La caféine nuit au développement du cerveau des souris
Publié le 02 avril 2014 à 09:37Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°56
Une étude menée sur des souris indique que la prise de caféine pendant la gestation peut nuire au développement cérébral du fœtus. Or, s’il ne fait plus aucun doute que l’absorption – même mineure – d’alcool ou de tabac par la mère durant la grossesse ne va pas sans dégâts, la question reste en débat en ce qui concerne la caféine. Elle vaut autant pour le petit noir et le grand crème que pour tout produit contenant cette substance : thé, chocolat, boissons énergisantes et certains sodas.
Jusqu’ici, « la plupart des études sur le sujet ont été peu concluantes », déplore Pierre Gressens, chercheur de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) à l’hôpital Robert-Debré de Paris et professeur de néonatalogie et de neurologie fœtale au King’s College de Londres. Pourtant, la caféine est une des substances « psychoactives » (c’est-à-dire capables de modifier l’activité des neurones, ces cellules excitables du cerveau) les plus consommées au monde, y compris chez la femme enceinte.
Mais une étude publiée le 7 août dans la revue Science Translational Medicine livre des résultats sans appel : la prise régulière de caféine par des souris gestantes (l’équivalent de deux à trois tasses de café par jour chez l’homme) affecte notablement le développement du cerveau de leur progéniture.
Deux effets délétères :
« Au cours du développement normal, les neurones naissent dans des régions cérébrales particulières, puis migrent vers les zones cérébrales où ces cellules sont destinées à fonctionner », explique Christophe Bernard, principal auteur de cette étude menée par l’Inserm à l’université d’Aix-Marseille. « Mais lorsque nous ajoutons de la caféine dans l’eau de boisson des souris femelles, tout au long de la gestation, cela retarde la migration d’une sous-population de neurones dans le cerveau des souriceaux. » La caféine ralentit de moitié la vitesse de migration de ces neurones.
Ce blocage a deux effets délétères, l’un à court terme et l’autre à long terme. Les souriceaux de moins d’une semaine sont plus sensibles aux crises d’épilepsie. Et une fois adultes, ces animaux présentent des troubles de la mémoire spatiale.
« C’est la première étude à démontrer les effets néfastes de la caféine durant la gestation sur le cerveau en développement, souligne M. Bernard. Cela justifie de futures études chez la femme enceinte. » Celles-ci seront délicates à conduire, car de nombreux biais peuvent fausser les résultats. D’autant qu’en février dernier, une étude scandinave menée chez près de 60 000 femmes enceintes montrait qu’une consommation de 125 mg de caféine par jour induisait un poids de naissance plus faible, cette réduction restant au demeurant plutôt faible.
Selon Christophe Bernard, on pourrait néanmoins progresser en interrogeant les familles, lorsqu’un enfant a fait une crise d’épilepsie, sur la consommation de caféine de sa mère durant la grossesse. Autre difficulté : « une même substance psychoactive peut avoir des effets opposés selon le stade du développement cérébral », souligne Pierre Gressens. En témoigne le fait que des dérivés de la caféine sont utilisés comme médicaments chez des nouveau-nés prématurés souffrant d’insuffisance respiratoire. Or ces produits semblent améliorer les troubles cognitifs de ces nourrissons.
Recommandations floues :
Les recommandations actuelles en la matière restent floues et variables selon les pays. En France, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé préconise d’ « éviter de consommer trop de boissons contenant de la caféine (pas plus de trois tasses de café par jour) pendant la grossesse et la période d’allaitement ».
Faudra-t-il revoir ces recommandations ? Et peut-on tout interdire à la femme enceinte ? « Si les dangers de l’alcool durant la grossesse sont généralement bien compris, les fumeuses ont du mal à suivre les recommandations d’abstention totale vis-à-vis du tabac », note Marc Gamerre, chef du service de gynécologie-obstétrique à l’hôpital de la Conception à Marseille. Mais, pour Pierre Gressens, « cette étude vient étayer d’autres données qui poussent à limiter autant que possible la consommation de caféine lors d’une grossesse. Des consommations supérieures ou égales à 8 tasses par jour sont à déconseiller fortement aux femmes enceintes ».
Chez la souris, la caféine consommée par la femelle gestante retarde la migration de certains neurones dans le cerveau en construction du souriceau. Ces vidéos comparent, sur des cellules en culture, la migration de neurones en l’absence ou en présence de caféine. Christine Métin et Christophe Bernard, Inserm-Université Aix-Marseille.
Le Monde le 09.08.2013 à 11h56 Par Florence Rosier
Lu par Soizic Vignon
A souligner que, dans le numéro précédent de notre journal, nous indiquions les bénéfices de la caféine contre la maladie de Parkinson découverts par des neurologues canadiens… !
Jean Graveleau
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