Ne pas être qu'un "patient" ...

Incontinence urinaire, comment venir à bout de ce tabou ?

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°66

Les bles­sés médul­laires souffrent de nombreux troubles asso­ciés dont certains altèrent consi­dé­ra­ble­ment la vie quoti­dienne. Parmi eux, l’in­con­ti­nence urinaire serait même le premier désa­gré­ment. Aujourd’­hui, la méde­cine apporte des réponses. Le Pr Xavier Gamé, urologue à l’Hô­pi­tal de Toulouse, fait le point.

Les troubles urinaires s’avèrent souvent asso­ciés à une lésion de la moelle épinière. Une situa­tion qui, vécue comme une honte, affecte encore plus la qualité de vie des bles­sés médul­laires. « Chez les personnes handi­ca­pées motrices, l’in­con­ti­nence repré­sente même la première cause d’al­té­ra­tion de la vie quoti­dienne », souligne le Pr Xavier Gamé, urologue au CHU de Toulouse et membre de l’Association fran­çaise d’uro­lo­gie (AFUL).

Hélène, 52 ans, est handi­ca­pée à 80% depuis 1998. Suite à une opéra­tion pour une hernie discale, les nerfs du bas de sa colonne verté­brale ont été touchés ; elle souffre du syndrome de la queue de cheval. « Je ne sais plus exac­te­ment quand j’ai commencé à avoir des fuites urinaires mais c’était très pertur­bant pour moi car je n’osais plus sortir. Je porte des protec­tions même si, au début, j’avais peur que cela se voit et d’avoir des odeurs. Main­te­nant je n’ai plus aucun problème avec et ne suis pas gênée d’en parler ».

La toxine botu­lique comme trai­te­ment de seconde intention : 
Dans la majo­rité des cas, une cause vési­cale provoque l’in­con­ti­nence chez les bles­sés médul­laires. Il s’agit de contrac­tions anor­males de la vessie entraî­nant une hyper­ac­ti­vité vési­cale. « Les personnes en fauteuil, ont fréquem­ment envie d’uriner mais sans avoir le temps d’y aller. Une situa­tion qui provoque les fuites », décrit le Pr Gamé.

Heureu­se­ment, il existe des trai­te­ments ayant prouvé leur effi­ca­cité. Celui de première inten­tion, repose sur des médi­ca­ments effi­caces chez une personne sur quatre mais pas toujours bien toléré, comme l’Oxy­bu­ty­nine (Ditro­pan) qui a comme effets secon­daires possibles : « une séche­resse buccale, une consti­pa­tion, une alté­ra­tion des fonc­tions supé­rieures chez le sujet âgé et des troubles visuels. » En seconde inten­tion, « depuis 1999, le prin­ci­pal trai­te­ment reste l’in­jec­tion de toxine botu­lique dans la vessie », explique le Pr Gamé. Après son succès contre les rides, les migraines ou son effi­ca­cité chez les personnes souf­frant d’une trans­pi­ra­tion exces­sive, une nouvelle appli­ca­tion a été décou­verte au Botox®.

Depuis 2011, l’Agence natio­nale de la sécu­rité du médi­ca­ment et des produits de santé (ANSM) et son équi­valent améri­cain (FDA) ont donné leur aval pour l’uti­li­sa­tion de la toxine botu­lique afin de trai­ter l’in­con­ti­nence des personnes souf­frant d’un trouble neuro­lo­gique (sclé­rose en plaques ou lésion de la moelle épinière). Et, depuis quelques années, l’Agence du médi­ca­ment a auto­risé sa mise sur le marché pour cette nouvelle indi­ca­tion « Le recours à cette tech­nique est envi­sagé après l’échec d’un trai­te­ment médi­ca­men­teux. Ces injec­tions apportent un résul­tat satis­fai­sant chez deux tiers des patients », précise le Pr Gamé. C’est avec ce trai­te­ment qu’Hé­lène se soigne. « J’ai des injec­tions annuelles. Avec ce trai­te­ment, je n’ai presque plus de fuites. Ce n’est pas du 100% mais une amélio­ra­tion. Au quoti­dien, je dois réali­ser six à huit sondages ; ce n’est pas évident mais j’ai appris à vivre avec ».

Comment cela fonc­tionne ? Sous endo­sco­pie, du Botox® est injecté par un méde­cin urologue dans diffé­rents points de la vessie. La toxine botu­lique cible les nerfs senso­riels et permet de relâ­cher le muscle hyper­ac­tif. Les effets béné­fiques se font ressen­tir quelques jours après l’in­ter­ven­tion mais ne demeurent pas défi­ni­tifs. « L’injection doit être répé­tée tous les huit mois envi­ron car le Botox® s’atténue au fil des mois ». Le bémol ? Ce trai­te­ment cause, dans certains cas, des effets secon­daires que détaille le Pr Gamé : « du sang peut être présent dans les urines pendant 24 heures après l’in­ter­ven­tion. Chez 7% des patients, il est aussi possible de souf­frir d’une infec­tion urinaire. Dans certains cas excep­tion­nels, les patients ressentent une fatigue géné­ra­li­sée ».

Du bon usage de la parole : 
Cepen­dant, pour les patients atteints d’une sclé­rose en plaques, de la mala­die de Parkin­son ou après un acci­dent vascu­laire céré­bral (AVC) une autre solu­tion existe. « Pour ceux qui ne pratiquent pas l’auto-​sondage, des stimu­la­tions élec­triques peuvent être mises en place. Les résul­tats sont bons mais pas chez les bles­sés médul­laires complets » tempo­rise le Pr Gamé.
Hormis les trai­te­ments, le spécia­liste rappelle qu’il n’existe malheu­reu­se­ment pas de bons gestes pour limi­ter l’in­con­ti­nence au quoti­dien. «  Je suis en auto-​sondage depuis cette époque. Le maté­riel a beau­coup évolué. Si, au début il me fallait des poches, des sondes etc.… main­te­nant j’uti­lise des kits très discrets et très pratiques  » raconte Hélène. Et elle se souvient : « Cela n’a pas été facile. Heureu­se­ment que j’étais à l’hô­pi­tal, une infir­mière me faisait mes soins plusieurs fois par jour. Pour me permettre de rentrer chez moi, j’ai dû apprendre à faire mes auto-sondages. »

Pour­quoi devrait-​on avoir honte des problèmes urinaires ?
Mais le Pr Gamé souhaite déli­vrer un message encou­ra­geant aux patients. « Dans le cas de l’in­con­ti­nence urinaire, ils ne doivent pas hési­ter à consul­ter un spécia­liste et à en parler avec leur méde­cin. Nous avons aujourd’hui les moyens de les trai­ter. La méde­cine possède un arse­nal théra­peu­tique adapté ». En France, l’in­con­ti­nence urinaire touche au moins 2,6 millions de personnes de plus de 65 ans. Des contrac­tions anor­males de la vessie (schéma de gauche) entraînent une hyper­ac­ti­vité vési­cale. Le plan­cher pelvien n’est alors plus assez tonique et ne retient pas l’urine (schéma de droite). 

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Article de Johanna Anselme du maga­zine Faire Face.
Trans­mis par Nicole Lecouvey

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