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Effets durables des substances addictives : un nouveau mécanisme mis au jour

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°34 – septembre 2008

Jean-​Antoine Girault, Direc­teur de l’Institut du Fer-​à-​Moulin (U839), centre de recherche de l’Inserm et de l’Université Pierre- et Marie-​Curie, et ses colla­bo­ra­teurs viennent de mettre au jour un nouveau méca­nisme molé­cu­laire qui explique l’influence, sur le cerveau, de substances telles que la cocaïne.

Les substances qui entraînent une dépen­dance (substances addic­tives) telles que la cocaïne, la morphine, les amphé­ta­mines exercent leurs effets sur le cerveau en détour­nant un système normal d’apprentissage auquel parti­cipe la dopa­mine, un trans­met­teur de « messages » chimiques entre neurones. Cet appren­tis­sage fait notam­ment inter­ve­nir des modi­fi­ca­tions d’expression de gènes dans des régions céré­brales bien précises. Jean-​Antoine Girault, Direc­teur de recherche à l’Inserm et son équipe viennent de mettre en évidence un nouveau méca­nisme par lequel la dopa­mine est à l’origine de ces modi­fi­ca­tions au niveau du noyau des neurones. Ces travaux, publiés dans la revue Nature à l’adresse http://dx.doi.org/10.1038/nature06994, permettent de mieux comprendre les méca­nismes normaux d’apprentissage et leurs « détour­ne­ments » par les substances psychoac­tives. Ils pour­raient aussi ouvrir, à terme, de nouvelles pers­pec­tives pour le trai­te­ment de mala­dies dans lesquelles la dopa­mine est impliquée.

Les drogues telles que la cocaïne ou la morphine, qui induisent une dépen­dance, exercent leurs effets addic­tifs en détour­nant le circuit céré­bral dit “de la récom­pense”, dont la dopa­mine est un acteur majeur. La libé­ra­tion de dopa­mine dans le cerveau est en effet provo­quée direc­te­ment par la consom­ma­tion de telles substances. Ce « signal dopa­mine » est alors inter­prété à tort par le cerveau comme ayant une valeur posi­tive de récom­pense. En effet, norma­le­ment, la libé­ra­tion de dopa­mine est obser­vée, lors de stimuli annon­çant une récom­pense natu­relle, comme la consom­ma­tion de nour­ri­ture appé­tis­sante. La dopa­mine permet le fonc­tion­ne­ment normal de certaines régions du cerveau (le stria­tum). Elle faci­lite l’apprentissage de mouve­ments et joue un rôle dans la moti­va­tion. Ainsi, l’augmentation arti­fi­cielle des taux de dopa­mine consé­cu­tive à la consom­ma­tion d’une drogue, entraîne une stimu­la­tion chimique directe du circuit de la récom­pense. Cette hyper­sti­mu­la­tion parti­cipe au besoin sans cesse accru, et irré­pres­sible chez les sujets dépen­dants, de repro­duire les conduites ayant amené à la prise de drogue.

Diffé­rents travaux ont montré que les effets durables des drogues sont dus à des chan­ge­ments d’expression de gènes dans les neurones sur lesquels agit norma­le­ment la dopa­mine. C’est pour­quoi “la ques­tion à laquelle nous nous sommes inté­res­sés est : Comment préci­sé­ment la dopa­mine contrôle l’expression des gènes ?”, explique Jean-​Antoine Girault.

Dans les travaux publiés aujourd’hui dans Nature, les cher­cheurs apportent proba­ble­ment une partie de la réponse. Ils mettent en effet en évidence une nouvelle voie de signa­li­sa­tion impli­quant plusieurs enzymes spéci­fiques, des protéines phos­pha­tases, acti­vée par la dopa­mine et abou­tis­sant à une modi­fi­ca­tion de la chro­ma­tine, ce maté­riel géné­tique présent dans le noyau des neurones. Ils montrent en parti­cu­lier que, dans une région du cerveau appe­lée stria­tum, une protéine, la DARPP-​32 s’accumule dans le noyau des neurones lorsqu’une souris reçoit une injec­tion de cocaïne, d’amphétamine, ou de morphine. Les cher­cheurs observent ensuite que, lorsque la séquence d’acides aminés qui compose la protéine DARPP-​32 est mutée sur un seul acide aminé, les souris sont moins sensibles aux drogues. De plus, les auteurs montrent que cette protéine n’est pas unique­ment mise en jeu par des drogues, mais inter­vient aussi dans l’apprentissage d’un geste très simple, qui consiste, pour la souris, à mettre son museau dans un petit trou pour obte­nir un peu de nour­ri­ture. Cet appren­tis­sage suffit en effet à entraî­ner l’accumulation de DARPP-​32 dans le noyau des neurones du stria­tum. Et, de la même manière, la muta­tion ponc­tuelle de la protéine DARPP-​32 dimi­nue la moti­va­tion pour obte­nir de la nour­ri­ture après un tel apprentissage.

Ce travail élucide un nouveau méca­nisme par lequel la dopa­mine contrôle l’expression de gènes dans les neurones. Il met en évidence l’importance de ce méca­nisme dans les effets durables des drogues et permet égale­ment de déter­mi­ner la cascade des événe­ments au niveau du neurone, qui président à l’apprentissage normal contrôlé par le circuit de la récom­pense. Ces résul­tats suggèrent des approches de recherche nouvelles dans le domaine du trai­te­ment de la dépen­dance aux drogues, et de certaines mala­dies mentales, pour lesquelles la dopa­mine est soup­çon­née de jouer un rôle. Cette connais­sance plus fine des méca­nismes d’action de la dopa­mine au niveau molé­cu­laire vise aussi à amélio­rer le trai­te­ment de la mala­die de Parkin­son, dans laquelle le rôle de la dopa­mine est central.

Source : NewsPress
article de La Revue de presse de Première ligne :
http:/premièreligne.ch/blog/2008/05/26

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