Ne pas être qu'un "patient" ...

Le pique-​nique de Quimperlé

Aujourd’hui, pique-​nique à Troy­sol au bord de l’Isole. Il fait beau, le ciel est bleu.

Qui va venir pour ce premier repas cham­pêtre ? Ma femme et moi sommes émus comme deux collé­giens. Au dernier point-​rencontre, on a décidé pour la première fois de sortir de notre local où nous nous réunis­sons le 2éme mercredi de chaque mois depuis un an. Nous ne sommes que 10 en comp­tant les conjoints.


Je profite de notre avance pour pros­pec­ter un peu les rives de l’Isole en vue d’une future partie de pêche. La mala­die ne réus­sit pas à m’empêcher de prendre encore quelques truites même si elle a détruit ma dexté­rité à sauter de roche en roche, à lancer ma saute­relle près du poste de chasse de dame fario, même si j’enrage quand je passe un quart d’heure à atta­cher mon hameçon…

Voici Louis et sa femme qui arrivent puis ce sont les autres. Embras­sades, le temps qu’il fait, les absents….tiens, cette table sous les chênes est bien placée. Un petit apéri­tif et tout le monde sort ses salades, sa char­cu­te­rie, ses fromages, ses desserts. Et c’est un échange…. le ton monte, les rires aussi –Tiens, j’ai failli oublier mes médi­ca­ments ce midi. Jean nous sert un petit rouge qui ravit notre palais. Je n’ai jamais vu le visage de sa femme si ouvert.

Il faut souvent aller cher­cher les gens malades chez eux car ils ont tendance à s’isoler. Avec Claire, nos regards se croisent et se disent « Ils sont heureux en ce moment ! »

Mon dos commence à me faire souf­frir. Il faut que je quitte ce banc sans dossier. Une petite sieste sur l’herbe pour certains, dans un fauteuil pour d’autres. Les femmes se groupent et les confi­dences commencent. J’ai prévu une partie de palets. Placé à 5 mètres, il faut lancer sur une planche en bois des petits ronds de fonte et ça se joue comme à la pétanque. Tout le monde parti­cipe. Beau­coup, n’ont jamais joué. Au début, je fais figure de cham­pion mais pas long­temps car encore ce sacré Parkin­son qui se met à me bloquer la main et m’empêche de bien tenir le palet pour lancer.

Louis réus­sit enfin à poser son palet sur la planche. Son visage rit et il nous dit : « On en fait encore une ? »

Je ne suis sans doute par le seul à ressen­tir des douleurs, mais personne ne se plaint. Il faut lutter et tout le monde semble ravi.

Encore ! la 5ème et on arrête ?

La fatigue est là. Il faut que je m’assoie souvent car mes jambes se bloquent, je perds parfois un peu l’équilibre et mon fauteuil devient mon refuge. C’est dur mais il faut que je joue, que je gagne. Contre qui ? Contre quoi ? Je ne le sais pas.

Il est sept heures… Claire prend le volant pour le retour mais que vois-​je ? Louis qui n’a plus conduit depuis trois mois s’installe lui-​aussi à la place du conducteur.

Il faudra recom­men­cer, sortir à nouveau. Bercé par le ronron de la voiture, je suis serein ce soir, je vois le Parkin­son d’un autre œil, je refuse sa progres­sion tout en l’acceptant. Il faut que je me batte, que nous nous battions.

Alain DUCROS

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