Xénotransplantation : les anticorps contre-attaquent !
Publié le 09 octobre 2011 à 22:44La maladie de Parkinson est une maladie progressive caractérisée par la dégénérescence bilatérale des neurones dopaminergiques de la substance noire. La destruction des neurones dopaminergiques de la substance noire se projetant dans le striatum a pour conséquence une diminution de la sécrétion de dopamine au niveau de cette structure. Ce déficit en dopamine est à l’origine des principaux troubles caractéristiques de la maladie de Parkinson.
Actuellement, il n’existe pas de traitement curatif de la maladie, mais différents traitements symptomatiques sont utilisés. L’administration par voie orale de L‑DOPA (lévodopa), précurseur de la dopamine capable de traverser la barrière hématoencéphalique, est l’un des plus couramment prescrits. Un inconvénient majeur de la prise de L‑DOPA est l’apparition, au bout de quelques années, de dyskinésies (mouvements anormaux) qui aggravent fortement le handicap du malade. Plus récemment, une stratégie basée sur la stimulation électrique du noyau subthalamique, entre autre, a été développée. Son efficacité sur les troubles moteurs est assez spectaculaire, dans la plupart des cas, mais les risques chirurgicaux et les critères d’inclusion en font une opération accessible à un très faible nombre de patients. De plus, de nombreux symptômes ne sont pas corrigés par ces thérapies.
Aussi, il apparaît important de poursuivre les recherches sur les stratégies restauratrices, notamment la greffe intracérébrale de neuroblastes.
Des neuroblastes mésencéphaliques issus d’embryons humains (8 à 9 semaines) et transplantés dans le striatum de patients parkinsoniens ont conduit à des améliorations cliniques basées notamment sur la production de dopamine par les neurones greffés. Cependant, le recours à des embryons d’origine humaine pose des problèmes éthiques et logistiques, notamment dus au fait que 7 à 8 embryons sont nécessaires pour réaliser ces greffes. D’où l’intérêt d’utiliser des neuroblastes d’origine animale et en particulier porcine. En effet, le porc présente de nombreux avantages pour la xénotransplantation : un grand nombre d’embryons à chaque portée, une facilité d’élevage, la possibilité de contrôler la reproduction des animaux et de pouvoir pratiquer des manipulations génétiques. De plus, son cerveau étant de grande taille, les neurones porcins ont la capacité d’émettre des neurites sur de longues distances comme chez l’Homme. Une survie des cellules greffées, une réinnervation du striatum ainsi qu’une récupération des fonctions motrices ont été observées lors d’essais cliniques menés chez certains patients parkinsoniens traités par des immunosuppresseurs (molécules permettant de limiter l’activité du système immunitaire). Mais le problème rencontré reste le rejet de ces greffes.
En effet, en l’absence d’immunosuppresseur comme la cyclosporine A, les greffes de neuroblastes porcins dans le striatum de rat sont rejetées au bout de 7 – 8 semaines. Les traitements par des immunosuppresseurs prolongent la survie de la greffe, mais de manière transitoire, de plus, utilisés à fortes doses, ceux-ci entraînent des effets secondaires, notamment une toxicité rénale. Il est donc important de comprendre et d’étudier les mécanismes en cause dans le rejet pour envisager une survie à long terme de la greffe.
Diverses études ont mis en évidence un rôle important de la réponse immunitaire cellulaire dans le rejet. L’analyse de xénogreffes chez le rat a révélé un recrutement précoce des cellules dendritiques Ces cellules, connues pour leur rôle dans la présentation des antigènes, pourraient favoriser le recrutement de lymphocytes T dans le cerveau. En effet, en l’absence d’immunosuppresseur, on observe vers 7 à 8 semaines, une forte infiltration de la greffe par des lymphocytes T et des cellules dendritiques. Cette réaction immune est accompagnée d’une activation des cellules microgliales. Elle a pour conséquence le rejet de la greffe.
Outre la réponse cellulaire, il a été observé un dépôt d’anticorps et de complément au niveau du greffon. Cette observation suggère une réponse humorale, caractérisée par la production d’anticorps dirigés contre la greffe, qui, à ce jour, a été très peu étudiée.
Nos travaux au sein de l’INSERM U643 ont pour but d’étudier la réponse humorale lors de xénogreffes. Pour cela, nous nous intéressons à l’analyse de la production d’anticorps dans le sérum de rats greffés avec des neuroblastes porcins.
Les anticorps produits suite à la greffe vont venir se fixer sur les cellules porcines du greffon et le détruire. Nous avons pu mettre en évidence que la production d’anticorps augmentait en fonction du délai post greffe et du statut de la greffe. En particulier, une forte concentration d’anticorps est observée dans le sérum de rats pour qui la greffe est rejetée.
De plus, ces anticorps ont la capacité de cibler différentes populations cellulaires tels que les neurones et les astrocytes. Nous essayons maintenant de déterminer dans quelle mesure cette réponse humorale est importante dans le phénomène du rejet par le suivi de la survie de la greffe chez des rats ne possédant plus d’anticorps. En effet, il est important de pouvoir visualiser quelle est la balance dans le rejet entre les réponses immunitaires cellulaire et humorale. Ces données nous permettront de mieux comprendre le rejet dans le but final de développer des stratégies immunosuppressives locales pouvant intervenir sur les deux types de réponse immunitaire afin de permettre une survie de la greffe à plus long terme.
Je tenais à remercier tous les membres de l’association CECAP pour leur soutien dans la réalisation de ce travail.
Elodie MATHIEUX – INSERM 643 Nantes
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