Ne pas être qu'un "patient" ...

Rêves et cauchemars

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°63

Presque tous les Parkin­so­niens sont atteints de troubles du sommeil. Ces troubles sont fréquents et très variés, comme on peut le consta­ter à la lecture d’un article publié dans le numéro 26 du Parkin­so­nien Indé­pen­dant d’Août 2006, publié sous le titre : « Des troubles du sommeil aux consé­quences multiples.

Depuis quelques années, je suis victime de cauche­mars qui rendent mes nuits dange­reuses. Aussi après vous avoir raconté mes mésa­ven­tures nocturnes, je vous donne­rai l’avis des méde­cins et des cher­cheurs en neuros­ciences sur les cauche­mars, avant de se deman­der : « que peut-​on faire en tant que patients ? »

Des nuits agitées
Depuis le début de ma mala­die, il m’arrive parfois dans mon sommeil de m’agiter dans le lit conju­gal, de lancer des coups de pied ou de bras, tout en criant ou en insul­tant un ennemi imagi­naire. Réveillé en urgence par mon épouse, qui songe surtout à esqui­ver les coups, je ne conserve aucun souve­nir de ce cauche­mar. Quand mon épouse me raconte ce que j’ai fait et dit, je suis tout à fait inca­pable d’en expli­quer le contenu par des évène­ments de ma vie. Je n’ai pas d’ennemi, et je n’utilise pas de mots orduriers.

De plus, il m’est arrivé à la suite de cauche­mars, des inci­dents qui auraient pu être plus graves. Une nuit tombant du lit en plein sommeil, je me suis blessé légè­re­ment et je pense que j’étais plus ou moins debout avant de tomber. J’ai conti­nué ensuite à faire des cauche­mars sans consé­quence jusqu’à ce dimanche de fin Août 2015 où un nouveau cauche­mar m’a envoyé aux Urgences de l’hôpital pour 5 points de suture au nez.

Certains lecteurs doivent penser que j’exagère dans la descrip­tion de ces nuits agitées. A ces lecteurs scep­tiques, je conseille­rais la lecture d’un article, inti­tulé : « Quand vivre son rêve, c’est le cauche­mar des autres », où le docteur Delphine Oudiette évoque par exemple des tenta­tives de stran­gu­la­tion ou de défe­nes­tra­tion. Je pense que beau­coup de Parkin­so­niens sont sujets aux cauche­mars. La plupart d’entre eux préfèrent ne pas en parler. Les conjointes (ou conjoints) victimes de ces extra­va­gances se confie­raient plus volontiers.

Des rêves paisibles
Tout d’abord quelques rappels sur le sommeil (Source : Insti­tut Natio­nal du Sommeil). Notre sommeil se divise en trois phases : le « sommeil léger », le « sommeil lent profond » et le « sommeil para­doxal ». L’alternance entre ces trois phases forme un cycle de sommeil qui s’étale sur près de 90 minutes. Une nuit complète corres­pond géné­ra­le­ment à 4, 5 ou 6 cycles, soit l’équivalent de 6 à 9 heures de sommeil. 

Le sommeil para­doxal est de loin la phase la plus fasci­nante pour les cher­cheurs ! Contrai­re­ment aux précé­dentes, elle se carac­té­rise par une relance très impor­tante de l’activité céré­brale. Alors que nous sommes bien instal­lés dans notre sommeil, c’est à ce moment que les rêves se bous­culent dans notre tête. Le pouls et la respi­ra­tion sont alors irré­gu­liers. On note une atonie muscu­laire et la présence de mouve­ments oculaires rapides sous les paupières fermées. C’est cette atonie, qui permet au dormeur, en bloquant ses mouve­ments d’avoir des rêves paisibles. Le sommeil para­doxal repré­sente en moyenne, 20% de notre temps de sommeil.

Des cauche­mars
Cepen­dant, dès 1986, le psychiatre améri­cain Carlos Schenck décri­vait un trouble du sommeil para­doxal, carac­té­risé par une perte totale ou partielle de l’atonie muscu­laire et l’apparition de compor­te­ments indé­si­rables (parler, frap­per, sauter, inju­rier etc..). Ce trouble a reçu la déno­mi­na­tion de « Trouble compor­te­men­tal en sommeil para­doxal  » (TCSP) ou RBD en anglais. Pendant long­temps, on a consi­déré que ce trouble du sommeil para­doxal n’avait pas de consé­quences sur la vie éveillée.

Mais des études plus récentes ont montré que les patients atteints de TCSP avaient un risque supé­rieur à la moyenne de voir s’installer une mala­die neuro­dé­gé­né­ra­tive comme la mala­die de Parkin­son (MP), la démence à corps de Loewy (DCL) ou l’atrophie multi systé­mique (AMS). Ces mala­dies débutent rare­ment de façon subite. Elles ont débuté sour­noi­se­ment par atteinte des systèmes neuro­naux plusieurs années avant le diag­nos­tic clinique. D’autres études ont montré que chez un grand nombre de malades, le TCSP repré­sente un stade précoce d’une mala­die neuro­dé­gé­né­ra­tive, comme la mala­die de Parkin­son. Ce marqueur précoce pour­rait permettre de détec­ter plus tôt de futurs Parkin­so­niens et de les soigner dès que des trai­te­ments de neuro­pro­tec­tion seront disponibles.

Par ailleurs, il a été constaté que dans les popu­la­tions de personnes diag­nos­ti­quées MP, plus d’un tiers d’entre elles étaient affli­gées d’un TCSP. Ces malades sont souvent atteints d’une dégra­da­tion de leurs fonc­tions cogni­tives, ce qui n’est pas le cas des malades non atteints d’un TCSP.

Le TCSP est plus qu’une mala­die du sommeil et présente des liens communs avec la mala­die de Parkinson.

Proté­ger le conjoint et le dormeur
En présence de cauche­mars, les solu­tions qui viennent immé­dia­te­ment à l’esprit consistent pour proté­ger le conjoint à aména­ger le loge­ment pour la nuit : lits sépa­rés ou mieux chambres séparé. Pour proté­ger l’auteur des cauche­mars, il y a lieu d’éloigner du lit tous les meubles qui pour­raient être dange­reux en cas de chute et même de prévoir des cous­sins amor­tis­seurs. C’est à chacun d’imaginer les moyens d’éviter et d’amortir les chutes. 

Consul­ter un neuro­logue ou un psychiatre.
Dans l’article cité en biblio­gra­phie, Carlos Schenck répond à des ques­tions fréquem­ment posées sur les troubles du sommeil : 

  • raison des progrès dans le diag­nos­tic et les trai­te­ments, la plupart des troubles du sommeil peuvent être trai­tés avec succès, par des médi­ca­ments ou un chan­ge­ment de mode de vie, ou les deux.
  • ne pas s’inquiéter si les troubles sont peu fréquents. Par contre, si les troubles persistent et s’aggravent, on peut craindre un TCSP.
  • l’ignorance est un handi­cap. Il est facile de nier les faits qui se sont passés pendant le sommeil. Il faut se faire racon­ter le contenu de ses cauchemars.
  • tout le monde, même bien portant, peut avoir, pendant le sommeil, toute sorte de compor­te­ment, à partir de « basic instincts » : sexua­lité, nour­ri­ture, agression…etc.

En matière de trai­te­ment, Carlos Schenck préco­nise surtout l’utilisation du Clona­ze­pam® (connu en France sous le nom de Rivo­tril®), qui selon lui serait effi­cace dans 90% des cas. Ce médi­ca­ment a reçu en 1995 l’AMM en France où il est sur le marché depuis 1996.Son indi­ca­tion prin­ci­pale est le trai­te­ment de l’épilepsie chez l’adulte et l’enfant. Toute­fois, signa­lons que le Rivo­tril® a été placé sur la liste des 77 et fait l’objet d’un suivi renforcé de phar­ma­co­vi­gi­lance. Ce médi­ca­ment est dispo­nible en phar­ma­cie, aujourd’hui 15 septembre 2015. 

Enfin, les lecteurs anglo­phones pour­ront lire avec profit le livre de Carlos Schenck «  Sleep The myste­ries, the problems and the solu­tions  » (dispo­nible sur Amazon). Dans cet ouvrage, l’auteur traite de tous les problèmes et désordres du sommeil qui peuvent concer­ner tout le monde et donc les Parkin­so­niens : insom­nie, syndrome des jambes sans repos, apnée du sommeil, somnam­bu­lisme, terreurs nocturnes, etc., et bien entendu les TCSP.

En ce qui me concerne, autant, j’avais tendance à oublier mes premières chutes autant, j’ai été perturbé par la dernière et cela m’incite à consul­ter un neurologue.

Biogra­phie (acces­sible sur Internet)
« Quand vivre son rêve est le cauche­mar des autres » Delphine Oudiette (Sciences Humaines.Com)
« Trouble compor­te­men­tal en sommeil para­doxal et mala­dies dégé­né­ra­tives » de Jean Fran­çois Gagnon (edk.fr)
Advice from Carlos H. Schenck, MD, on : « Sleep Problems, Strange Beha­viors, and When to See a Doctor” (health .com).
Rédigé par Jean Pierre Lagadec

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