Ne pas être qu'un "patient" ...

Pourquoi donc s’intéresser au tube digestif dans la maladie de Parkinson ?

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°49 – juin 2012 

Il est désor­mais bien établi que la mala­die de Parkin­son ne se limite pas à la substance noire (cette région spécia­li­sée dans la produc­tion de dopa­mine) et encore moins au cerveau. En effet, des struc­tures nerveuses situées en « péri­phé­rie », c’est-à-dire en dehors du cerveau et de la moelle épinière sont aussi touchées au cours de la mala­die de Parkin­son. Ces systèmes nerveux péri­phé­riques ont pris telle­ment d’importance ces dernières années qu’un article récent d’une équipe suisse, titrait de façon un peu provo­cante mais non irréa­liste « Mala­die de Parkin­son : quand le système nerveux péri­phé­rique devient central ». Parmi ces systèmes nerveux péri­phé­riques, un a été plus parti­cu­liè­re­ment étudié, il s’agit du système nerveux enté­rique (SNE). Nous avons des neurones dans notre intes­tin, en aussi grand nombre que dans la moelle épinière, de l’œsophage au rectum. Ces neurones sont impor­tants pour le tran­sit intes­ti­nal et la sécré­tion diges­tive. La complexité du SNE rappelle à certains égards celle du cerveau, ceci explique les surnoms de second cerveau ou de mini cerveau qui lui sont parfois donnés.

Les lésions dans le SNE des patients atteints par la mala­die de Parkin­son ont été décrites dès les années 1980 en parti­cu­lier par des équipes japo­naises. Ce sont les travaux de Braak, un anato­miste alle­mand qui ont propulsé le SNE sur le devant de la scène. Braak, a émis l’hypothèse que le SNE était touché de façon précoce au cours de la mala­die, bien avant le cerveau. Il a été plus loin en postu­lant qu’il permet­trait à un toxique ingéré ou à un microbe (inconnu jusqu’alors) de gagner le cerveau par le nerf vague, qui assure la jonc­tion SNE-​cerveau. Le but de ce court article n’est pas de détailler les argu­ments pour ou contre l’hypothèse de Braak. Si l’on essaie de résu­mer, bien que cette hypo­thèse soit sédui­sante et que le travail anato­mique de Braak soit d’une grande préci­sion, il y a à l’heure actuelle de nombreux argu­ments contre un scéna­rio qui ferait du SNE une porte d’entrée de la mala­die. Ce que l’on sait en revanche de façon certaine, c’est que la quasi-​totalité des personnes atteintes de mala­die de Parkin­son, de 70 à 90%, ont une atteinte du SNE.

C’est ce constat qui nous a amené à étudier le SNE au cours de la mala­die de Parkin­son à l’Inserm U913 « Neuro­pa­thies du système nerveux enté­rique et patho­lo­gies diges­tives » à Nantes. Nous sommes partis du fait que contrai­re­ment au cerveau, les neurones du tube diges­tif peuvent être analy­sés faci­le­ment du vivant du patient par simple biop­sie. Un des «  chal­lenge » du labo­ra­toire a été de montrer qu’une simple biop­sie de la taille d’un grain de riz(les mêmes prati­quées en routine par les gastro-​entérologues pour dépis­ter les tumeurs du colon), obte­nue au cours d’une colo­sco­pie ou d’une recto­sig­moï­do­sco­pie (colo­sco­pie courte)permettait d’analyser le SNE. Thibaud Lebou­vier et Hélène Pouclet (respec­ti­ve­ment chef de clinique et interne en neuro­lo­gie) ont montré qu’une simple biop­sie, pour le peu qu’elle soit analy­sée correc­te­ment, conte­nait près de 150 neurones. En appli­quant cette analyse à des personnes touchées par la mala­die de Parkin­son, nous avons pu montrer que les biop­sies permet­taient de mettre en évidence les mêmes lésions que dans le cerveau (les fameux corps de Lewy), véri­tables marqueurs de la mala­die. Les patients qui ont pris part à cette étude ont eu par ailleurs une évalua­tion complète de leur mala­die. Ceci nous a permis de montrer qu’il y avait une corré­la­tion entre l’importance des lésions dans le SNE et la sévé­rité de la mala­die : plus les corps de Lewy dans les biop­sies étaient nombreux, plus la mala­die était sévère, avec en parti­cu­lier des chutes plus fréquentes. L’analyse du SNE reflè­te­rait donc l’atteinte du cerveau et serait une fenêtre sur l’évolution de la maladie.

Depuis ces premiers résul­tats, nous conti­nuons nos travaux sur les biop­sies de colon de patients parkin­so­niens. Nous avons montré que les biop­sies permettent de diffé­ren­cier mala­die de Parkin­son des syndromes appa­ren­tés (atro­phie multi-​systématisée et para­ly­sie supra­nu­cléaire progres­sive) et nous sommes en train d’étudier l’inflammation et la perméa­bi­lité du tube diges­tif au cours de la mala­die. Les travaux sur les biop­sies sont complé­tés par d’autres approches. Nous avons déve­loppé un modèle de neurones diges­tifs en culture, qui permet de s’approcher du SNE et nous travaillons sur des modèles animaux de mala­die de Parkin­son. Ces diffé­rentes approches nous permettent de couvrir l’ensemble de l’atteinte diges­tive au cours de la maladie.
Pascal Derkin­de­ren et Michel Neunlist
Service de Neuro­lo­gie et Inserm U913 Nantes
  

1 Commentaire Cliquer ici pour laisser un commentaire

  1. Bonjour, en témoi­gnage. MP et troubles diges­tifs chez Monsieur de 66 ans diag­nos­ti­qué MP depuis 2009. Depuis le début de l’an­née régime sans gluten. Les troubles se sont consi­dé­ra­be­ment atté­nués. A poursuivre.

    Commentaire by CURSI MOLARI — 20 octobre 2012 #

Laisser un commentaire

XHTML: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Flux RSS des commentaires de cet article. Rétrolien URI

Propulsé par WordPress et le thème GimpStyle créé par Horacio Bella. Traduction (niss.fr).
Flux RSS des Articles et des commentaires. Valide XHTML et CSS.