Rêves et cauchemars
Publié le 04 janvier 2016 à 08:38Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°63
Presque tous les Parkinsoniens sont atteints de troubles du sommeil. Ces troubles sont fréquents et très variés, comme on peut le constater à la lecture d’un article publié dans le numéro 26 du Parkinsonien Indépendant d’Août 2006, publié sous le titre : « Des troubles du sommeil aux conséquences multiples.
Depuis quelques années, je suis victime de cauchemars qui rendent mes nuits dangereuses. Aussi après vous avoir raconté mes mésaventures nocturnes, je vous donnerai l’avis des médecins et des chercheurs en neurosciences sur les cauchemars, avant de se demander : « que peut-on faire en tant que patients ? »
Des nuits agitées
Depuis le début de ma maladie, il m’arrive parfois dans mon sommeil de m’agiter dans le lit conjugal, de lancer des coups de pied ou de bras, tout en criant ou en insultant un ennemi imaginaire. Réveillé en urgence par mon épouse, qui songe surtout à esquiver les coups, je ne conserve aucun souvenir de ce cauchemar. Quand mon épouse me raconte ce que j’ai fait et dit, je suis tout à fait incapable d’en expliquer le contenu par des évènements de ma vie. Je n’ai pas d’ennemi, et je n’utilise pas de mots orduriers.
De plus, il m’est arrivé à la suite de cauchemars, des incidents qui auraient pu être plus graves. Une nuit tombant du lit en plein sommeil, je me suis blessé légèrement et je pense que j’étais plus ou moins debout avant de tomber. J’ai continué ensuite à faire des cauchemars sans conséquence jusqu’à ce dimanche de fin Août 2015 où un nouveau cauchemar m’a envoyé aux Urgences de l’hôpital pour 5 points de suture au nez.
Certains lecteurs doivent penser que j’exagère dans la description de ces nuits agitées. A ces lecteurs sceptiques, je conseillerais la lecture d’un article, intitulé : « Quand vivre son rêve, c’est le cauchemar des autres », où le docteur Delphine Oudiette évoque par exemple des tentatives de strangulation ou de défenestration. Je pense que beaucoup de Parkinsoniens sont sujets aux cauchemars. La plupart d’entre eux préfèrent ne pas en parler. Les conjointes (ou conjoints) victimes de ces extravagances se confieraient plus volontiers.
Des rêves paisibles
Tout d’abord quelques rappels sur le sommeil (Source : Institut National du Sommeil). Notre sommeil se divise en trois phases : le « sommeil léger », le « sommeil lent profond » et le « sommeil paradoxal ». L’alternance entre ces trois phases forme un cycle de sommeil qui s’étale sur près de 90 minutes. Une nuit complète correspond généralement à 4, 5 ou 6 cycles, soit l’équivalent de 6 à 9 heures de sommeil.
Le sommeil paradoxal est de loin la phase la plus fascinante pour les chercheurs ! Contrairement aux précédentes, elle se caractérise par une relance très importante de l’activité cérébrale. Alors que nous sommes bien installés dans notre sommeil, c’est à ce moment que les rêves se bousculent dans notre tête. Le pouls et la respiration sont alors irréguliers. On note une atonie musculaire et la présence de mouvements oculaires rapides sous les paupières fermées. C’est cette atonie, qui permet au dormeur, en bloquant ses mouvements d’avoir des rêves paisibles. Le sommeil paradoxal représente en moyenne, 20% de notre temps de sommeil.
Des cauchemars
Cependant, dès 1986, le psychiatre américain Carlos Schenck décrivait un trouble du sommeil paradoxal, caractérisé par une perte totale ou partielle de l’atonie musculaire et l’apparition de comportements indésirables (parler, frapper, sauter, injurier etc..). Ce trouble a reçu la dénomination de « Trouble comportemental en sommeil paradoxal » (TCSP) ou RBD en anglais. Pendant longtemps, on a considéré que ce trouble du sommeil paradoxal n’avait pas de conséquences sur la vie éveillée.
Mais des études plus récentes ont montré que les patients atteints de TCSP avaient un risque supérieur à la moyenne de voir s’installer une maladie neurodégénérative comme la maladie de Parkinson (MP), la démence à corps de Loewy (DCL) ou l’atrophie multi systémique (AMS). Ces maladies débutent rarement de façon subite. Elles ont débuté sournoisement par atteinte des systèmes neuronaux plusieurs années avant le diagnostic clinique. D’autres études ont montré que chez un grand nombre de malades, le TCSP représente un stade précoce d’une maladie neurodégénérative, comme la maladie de Parkinson. Ce marqueur précoce pourrait permettre de détecter plus tôt de futurs Parkinsoniens et de les soigner dès que des traitements de neuroprotection seront disponibles.
Par ailleurs, il a été constaté que dans les populations de personnes diagnostiquées MP, plus d’un tiers d’entre elles étaient affligées d’un TCSP. Ces malades sont souvent atteints d’une dégradation de leurs fonctions cognitives, ce qui n’est pas le cas des malades non atteints d’un TCSP.
Le TCSP est plus qu’une maladie du sommeil et présente des liens communs avec la maladie de Parkinson.
Protéger le conjoint et le dormeur
En présence de cauchemars, les solutions qui viennent immédiatement à l’esprit consistent pour protéger le conjoint à aménager le logement pour la nuit : lits séparés ou mieux chambres séparé. Pour protéger l’auteur des cauchemars, il y a lieu d’éloigner du lit tous les meubles qui pourraient être dangereux en cas de chute et même de prévoir des coussins amortisseurs. C’est à chacun d’imaginer les moyens d’éviter et d’amortir les chutes.
Consulter un neurologue ou un psychiatre.
Dans l’article cité en bibliographie, Carlos Schenck répond à des questions fréquemment posées sur les troubles du sommeil :
- raison des progrès dans le diagnostic et les traitements, la plupart des troubles du sommeil peuvent être traités avec succès, par des médicaments ou un changement de mode de vie, ou les deux.
- ne pas s’inquiéter si les troubles sont peu fréquents. Par contre, si les troubles persistent et s’aggravent, on peut craindre un TCSP.
- l’ignorance est un handicap. Il est facile de nier les faits qui se sont passés pendant le sommeil. Il faut se faire raconter le contenu de ses cauchemars.
- tout le monde, même bien portant, peut avoir, pendant le sommeil, toute sorte de comportement, à partir de « basic instincts » : sexualité, nourriture, agression…etc.
En matière de traitement, Carlos Schenck préconise surtout l’utilisation du Clonazepam® (connu en France sous le nom de Rivotril®), qui selon lui serait efficace dans 90% des cas. Ce médicament a reçu en 1995 l’AMM en France où il est sur le marché depuis 1996.Son indication principale est le traitement de l’épilepsie chez l’adulte et l’enfant. Toutefois, signalons que le Rivotril® a été placé sur la liste des 77 et fait l’objet d’un suivi renforcé de pharmacovigilance. Ce médicament est disponible en pharmacie, aujourd’hui 15 septembre 2015.
Enfin, les lecteurs anglophones pourront lire avec profit le livre de Carlos Schenck « Sleep The mysteries, the problems and the solutions » (disponible sur Amazon). Dans cet ouvrage, l’auteur traite de tous les problèmes et désordres du sommeil qui peuvent concerner tout le monde et donc les Parkinsoniens : insomnie, syndrome des jambes sans repos, apnée du sommeil, somnambulisme, terreurs nocturnes, etc., et bien entendu les TCSP.
En ce qui me concerne, autant, j’avais tendance à oublier mes premières chutes autant, j’ai été perturbé par la dernière et cela m’incite à consulter un neurologue.
Biographie (accessible sur Internet)
« Quand vivre son rêve est le cauchemar des autres » Delphine Oudiette (Sciences Humaines.Com)
« Trouble comportemental en sommeil paradoxal et maladies dégénératives » de Jean François Gagnon (edk.fr)
Advice from Carlos H. Schenck, MD, on : « Sleep Problems, Strange Behaviors, and When to See a Doctor” (health .com).
Rédigé par Jean Pierre Lagadec
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