Ne pas être qu'un "patient" ...

La greffe intracérébrale : comprendre et combattre le rejet.

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°50 – septembre 2012 

La mala­die de Parkin­son est une mala­die progres­sive carac­té­ri­sée par la dégé­né­res­cence bila­té­rale des neurones dopa­mi­ner­giques de la voie nigros­triée. La destruc­tion des neurones dopa­mi­ner­giques de la substance noire a pour consé­quence une dimi­nu­tion de la sécré­tion de dopa­mine au niveau du striatum.

Actuel­le­ment, il n’existe pas de trai­te­ment cura­tif de la mala­die, mais diffé­rents trai­te­ments symp­to­ma­tiques sont utili­sés. L’administration par voie orale de L‑DOPA (lévo­dopa), précur­seur de la dopa­mine capable de traver­ser la barrière hémato-​encéphalique, est l’un des trai­te­ments les plus couram­ment pres­crits. Un incon­vé­nient majeur de la prise de L‑DOPA est l’ap­pa­ri­tion, au bout de quelques années, de dyski­né­sies (mouve­ments anor­maux). Une autre stra­té­gie basée sur la stimu­la­tion élec­trique du noyau subtha­la­mique, montre une effi­ca­cité sur les troubles moteurs, dans la plupart des cas, mais les risques chirur­gi­caux et les critères d’in­clu­sion en font une opéra­tion acces­sible à un très faible nombre de patients. De plus, de nombreux symp­tômes ne sont pas corri­gés par ces thérapies.

Aussi, il appa­raît impor­tant de pour­suivre les recherches sur les stra­té­gies restau­ra­trices, notam­ment la greffe intra­cé­ré­brale de neuroblastes.

Des neuro­blastes mésen­cé­pha­liques issus d’embryons humains (8 à 9 semaines) et trans­plan­tés dans le stria­tum de patients parkin­so­niens ont conduit à des amélio­ra­tions cliniques basées, entre autres, sur la produc­tion de dopa­mine par les neurones gref­fés. Cepen­dant, le recours à des embryons humains est freiné par des consi­dé­ra­tions éthiques et logis­tiques qui limitent l’accès à ces greffes. D’où l’intérêt d’utiliser des neuro­blastes d’origine animale telle que le porc. En effet, le porc présente de nombreux avan­tages pour la xéno­trans­plan­ta­tion : un grand nombre d’embryons à chaque portée, une faci­lité d’éle­vage, la possi­bi­lité de contrô­ler la repro­duc­tion des animaux et de pouvoir prati­quer des mani­pu­la­tions géné­tiques. De plus, son cerveau étant de grande taille, les neurones porcins ont la capa­cité d’émettre des neurites sur de longues distances comme chez l’Homme. Une survie des cellules gref­fées, une réin­ner­va­tion du stria­tum ainsi qu’une récu­pé­ra­tion des fonc­tions motrices ont été obser­vées lors d’essais cliniques menés chez certains patients parkin­so­niens trai­tés par des immu­no­sup­pres­seurs (molé­cules permet­tant de limi­ter l’activité du système immu­ni­taire). Mais le problème rencon­tré reste le rejet de ces greffes.

En effet, en l’absence d’immunosuppresseur comme la cyclo­spo­rine A, les greffes de neuro­blastes porcins dans le stria­tum de rat sont systé­ma­ti­que­ment reje­tées au bout de 7 – 8 semaines. Les trai­te­ments par des immu­no­sup­pres­seurs prolongent la survie de la greffe, mais de manière tran­si­toire, de plus, utili­sés à fortes doses, ceux-​ci entraînent des effets secon­daires, notam­ment une toxi­cité rénale. Il est donc impor­tant de comprendre et d’étu­dier les méca­nismes en cause dans le rejet pour envi­sa­ger une survie à long terme de la greffe.

Diverses études ont mis en évidence un rôle impor­tant de la réponse immu­ni­taire cellu­laire dans le rejet. En effet, en l’absence d’immunosuppresseur, on observe vers 7 à 8 semaines, une forte infil­tra­tion de la greffe par des lympho­cytes T et des cellules dendri­tiques. Cette réac­tion immune est accom­pa­gnée d’une acti­va­tion des cellules micro­gliales. Elle a pour consé­quence le rejet de la greffe. 

Outre la réponse cellu­laire, il a été observé un dépôt d’anticorps et de complé­ment au niveau du gref­fon. Cette obser­va­tion suggère une réponse humo­rale, carac­té­ri­sée par la produc­tion d’anticorps, diri­gés contre la greffe, qui, à ce jour, a été très peu étudiée. 

Une partie de mon travail au sein de l’INSERM U1064 de Nantes a eu pour but de carac­té­ri­ser le rôle de la réponse humo­rale dans le rejet des xéno­greffes intracérébrales. 

Les anti­corps produits suite à la greffe vont venir se fixer sur les cellules porcines du gref­fon et le détruire. Nous avons pu mettre en évidence que la produc­tion d’anticorps augmen­tait en fonc­tion du délai post greffe et du statut de la greffe. En parti­cu­lier, une forte concen­tra­tion d’anticorps est obser­vée dans le sérum de rats pour qui la greffe est reje­tée. Ces anti­corps ayant la capa­cité de cibler diffé­rentes popu­la­tions cellu­laires telles que les neurones et les astrocytes.

Evolu­tion de la produc­tion d’anticorps au cours des diffé­rents stades du rejet.

De plus, des résul­tats préli­mi­naires ont montré une meilleure survie des xéno­greffes dans des modèles de rats dépour­vus d’anticorps. Ces données vont donc dans le sens d’un rôle de la réponse humo­rale dans le phéno­mène de rejet même s’il est impor­tant de confir­mer ce résul­tat sur un plus grand nombre d’animaux.

Une autre partie de mon travail a été d’envisager de nouvelles stra­té­gies immu­no­sup­pres­sives afin de limi­ter le rejet, en parti­cu­lier, par l’étude des proprié­tés immu­no­sup­pres­sives des cellules souches neurales. En effet, outre leur capa­cité de proli­fé­ra­tion et de diffé­ren­cia­tion en neurones, une produc­tion de molé­cules immu­no­mo­du­la­trices par les cellules souches neurales permet­trait d’in­duire au niveau du site de greffe une immu­no­sup­pres­sion locale, limi­tant le recours à des immu­no­sup­pres­seurs systé­miques. Une première étude nous a permis de mettre en évidence que les cellules souches neurales de rat (NSPC) avaient des proprié­tés immu­no­sup­pres­sives limi­tant la proli­fé­ra­tion des lympho­cytes T, et que cet effet s’ef­fec­tuait via l’hème oxygénase.

Inhi­bi­tion de la proli­fé­ra­tion des lympho­cytes T par les cellules souches neurales de rat.

La suite de ce travail va se foca­li­ser sur les proprié­tés immu­no­sup­pres­sives des popu­la­tions de cellules souches neurales humaines déri­vées d’IPSC (indu­ced pluri­potent stem cells). Cette étude est d’au­tant plus impor­tante que l’utilisation des cellules souches neurales déri­vées d’IPSCs humaines est une des voies théra­peu­tiques envi­sa­gées pour effec­tuer des auto- ou des allo­trans­plan­ta­tions à grande échelle. En effet, ces cellules sont issues de la repro­gram­ma­tion de cellules soma­tiques adultes (ex : cellules de la peau) en cellules pluri­po­tentes capables de s’auto-renouveler et de se diffé­ren­cier en diffé­rents types cellu­laires. Elles peuvent donc être préle­vées chez le patient pour être repro­gram­mées, diffé­ren­ciées en cellules souches neurales avant d’être gref­fées dans le cerveau de ce même patient (auto­greffe).

La trans­plan­ta­tion intra­cé­ré­brale reste donc une théra­pie promet­teuse pour la mala­die de Parkin­son. Une meilleure compré­hen­sion des phéno­mènes du rejet et du poten­tiel immu­no­sup­pres­sif des cellules souches permet­tra d’envisager une survie à long terme de la greffe.

Je tenais à remer­cier tous les membres de l’association CECAP pour leur soutien dans la réali­sa­tion de ce travail.

Réalisé par Elodie Mathieux

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