Le premier neurone artificiel
Publié le 13 janvier 2017 à 09:13Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°67
Une équipe de chercheurs suédois a conçu un micro appareil reproduisant parfaitement la fonction des neurones biologiques. Ce système apporte un espoir notamment dans la maladie de Parkinson.
Biomimétique : discipline scientifique qui vise à s’inspirer du vivant pour tirer parti des solutions et inventions produites par la nature.
Neurone : cellule de base du système nerveux, elle reçoit, analyse et transmet des informations sous forme de signaux électriques (influx nerveux).
Neurotransmetteur (ou neuromédiateur) : molécule chimique synthétisée et libérée par un neurone qui assure la transmission des messages d’un neurone à l’autre. Il en existe de plusieurs sortes : dopamine, glutamate Gaba…
En 2025, le patient atteint de la maladie de Parkinson est installé au bloc opératoire. Par une petite incision dans le crâne, le neurochirurgien lui implante un tout nouveau dispositif, une sorte de bouquet d’aiguilles microscopiques en plastique qu’il va ficher, sous microscope, dans une zone du cerveau. Puis il insère, à quelques centimètres, un autre bouquet, fait de micro tubes. Appelés neurones biomimétiques, ces microdispositifs sont en fait des neurones artificiels, qui reproduisent parfaitement la fonction des cellules nerveuses biologiques. De quoi pallier les manques du cerveau malade en lui distribuant, lorsqu’il en a besoin, les substances qui lui font défaut.
Sorti du bloc opératoire, le patient se réveille quelques instants plus tard sans aucun des symptômes de sa maladie, en particulier les tremblements. Une révolution. !!! Cette scène d’anticipation pourrait devenir réalité dans les dix ans à venir. C’est ce à quoi travaille une équipe de l’institut Karolinska en Suède et qui décerne chaque année les prix Nobel de physiologie et de médecine.
Délivrer des molécules au cerveau de façon contrôlée :
Avec un premier succès d’envergure : la mise au point en juin 2015 du premier prototype de neurone biomimétique. Pour en savoir plus allons au Swedish Médical Nanoscience Center près de Stockholm. Le laboratoire affiche sa profession de foi sur la porte d’entrée : « notre objectif : répondre aux besoins médicaux qui nécessitent une nouvelle technologie ». Tout est dit. Trouver des applications concrètes est ici la règle.
Deux jeunes chercheurs, Suzanne Lôffler et Benjamin Libberton, y travaillent avec la fondatrice Agneta Richter-Dahlfors. Fiers de leur réussite « Il nous semblait crucial de parvenir à trouver enfin un dispositif implantable dans le cerveau qui puisse délivrer des molécules de façon non pas continue mais contrôlée selon les besoins poursuit Suzanne Lôffler. Cette communication est chimio-électrochimique. » Pour comprendre, rappelons que le cerveau grâce à ses cent milliards de neurones qui ne cessent de communiquer entre eux. Autrement dit, pour transmettre une information, un neurone émet un neuromédiateur (molécule chimique), le neurone voisin capte cette molécule, ce qui déclenche une impulsion électrique le long de sa terminaison nerveuse, l’axone. Il retransmet l’information en émettant à son tour un neurotransmetteur .et ainsi de suite « C’est ce procédé que nous avons reproduit ! »
Tout le génie du système tient en une pompe à ions :
Comment ? Les chercheurs présentent leur « neurone » posé sur une table de bureau. Rien de bien spectaculaire puisqu’on découvre alors deux dispositifs reliés par un fil électrique. Et pourtant ! Il s’agit là d’un concentré inédit de technologies. A l’une des extrémités se situe un biocapteur : « Une pointe métallique, entourée d’enzymes, ces enzymes détectent la présence de neuromédiateurs, ce qui entraîne une réaction chimique qui aboutit à un signal électrique. Celui-ci parcourt le fil jusqu’à l’autre extrémité où se trouve une pompe à ions et c’est bien cette pompe qui constitue l’originalité du système. La pompe à ions reçoit l’influx électrique et largue des neurotransmetteurs-glutamate, acétylcholine ou Gaba- en réponse. »
Une opération rendue possible par l’étrange plastique dont elle est constituée. Celui-ci est en effet conducteur (il laisse passer le courant électrique). Agneta Richter-Dahlfors a eu l’idée de s’en servir voici plus de dix ans avec Magnus Berggren, prix Nobel de chimie en l’an 2000. Tous les deux ont uni leurs efforts pour créer un implant en plastique qui puisse transmettre un signal électrique vers un réservoir qui larguerait des molécules de manière contrôlée en fonction de l’influx électrique reçu.
La miniaturisation n’est pas une difficulté en soi :
Aujourd’hui la démonstration de faisabilité est faite ! Il reste à miniaturiser le dispositif pour développer des applications viables. Ce système apporterait alors un véritable espoir notamment dans le traitement de la maladie de Parkinson, dont la cause est la dégénérescence des neurones dopaminergiques de la substance noire. Pour l’heure, certains patients résistants au traitement sont soignés par l’implantation dans le cerveau d’électrodes qui, reliées à une batterie, envoient des impulsions électriques pour traiter certaines zones responsables des symptômes (tremblements). Avec le neurone mimétique, il s’agirait de « remplacer les neurones manquants en envoyant des neuromédiateurs là et quand il le faut. »
« Le neurone biométrique est une invention prometteuse » reconnaît le docteur Benazzouz, directeur de recherche Inserm à l’institut des maladies neurovégétatives (CNRS-université de Bordeaux) spécialiste des stimulations cérébrales profondes dans la maladie de Parkinson. Lui-même se prend à rêver du futur dispositif idéal : « les neurones biomimétiques pourraient justement être implantés dans la substance noire, où l’on constate une perte de cellules nerveuses capables de synthétiser de la dopamine, ces neurones, en communiquant entre eux, pourraient libérer de la dopamine dans une autre structure (le striatum) située à quelques centimètres de là. Il est important que la libération de la dopamine se fasse de façon adaptée, comme c’est le cas où elle n’est jamais libérée en permanence ; elle est sous le contrôle des différents neurotransmetteurs, en fonction des tâches exécutées par l’organisme »
« Nous voulons faire connaître notre système à la communauté scientifique internationale afin que d’autres chercheurs s’en emparent et le façonnent à leurs mains » s’exclame Suzanne Lôffler. « Bref ! nous attendons leurs idées »
« Nous aimerions maintenant miniaturiser cet outil pour pouvoir l’implanter dans le corps humain » signale Agneta Richter-Dalfors professeure de microbiologie cellulaire directrice du SWEDISH MEDICAL NANOSCIENCE CENTER.
Article rédigé par Eléna Sender, envoyée spéciale à Stockholm pour le magazine Sciences et Avenir
Lu par Nicole Lecouvey
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Bravo ! cette découverte est vraiment séduisante par sa simplicité « d’utilisation » souhaitons que plusieurs chercheur s’intéressent de près et trouvent les moyens financier pour une réalisation à grande échelle et son application très prochaine de mise sur le marché je pense a une dizaine d’années.
Commentaire by prevost — 21 janvier 2017 #
je serai intéressé personnellement par cette pompe à lons,
merci de me tenir au courant de l’évolution de la
miniaturisation du procédé et aux possibilités d’Y avoir recours .
avec toute ma reconnaissance aux chercheurs ;
J.CHEVALIER
Commentaire by CHEVALIER — 20 janvier 2017 #