Ne pas être qu'un "patient" ...

Une journée particulière…

paru dans Le Parkin­so­nien indé­pen­dant n°11 — décembre 2002

« Malade, accom­pa­gnant … la parole est à vous »

Le 12 octobre dernier, l’association A.D.P.L.A. orga­ni­sait une rencontre – la troi­sième du genre – pour permettre à chacun d’exprimer son point de vue sur la vie avec « Parkinson » :

« Quelle place la mala­die nous laisse-​t-​elle prendre dans la société ? »

Ce sont près de 50 personnes qui se sont retrou­vées pour échan­ger leur point de vue en ateliers, animés par deux repré­sen­tantes de « Psycho 44 » et des béné­voles de l’association, puis en regrou­pe­ment sous le regard et l’analyse de Mary­vonne ROGINSKI, psycho­logue à Rennes.

Les « groupes de parole » se sont consti­tués avec d’un côté les « jeunes » malades et les malades de plus de 10 ans et de l’autre les accom­pa­gnants des « jeunes » et des anciens. Cette sépa­ra­tion, voulue par les orga­ni­sa­teurs, a permis l’expression la plus libre possible du vécu des uns et des autres.

Une grille de ques­tions a été propo­sée aux participants :

La commu­ni­ca­tion :
 — Avons-​nous besoin de le dire ?
 — Avons-​nous informé notre entou­rage, nos collègues de travail, notre employeur ?
 — Quel regard ressentons-​nous (subjec­ti­ve­ment), supportons-​nous objectivement) ?
Les activités :
 — Est-​ce que nous travaillons encore ? A‑t-​on aménagé notre poste de travail ?
 — Est-​ce que nous parti­ci­pons à des acti­vi­tés de loisir, des enga­ge­ments associatifs ?
 — Avons-​nous limité nos sorties ? Si oui, dans quel domaine ?
Notre vie a‑t-​elle changé ? :
 — Parkin­son nous accom­pagne tous les jours : sommes-​nous différents ?
 — Notre parte­naire a‑t-​il changé depuis l’arrivée de cet indé­si­rable compagnon ?

Bien sûr, il ne s’agissait là que d’un fil conduc­teur pour aider l’expression de tous.

Atelier des « jeunes Parkinsoniens »

Regrou­pant une douzaine de malades de moins de 10 ans, il a permis l’expression, souvent tein­tée d’émotion, de nouveaux arri­vants qui, pour bon nombre d’entre eux, ont encore une acti­vité professionnelle.

Ce qui les a frap­pés, tous, c’est l’annonce brutale du diag­nos­tic arri­vant après des recherches souvent longues des causes de leurs handi­caps (douleurs des arti­cu­la­tions, diffi­cul­tés à écrire ou à se mouvoir, etc…).

Le méde­cin, sans doute par mécon­nais­sance ou par diffi­culté à trou­ver l’expression juste, n’hésite pas à annon­cer sans précau­tion parti­cu­lière – c’est du moins ce que les malades disent – le diag­nos­tic qui « condamne » !

Certes, il est néces­saire d’utiliser les mots justes – l’un des parti­ci­pants faisait état, au contraire et à son grand regret, de l’absence d’information – mais il faut aussi savoir tout ce que cela provoque comme traumatismes :
 — Qu’est ce qu’on fait de cette information ?
 — Que va-​t-​on devenir ?
 — Quelles évolu­tions pour la mala­die et le malade ?
 — Que dire à ses proches ? A son entou­rage ? A son employeur ?

Tous disent avoir vécu une période plus ou moins longue de « dépres­sion », de « refus d’admettre ». C’est le « trou noir », l’impression de « destruction ».

Suivant l’expression de plusieurs, il est diffi­cile d’avouer sa mala­die comme s’il s’agissait d’être coupable de cette mala­die vis à vis des autres !

Face à la diffi­culté d’avoir une vie sociale normale – « J’ai l’impression d’avoir une pancarte dans le dos », disait l’un d’eux – l’entourage est très impor­tant, l’aide de quelqu’un indis­pen­sable : il est diffi­cile de vivre seul cette maladie.

Et pour­tant, le regard de l’autre nous rend vulné­rable : on se sent dimi­nué d’autant plus que les symp­tômes sont de plus en plus prégnants. Ils sont inter­pré­tés par la société de manière incor­recte : alcoo­lisme, débi­lité, … « Pour être mieux perçu, je prends ma canne ! »

Atelier des accom­pa­gnants des « jeunes »

Leur premier constat fait état d’une majo­rité très impor­tante de femmes, épouses ou compagnes, comme s’il y avait plus d’hommes touchés que de femmes ! Pour­tant les statis­tiques ne vont pas dans ce sens. Mais peut-​être y a‑t-​il une expli­ca­tion à recher­cher dans la manière des uns et des autres d’aborder la maladie ?

Suivant le carac­tère de chacun, les atti­tudes sont différentes :
 — Certains ont tendance à « s’approprier » la mala­die : « depuis notre maladie ! »
 — D’autre prennent le sujet « mala­die » avec de l’humour, pour se ressourcer.
 — Quelle est notre rôle : sommes-​nous conjointe ou infirmière ?
 — Quelle place person­nelle nous reste-​t-​il dans ce rapport à trois avec « Parkinson » ?

La rela­tion d’amour est indis­pen­sable pour accep­ter, suppor­ter, vivre avec ce compa­gnon supplémentaire.

Il faut que le malade comprenne le besoin de « souf­fler », de « lâcher la bride » de sa compagne : elle a le droit de vivre en dehors.

Pour survivre, on vit le moment présent, au jour le jour. Mais il est aussi indis­pen­sable d’avoir du recul.

Une aide psycho­lo­gique appa­raît indis­pen­sable à certains pour surmon­ter les diffi­cul­tés journalières.

Pour les enfants, la situa­tion est diffi­cile à appré­hen­der : on a du mal à admettre et à voir son parent décli­ner d’autant plus que les enfants sont tour­nés vers l’avenir avec opti­misme alors que le malade est plutôt pessi­miste sur le futur.

Une ques­tion : Être malade ou Avoir la mala­die ? La diffé­rence est impor­tante pour la manière d’appréhender la mala­die et d’accompagner le malade.

Atelier des malades de plus de dix ans.

Le groupe réunis­sait 13 malades égale­ment répar­tis entre hommes et femmes.

Là aussi, est reve­nue la bruta­lité de l’annonce du diag­nos­tic qui reprend les mêmes termes que le groupe des « jeunes » : cela a été vécu comme un trau­ma­tisme et demeure, même plus loin dans le temps, comme une date de rupture.

Il a fallu se proté­ger tant qu’on a pu vis à vis de l’extérieur en parti­cu­lier dans le cadre professionnel.

A quoi ça sert de « dire » puisque ça se voit ?
 — On évite ainsi les ques­tions embarrassantes.
 — On a des diffi­cul­tés à s’exprimer cumu­lées à des diffi­cul­tés physiques.
 — L’importance du regard de l’autre face à nos difficultés.

Est-​ce que les autres me regardent comme je me l’imagine ?
 — Les symp­tômes sont propres à les inci­ter à inter­pré­ter les agis­se­ments du malade diffé­rem­ment de ce qu’il est.
 — Le regard de l’autre augmente les troubles physiques.
 — Les enfants ont un regard interrogatif.

Il y a beau­coup moins de sorties, de plus en plus de repli sur soi malgré les envies qui existent toujours. Et puis la grande fatigue est omni­pré­sente. On peut faire de moins en moins de choses : les diffi­cul­tés physiques entraînent des gênes et une perte d’autonomie.

Cette dépen­dance accrue entraîne une prise de pouvoir du conjoint que l’on a du mal à admettre. Ainsi, il devient impos­sible de conduire un véhi­cule et cette perte d’autonomie est très diffi­cile à suppor­ter. Mais pour autant, il ne faut pas trop entre­prendre pour éviter les situa­tions d’échec.

Suivant les tempé­ra­ments, la diffi­culté de plus en plus grande à s’exprimer est insup­por­table et l’on a tendance à s’isoler, ce qu’il faut éviter à tout prix.

Des mots diffi­ciles à entendre : « dégé­né­res­cence », « Parkin­son », que l’on relie trop faci­le­ment à « sénes­cence », « Alzheimer ».

Atelier des accom­pa­gnants des « plus de dix ans » de maladie

Là aussi, l’annonce brutale du diag­nos­tic est ressen­tie comme un trau­ma­tisme : Une réelle diffi­culté à accep­ter « l’inacceptable », une perte de confiance dans le médecin.

Les premières années sont ressen­ties, avec le recul, comme posi­tives puis de plus en plus diffi­ciles avec l’arrivée des diffi­cul­tés. Au début, le conjoint ne réalise pas vrai­ment parce que la vie conti­nue comme par le passé. Mais au bout de 20 ans, les problèmes physiques se cumulent avec des problèmes psychologiques.

Le plus diffi­cile c’est de voir l’autre souf­frir sans pouvoir faire quelque chose pour le soulager.

Et progres­si­ve­ment, la vie sociale dimi­nue. Le malade devient exigeant parce que trop « materné » au début : une impres­sion « d’esclavage » s’installe ; le malade utilise la mala­die pour prendre le conjoint dans ses filets. Mais en cas de mala­die de l’accompagnant, le malade reprend un peu de son autonomie !

On a peur de lais­ser son « Parkin­so­nien » sortir seul du fait des risques de chutes. Ne plus conduire entraîne une dimi­nu­tion de son statut et pour­tant la conduite devient dange­reuse. Des conflits surgissent que les deux conjoints regrettent ensuite

Le parkin­so­nien doit proté­ger son conjoint : il faut pouvoir prendre des vacances, avoir un temps indis­pen­sable de repos.
Inver­se­ment, il faut que le conjoint le stimule en perma­nence, le faire sortir de son isole­ment parce qu’il a tendance à se mettre en posi­tion de retrait et qu’il a diffi­culté à prendre des initiatives.
C’était l’intérêt des vacances orga­ni­sées, il y a quelque temps, par l’association.

Les nuits sont diffi­ciles : sommeil écourté, se lever pour accom­pa­gner le malade.
Présence conti­nuelle du conjoint auprès du malade, perte de repères, agres­si­vité du mari qui commande sans prendre de respon­sa­bi­lité, diffi­culté à admettre le déambulateur.
Autant de diffi­cul­tés cumu­lées qu’il faut trai­ter si l’on veut conti­nuer à être plei­ne­ment effi­cace et ne pas perdre son propre équilibre.

Heureu­se­ment, c’est diffé­rent suivant les personnes et l’on est souvent ce que l’on était avant la mala­die : les traits de carac­tères en sont seule­ment accentués.

Des réflexions complé­men­taires lors du regroupement

- Plus passe le temps, mieux j’accepte ma maladie.
 — Nous sommes les meilleurs méde­cins pour nous-​mêmes : il faut savoir se connaître pour se soigner correc­te­ment et infor­mer son neuro­logue. — Dans certains cas, la présence du conjoint est indis­pen­sable parce que le malade n’est pas toujours à même d’ex­pri­mer clai­re­ment son ressenti.

Rester soi-​même le plus possible, c’est une vrai mise à l’épreuve parce qu’avec le temps il change, devient plus irri­table, plus triste. Il n’a plus d’envie.

Stimu­ler c’est une arme à double tran­chant parce qu’on risque de casser la volonté du malade et la rela­tion avec lui si l’on va trop loin.

Il manque de réels soutiens psycho­lo­giques pour le malade et le conjoint et de lieux adap­tés pour permettre au couple de souf­fler. On a besoin de struc­tures d’accueil de jour et de person­nels pouvant assu­rer des gardes de nuit.

La forma­tion des méde­cins et des person­nels soignants laisse appa­raître des lacunes pour ne pas dire des absences de connais­sances de la maladie.

Eléments de synthèse de Mary­vonne Roginski

Le trau­ma­tisme de l’annonce :
 — Les méde­cins ne savent pas annon­cer les « mauvaises nouvelles »
 — On préfère les « précau­tions » de langage
 — Mais ça ne change rien à la violence de la « mauvaise nouvelle »
 — Il faut alors être entouré par les siens ou par un soutien psychologique

Ce que dévoile la maladie :
 — Elle touche au mythe de « l’éternelle » jeunesse
 — Elle annonce la perte d’autonomie
 — Se faire aider ou se gouver­ner soi-​même : un choix propre à chacun

L’accompagnement :
 — Les besoins des uns ne sont pas ceux des autres
 — Les demandes ne sont pas synchrones
 — La mala­die n’est pas constante suivant les moments de la journée
 — Les accom­pa­gnants doivent se trou­ver des soutiens

Le malade est avant tout un « être social » or la tendance médi­cale est de ne consi­dé­rer que l’aspect « malade » du patient et de ne répondre qu’avec une pres­crip­tion médi­cale, ce qui est la base de sa formation.

L’aide et le soutien à chacun dans cette épreuve passent par des tech­ni­ciens mais aussi par les béné­voles qui savent écou­ter, d’où le rôle essen­tiel des associations.

Pas encore de Commentaires Cliquer ici pour laisser un commentaire

Laisser un commentaire

XHTML: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Flux RSS des commentaires de cet article.

Propulsé par WordPress et le thème GimpStyle créé par Horacio Bella. Traduction (niss.fr).
Flux RSS des Articles et des commentaires. Valide XHTML et CSS.