Ne pas être qu'un "patient" ...

Aidés et Aidants : le point de vue d’Yves Gicquel

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°62

Malgré l’ancienneté de sa décou­verte, la Mala­die de Parkin­son est encore mal connue. Lorsqu’elle survient, le patient, sa famille et ses proches savent encore peu de choses du chemin long et tortueux qu’ils vont décou­vrir et vivre ensemble. Notre souci est de faire de la préven­tion dans un domaine peu « balayé » par les médias…

Une mala­die diffi­cile à comprendre
… Complexe
Parce qu’elle touche le système nerveux central, la Mala­die de Parkin­son est une mala­die aux multiples facettes : troubles moteurs, de l’équilibre, fatigue à la marche, blocages, trem­ble­ments, maladresse, lenteur, mais aussi, troubles du sommeil, de l’humeur, déprime, diffi­cul­tés de concen­tra­tion ; et encore, troubles de la diges­tion, troubles urinaires, trouble de la déglu­ti­tion, transpiration.

Plus les effets indé­si­rables des traitements
… Fluctuante
Non seule­ment le trai­te­ment est compli­qué, mais il faut constam­ment l’adapter. Il n’y a pas de règle géné­rale. Chaque patient est un cas. Chaque jour, chaque heure sont diffé­rents, fluc­tuent selon les moments de la jour­née, les prises de médi­ca­ment, l’activité mobile ou station­naire, l’état de fatigue …

… Evolu­tive
D’abord insi­gni­fiante, peu à peu, elle s’impose à notre quoti­dien : écrire, bouton­ner un vête­ment, s’asseoir, se lever, se retour­ner au lit, mais aussi comp­ter sa monnaie, clas­ser ses idées (comme pour écrire ce texte), tenir un raison­ne­ment, deviennent autant d’épreuves.

… Besoin d’aide
Réus­sir sa consul­ta­tion chez le méde­cin relève d’une prouesse. D’autant que les circons­tances du cabi­net diffèrent de la vie courante. Comment résu­mer les trois mois écou­lés, discer­ner ce qui relève de la mala­die, des effets indé­si­rables du trai­te­ment, ou du vieillis­se­ment ? Patients et proches s’y perdent, tant pour respec­ter le trai­te­ment que pour en inter­pré­ter les effets.

De l’aide aux patients
La sphère d’autonomie
Pour chaque patient, le stade d’évolution de la mala­die peut être carac­té­risé par sa sphère d’autonomie. Celle-​ci rend compte des capa­ci­tés de la personne dans les diffé­rents secteurs de troubles qu’occasionne la mala­die. Cette sphère a une fâcheuse tendance à se rétré­cir avec le temps.

Aide active :
Ces aides sont dites actives parce qu’elles s’exercent à l’intérieur de la sphère d’autonomie dont elles s’efforcent de repous­ser les limites afin de préser­ver son auto­no­mie. A côté des médi­ca­ments qui agissent sur les symp­tômes, l’expérience a démon­tré qu’il est en effet possible de ralen­tir l’évolution de la mala­die par des pratiques et exer­cices appro­priés comme la gymnas­tique adap­tée, le yoga, la balnéo­thé­ra­pie, l’orthophonie, la psycho­mo­tri­cité,… la parti­ci­pa­tion à des groupes de paroles.

Une aide préventive
« Il vaut mieux tomber et bouger que de rester dans son fauteuil toute la jour­née […] Mais c’est encore mieux d’apprendre à tomber avant d’avoir fait une chute. » [EC]

Si chaque malade évolue diffé­rem­ment, voit les symp­tômes appa­raître dans un ordre qui lui est propre, il est probable qu’un jour, tous rencontrent les mêmes diffi­cul­tés. D’où l’intérêt de préve­nir leur appa­ri­tion par une démarche rééducative.

Préve­nir l’oubli
D’un certain point de vue, on peut dire que la Mala­die de Parkin­son est une mala­die de l’oubli. Cet oubli concerne les gestes et réflexes rele­vant de la partie dite « extra­py­ra­mi­dale » de notre système nerveux — les gestes fonda­men­taux que, depuis notre nais­sance, nous avions appris pour en faire des auto­ma­tismes : s’asseoir, s’allonger, se lever, faire un pas, marcher, s’arrêter, repartir.

Plutôt que d’attendre que les diffi­cul­tés soient là pour s’en préoc­cu­per, il s’agit d’aider le patient à se prépa­rer lui-​même à leur venue. Parmi ces acti­vi­tés réédu­ca­tives, il y a celles qui s’adressent aux aspects les plus visibles de la mala­die : la marche régu­lière, la gymnas­tique adap­tée, la nata­tion, le Qi Gong. Mais cette réédu­ca­tion préven­tive peut aussi s’intéresser à nos capa­ci­tés intellectuelles.

« Le cerveau est comme un muscle, il faut le main­te­nir, l’entraîner : faire des mots croi­sés, jouer, lire le jour­nal, parti­ci­per à des asso­cia­tions, écou­ter la radio ». [EC]

Aide passive
L’aide passive consiste à accom­pa­gner le patient dans les situa­tions et gestes qu’il ne peut plus assu­mer seul : se lever le matin, s’habiller, faire des courses, prépa­rer les repas, se coucher, entre­te­nir un jardin, mais aussi d’assister la personne dans des actes et situa­tions qui solli­citent les capa­ci­tés intel­lec­tuelles, comme : faire des démarches admi­nis­tra­tives, consul­ter le méde­cin, veiller au respect des trai­te­ments, veiller à la personne. Dans ce contexte, il est aussi possible d’avoir recours à des aides maté­rielles (lit médi­ca­lisé, lève personne…)

Aider « juste »
L’évolution constante de la mala­die, demande d’ajuster au mieux la fron­tière entre l’aide active et l’aide passive – cela afin de préser­ver au mieux l’autonomie de la personne. Aider de trop près (comme accom­pa­gner la personne condui­sant sa voiture) peut s’avérer pesant pour la personne aidée qui peut s’en trou­ver pertur­bée. De même, trop anti­ci­per sur l’évolution peut aussi accé­lé­rer la perte d’autonomie : à ne plus faire une chose, on finit par ne plus savoir la faire.

l’aide aux aidants familiaux
S’agissant de l’aide passive, dans la mesure où elle n’exige pas de capa­ci­tés physiques trop impor­tantes, celle-​ci peut être assu­rée par les aidants fami­liaux. Pour les aides plus consé­quentes ou qui requièrent un savoir faire, les mêmes aidants auront recours à des profes­sion­nels moyen­nant des condi­tions de prise en charge accep­tables, lesquelles résultent en parti­cu­lier de démarches asso­cia­tives (cf. ci-​après : l’entraide).

S’agissant des aides actives, il s’agit en géné­ral d’activités en groupes enca­drés par des inter­ve­nants quali­fiés. Ici, le rôle des aidants consiste à s’informer sur ce qui existe, et comme précé­dem­ment d’agir pour leur mise en place dans des condi­tions accep­tables (action associative).

Aider ne s’improvise pas : Pour remplir son rôle, l’aidant a besoin d’être informé sur la mala­die, pour situer son évolu­tion et doser son aide. Il doit aussi savoir trou­ver sa place entre le patient et le corps médi­cal… savoir quand il doit être asso­cié aux démarches médi­cales (consul­ta­tion, …). L’aidant doit aussi pouvoir s’accorder le répit indis­pen­sable pour se ressour­cer physi­que­ment et psychologiquement

Parmi les aides aux aidants, citons entre autres : l’édition de guides de l’aidant, la program­ma­tion de forma­tions sur la mala­die, de groupes de paroles pour permettre aux aidants de se confor­ter dans leur rôle, de comprendre ensemble les besoins des aidés, trou­ver ensemble le recul néces­saire pour surmon­ter les inévi­tables moments de décou­ra­ge­ment à la pers­pec­tive d’une mala­die longue à l’évolution inexorable

… sans oublier l’entraide
Mais l’aide aux aidés comme l’aide aux aidants existent par l’énergie de l’entraide née de la consti­tu­tion en asso­cia­tion des aidants comme des aidés.

Les asso­cia­tions sont par nature des lieux d’entraide. Chaque acti­vité en groupe qu’elles orga­nisent (gymnas­tique, Qi Gong, rencontres convi­viales, …) sont des lieux d’échanges spon­ta­nés propices à libé­rer les imagi­na­tions, pour trou­ver les solu­tions les plus proches de nos préoc­cu­pa­tions et aussi les plus économiques.

Les asso­cia­tions créent aussi l’indispensable rapport de force pour être enten­dues des déci­deurs dans leur démarches de mise en place des aides aux aidés comme aux aidants.

Cela requière pour l’aidant d’être coutu­mier des pratiques asso­cia­tives et d’avoir une certaine connais­sance sur l’organisation de la santé.

Il n’y a pas que la mala­die à être compliquée
Parce que l’aide aux aidés déter­mine l’aide aux aidants, c’est un défit au bon sens que d’envisager la seconde avant ou sans la première – comme on nous l’impose aujourd’hui. Les groupes de parole aidés et aidants voient leur orga­ni­sa­tion pertur­bée par le fait que les finan­ce­ments des aides aux uns et aux autres relèvent d’interlocuteurs diffé­rents : que deviennent les aidés quand leurs aidants sont réunis.

Que d’énergie gaspillée ! En parti­cu­lier, dans leur rôle de mise en place des aides, les asso­cia­tions s’épuisent à faire cadrer leurs besoins au regard des dispo­si­tions et prio­ri­tés chan­geantes des orga­nismes de finan­ce­ment. Elles consacrent ainsi une bonne part de leur éner­gie d’entraide, cela au détri­ment de leur mission qui se voient désor­ga­ni­sée et que les adhé­rents comprennent alors difficilement.

Bien que d’une année sur l’autre, les besoins restent quasi­ment les mêmes, il faut constam­ment se justi­fier. Plutôt que de s’épuiser dans un inutile parcours du combat­tant, les asso­cia­tions n’ont-elles pas mieux à faire que d’épouser la logique interne des orga­nismes déci­deurs ? La multi­pli­cité des inter­lo­cu­teurs : CG, CNSA, CARSAT, CPAM,… multi­plie d’autant les démarches aux modes d’emploi chan­geant – à chacun son cadre, ses critères, ses formu­laires, son calen­drier.

Vive le guichet unique ! En somme

[EC] : Eric Chevrier, kiné­si­thé­ra­peute CHU de Grenoble, 9/​11/​2012.
Rédigé par Yves Gicquel avec l’aide de J P Laga­dec

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