Ne pas être qu'un "patient" ...

Stimulation cérébrale profonde (SCP) : jamais sans auto-détermination

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°49 – juin 2012 

De nos jours, la stimu­la­tion céré­brale profonde est consi­dé­rée comme une forme théra­peu­tique établie pour lutter contre le Parkin­son et d’autres troubles moteurs. La déci­sion de cette inter­ven­tion requiert des expli­ca­tions minu­tieuses et une action auto­nome des personnes concernées.

Il est diffi­cile d’échapper à la puis­sance sugges­tive de telles images : un homme souf­frant d’importants trem­ble­ments allume un appa­reil et retrouve d’un seul coup le contrôle de son orga­nisme … Leur pouvoir d’attraction est impor­tant. Et pour­tant, elles ne donnent qu’un aperçu très incom­plet du déve­lop­pe­ment de la stimu­la­tion céré­brale profonde (SCP), qui est deve­nue, après des décen­nies de recherche, un procédé établi dans le trai­te­ment des troubles moteurs tels que le Parkin­son, les dysto­nies et les trem­ble­ments essen­tiels. Près de 85 000 personnes dans le monde ont déjà béné­fi­cié de l’implantation d’un système de SCP. Ce nombre va crois­sant, tout comme les domaines d’application de la SCP. Aujourd’hui, elle est égale­ment utili­sée pour trai­ter l’épilepsie, la douleur chro­nique et les troubles obses­sion­nels compul­sifs. Son appli­ca­tion dans le cadre d’autres mala­dies telles que les dépres­sions fait l’objet de recherches.

La SCP : mode de fonctionnement
A première vue, l’approche théra­peu­tique de la SCP est convain­cante : au lieu de noyer le cerveau dans les médi­ca­ments, on inter­vient de manière ciblée dans un réseau neuro­nal perturbé en implan­tant une élec­trode à des endroits précis du cerveau et en norma­li­sant en quelque sorte l’activité du réseau à l’aide d’un courant élec­trique. Le courant de stimu­la­tion est généré par un stimu­la­teur (semblable à un pace­ma­ker) implanté sous la clavi­cule ou dans la région abdo­mi­nale. Ce stimu­la­teur peut être piloté sans fil au moyen d’un appa­reil de program­ma­tion externe afin d’adapter les para­mètres de stimulation.

Condi­tion préa­lable pour le succès de la SCP : natu­rel­le­ment, le mode de fonc­tion­ne­ment du réseau corres­pon­dant dans le cerveau doit être bien connu et les élec­trodes doivent pouvoir être implan­tées avec le moins de risque possible et de manière très précise à l’endroit souhaité. Par ailleurs, la déter­mi­na­tion de la stimu­la­tion idoine demande beau­coup d’expérience aux neuro­logues, car la plupart du temps la médi­ca­tion est pour­sui­vie (souvent dans une bien moindre mesure). Même dans le cas d’une SCP, il convient presque de « para­mé­trer » les patients parkin­so­niens afin d’obtenir l’effet optimal.

Contrai­re­ment à l’administration de médi­ca­ments, qui est sous-​tendue en perma­nence par une certaine dyna­mique et donc par des varia­tions de concen­tra­tion, l’effet de stimu­la­tion, une fois qu’elle est réglée de manière opti­male, est quasi­ment constant. Certains problèmes, tel que les phases « off », sur lesquels les médi­ca­ments n’agissent pas bien, peuvent ainsi être contrô­lés de manière satisfaisante.
Malgré l’efficacité souvent satis­fai­sante de la SCP, son action précise sur les tissus nerveux stimu­lés reste floue. La concep­tion d’origine selon laquelle l’activité de cette région serait en quelque sorte « arrê­tée » s’est avérée impré­cise. En revanche, une sorte de « modu­la­tion » de l’activité a lieu, dans le sens où la stimu­la­tion précise permet de norma­li­ser à nouveau l’activité de l’ensemble du réseau. 

Une inter­ven­tion invasive
Même si la SCP consti­tue une inter­ven­tion nette­ment moins inva­sive que les autres opéra­tions du cerveau (comme par ex. l’ablation neuro­chi­rur­gi­cale d’une tumeur au cerveau), le crâne du patient est ouvert à l’aide d’un trépan et des élec­trodes sont implan­tées dans des régions profondes du cerveau. Le fait que cette procé­dure soit géné­ra­le­ment réali­sée sur des patients éveillés ne simpli­fie pas les choses. En consé­quence, de nombreux patients ont de gros doutes sur leur capa­cité à subir une telle inter­ven­tion ou non.

Le fait de savoir que dans le cas du Parkin­son, plus de 20 années d’expérience avec la SCP ont été accu­mu­lées est rassu­rant. Elles montrent que la méthode permet d’obtenir de bons, voire de très bons résul­tats – à condi­tion que les patients soient sélec­tion­nés méti­cu­leu­se­ment et en tenant compte de nombreux aspects. C’est pour­quoi la SCP n’est géné­ra­le­ment employée que quand l’efficacité des médi­ca­ments n’est plus suffi­sante ou quand leurs effets secon­daires sont trop importants.

La déci­sion en faveur ou à l’encontre de la SCP exige égale­ment de l’autodétermination de la part des personnes concernées
La SCP est un procédé complexe qui demande au préa­lable de tenir compte et de peser de nombreux facteurs. La déci­sion en faveur ou à l’encontre de l’intervention n’exige donc pas seule­ment un grand soin de la part des méde­cins. Auto­dé­ter­mi­na­tion et respon­sa­bi­li­tés sont atten­dues de la part des personnes concer­nées elles-​mêmes – et dans une certaine mesure, égale­ment de leurs proches. En effet, les risques de l’intervention sont une chose. Cepen­dant, le patient doit aussi – physi­que­ment et menta­le­ment – être en mesure de suppor­ter les fatigues d’une opéra­tion qui s’étend sur plusieurs heures. Par ailleurs, il doit parti­ci­per acti­ve­ment quand les méde­cins véri­fient pendant l’intervention que les élec­trodes sont placées préci­sé­ment au bon endroit et que la stimu­la­tion donne les effets souhaités.

D’autres points doivent être pris en consi­dé­ra­tion. Il est vrai que la SCP est un procédé précis. Toute­fois, elle cible des régions céré­brales qui ne sont pas seule­ment respon­sables du contrôle des mouve­ments, mais sont égale­ment impli­quées dans d’autres proces­sus. En consé­quence, la SCP peut avoir des effets indé­si­rables parfois diffi­ciles à clas­ser et à appré­hen­der. L’apparition d’effets secon­daires et leur éten­due dépend de nombreux facteurs : de la région cible en ques­tion, d’éventuelles anté­cé­dents psychia­triques du patient ou de modi­fi­ca­tions de la médi­ca­tion après l’opération.

L’éventail des effets secon­daires possibles d’une SCP est très large. De plus, toutes les consé­quences ne peuvent être évaluées aussi faci­le­ment, car elles ne résultent pas forcé­ment direc­te­ment de la stimu­la­tion en elle-​même. Ainsi, plusieurs effets indé­si­rables peuvent égale­ment résul­ter (de l’adaptation) de la médi­ca­tion ou de l’évolution de la mala­die. En outre, lors du proces­sus déci­sion­nel il convient de tenir compte du fait que la mala­die en elle-​même et les alter­na­tives (pour la plupart médi­ca­men­teuse) à la SCP peuvent égale­ment avoir parfois des réper­cus­sions néga­tives similaires.

Les éven­tuels effets indé­si­rables doivent faire l’objet d’une discus­sion préalable
Certains effets indé­si­rables de la SCP sont fréquents. Ainsi, les patients qui prennent du poids après une opéra­tion de SCP ne sont pas rares, ce qui dans certain cas peut avoir valeur de mala­die. De nombreuses études ont égale­ment étudié les effets de la SCP sur les fonc­tions mentales telles que le langage, la mémoire ou les émotions. Elles ont prouvé que l’importance de ces effets sur le quoti­dien des diffé­rents patients est très variable. D’une manière géné­rale, de nombreuses études indiquent que les patients accordent davan­tage d’importance aux amélio­ra­tions motrices qu’aux consé­quences sur les senti­ments, la cogni­tion et le compor­te­ment – la qualité de vie s’améliore. Les cas d’effets secon­daires psychia­triques graves qui exigent des théra­pies ou une adap­ta­tion des para­mètres de stimu­la­tion sont rares. L’augmentation du risque de suicide décrit dans la litté­ra­ture spécia­li­sée est un sérieux problème. Il n’est pas toujours évident de déter­mi­ner si c’est la SCP elle-​même qui est respon­sable de telles consé­quences ou si d’autres facteurs (tel que les modi­fi­ca­tions de la médi­ca­tion) interviennent. 

Les rela­tions changent 
Les chan­ge­ments de compor­te­ment sont plus fréquents, mais d’autant plus diffi­ciles à appré­hen­der. Ils peuvent consti­tuer un effet indé­si­rable de la stimu­la­tion, mais égale­ment résul­ter de l’autonomie qu’un patient gagne ou regagne après une SCP réus­sie. Et quelle qu’en soit la cause précise : les chan­ge­ments compor­te­men­taux peuvent détruire des modèles immuables et mener à des boule­ver­se­ments sociaux inattendus.

Jusqu’à présent, peu de recherches se sont penchées sur de telles consé­quences psycho­so­ciales d’une inter­ven­tion de SCP. Par consé­quent, il est essen­tiel que lors des examens préa­lables à une inter­ven­tion de SCP, les plus proches parents du patient soient inté­grés dans le proces­sus déci­sion­nel. Une consul­ta­tion minu­tieuse peut en outre permettre d’éviter la formu­la­tion d’attentes irréa­listes quant à la théra­pie qui n’aboutissent pas.

Accor­der la prio­rité au bien-​être du patient
Un message clé lors de la prise de déci­sion en faveur ou à l’encontre d’une SCP : la prise de conscience que les condi­tions indi­vi­duelles, les souhaits et les possi­bi­li­tés du patient et de son envi­ron­ne­ment doivent être au centre des préoc­cu­pa­tions. Le Parkin­son est une mala­die complexe, qui affecte les indi­vi­dus dans leur inté­gra­lité –et non seule­ment leurs apti­tudes motrices. Par consé­quent, des réper­cus­sions indé­si­rables peuvent résul­ter aussi bien de la mala­die que des éven­tuelles approches thérapeutiques. 

Les consé­quences en appa­rence para­doxales ne sont pas exclues : la SCP peut permettre de contrô­ler une addic­tion au jeu d’origine médi­ca­men­teuse déve­lop­pée par un patient, car l’intervention s’accompagne d’une réduc­tion de la poso­lo­gie médi­ca­men­teuse. Toute­fois, chez un autre patient, la SCP peut dans un premier temps provo­quer une hyper­sexua­lité suscep­tible de créer d’importantes tensions dans une rela­tion de couple. 

Les situa­tions dans lesquelles les résul­tats du trai­te­ment sont consi­dé­rés diffé­rem­ment par les personnes concer­nées sont égale­ment complexes : un patient peut parfai­te­ment s’accommoder de la légère hypo­ma­nie et du compor­te­ment à risque accru après ne SCP, voire appré­cier cet état – ses proches en revanche, sont subi­te­ment confron­tés à une « nouvelle personne » avec laquelle ils ont du mal à s’entendre. Ainsi, des conflits sociaux allant jusqu’au divorce peuvent voir le jour – cepen­dant, il n’est pas vrai­ment évident de juger qu’il s’agit d’un résul­tat clai­re­ment néga­tif de la SCP ou plutôt d’une nouvelle confi­gu­ra­tion de vie. 

Une chose est sûre : l’ensemble des parties prenantes, les méde­cins comme les patients et leur envi­ron­ne­ment, doivent se pencher sur les chances et les risques de toutes les formes théra­peu­tiques, les consi­dé­rer précau­tion­neu­se­ment et prendre ensuite leur déci­sion de manière consciente et auto­nome en faveur ou à l’encontre d’une théra­pie. Nota bene : ils doivent égale­ment apprendre à compo­ser avec les résul­tats de cette décision. 

PS : Parkin­son suisse édite une brochure « la stimu­la­tion céré­brale profonde en cas de troubles moteurs » rédi­gée par le Dr Markus Chris­ten et le Dr Sabine Müller www.parkinson.ch

Par le Dr. Markus Chris­ten et le Dr. Sabine Müller
Lu dans Parkin­son suisse mars 2012 par Jean Grave­leau

Pas encore de Commentaires Cliquer ici pour laisser un commentaire

Laisser un commentaire

XHTML: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Flux RSS des commentaires de cet article. Rétrolien URI

Propulsé par WordPress et le thème GimpStyle créé par Horacio Bella. Traduction (niss.fr).
Flux RSS des Articles et des commentaires. Valide XHTML et CSS.