne contiennent pas de nora­dré­na­line. Parmi celles-​ci, le stria­tum consti­tue un des terri­toires les plus riches en dopa­mine. Cela conduit Carls­son à suggé­rer que la perte en dopa­mine induite par la réser­pine est seule respon­sable des symp­tômes parkin­so­niens obser­vés chez l’animal, ce que confirme la correc­tion des troubles par l’injection de L‑Dopa.

Malgré quelques résis­tances, la dopa­mine prend la place qui lui est due comme nouvelle venue dans la famille des neurotransmetteurs.

Au début des années 1960, l’école d’histologie suédoise, sur la base des remar­quables travaux d’histochimie de HILLARP, visua­lise et décrit pour la première fois des popu­la­tions neuro­nales produc­trices de mono­amines et permet en fait de comprendre que la richesse en dopa­mine du stria­tum est due à son inner­va­tion massive par les neurones de la substance noire. Il devient possible de détec­ter et de décrire des popu­la­tions neuro­nales dans le système nerveux central, sur la base de leur contenu en neuro­trans­met­teur. Soixante ans après les travaux de CAPAL, une nouvelle neuroa­na­to­mie est en train de naître.

Stimulé par les décou­vertes des équipes suédoises, HORNYKIEWIEZ (un autri­chien) démontre alors que le stria­tum des sujets parkin­so­niens présente une perte massive en dopamine.

La dopa­mine acquiert ses lettres de noblesse en méde­cine lorsque COTZIAS et al. démontrent en 1967 que l’administration de L‑dopa chez des sujets atteints de mala­die de Parkin­son corrige effi­ca­ce­ment certains des symp­tômes les plus inva­li­dants, en parti­cu­lier le tremblement.

Grâce à la conjonc­tion des approches de phar­ma­co­lo­gie, de neuro­chi­mie, et de neuroa­na­to­mie, le lien est fait entre un neuro­trans­met­teur, ses fonc­tions et une mala­die neuro­dé­gé­né­ra­tive. Pour la première fois, on dispose, sur des bases ration­nelles, d’un trai­te­ment symp­to­ma­tique effi­cace pour cette maladie.

Quarante ans plus tard, malgré ses limites, la L‑dopa reste le trai­te­ment de réfé­rence de la mala­die de Parkinson.

A partir des années 1960, grâce à ces décou­vertes, les travaux consa­crés à la dopa­mine prennent un essor consi­dé­rable dans de nouveaux champs des neuros­ciences et de la méde­cine. Au-​delà de l’intérêt des hypo­thèses et des résul­tats de A. CARLSSON et de ses colla­bo­ra­teurs dans la compré­hen­sion et le contrôle de la trans­mis­sion dopa­mi­ner­gique, ces décou­vertes ont donné un formi­dable élan à la neuropsychopharmacologie.

Des défis majeurs restent cepen­dant encore à rele­ver, parmi lesquels la compré­hen­sion des méca­nismes biolo­giques des psychoses et des conduites addic­tives (dans lesquelles la dopa­mine est impli­quée), et la mise au point de théra­peu­tiques permet­tant aux patients concer­nés de recou­vrer une vie normale.

(adapté de Med Sciences 2000 ; 16 :1285 – 8)
Vincent PAILLE
Fonda­zione Santa Lucia, Euro­pean Brain Research Insti­tute (EBRI)
Neur­phy­sio­logy laboratory,
Via del Fosso di Fiorano, 64
00143 Rome Italy

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