Une journée entre nous,malades, accompagnants
Publié le 19 décembre 2003 à 15:13paru dans Le Parkinsonien Indépendant n°15 — décembre 2003
Samedi 22 novembre 2003
Comme chaque année, depuis maintenant trois ans, l’association de Loire Atlantique propose à ses adhérents une journée « particulière » où se retrouvent, en groupes de travail séparés, les malades et leurs accompagnants. La mise en commun de l’après midi permet de se
dire le « vécu » de chacun et, quelquefois, des réflexions qui ne se disent pas entre les partenaires.
Le diagnostic :
Cette année, sur une cinquantaine de personnes, plus des trois quarts étaient « nouvellement affectées » par la maladie. Elles ont redit ce que chacun d’entre nous a vécu dans son histoire personnelle : la violence du diagnostic et les réactions de « fuite », d’agressivité ou de « refus » qu’il a provoqué.
L’un des signes avant-coureur le plus fréquent : la douleur dans l’épaule ressemblant à de l’arthrose et les difficultés à écrire pour laquelle la recherche ne va pas s’orienter de prime abord vers le neurologue mais plutôt vers le rhumatologue ou le scanner.
Lorsque la rencontre se produit avec le neurologue, les tests cliniques – qui paraissent d’une simplicité presque sommaire – lui permettent d’annoncer le diagnostic qui s’avère juste quand l’utilisation des médicaments apporte un soulagement quasi immédiat.
Mais tous nous avons d’énormes difficultés à l’entendre prononcé d’autant qu’il nous projette dans un avenir de « dégénérescence » des neurones et donc de notre activité ! C’est du moins ce qu’on imagine immédiatement. Et puis on est confronté à son propre vieillissement : il faut faire le « deuil » de sa vie rêvée.
Accompagner un malade :
Les accompagnants soulignent alors l’espèce de subtile séparation qui s’instaure entre le malade et le monde qui les entoure : certains ne veulent pas informer leur entourage – y compris leurs enfants – pour ne pas être « plaints » et accueillis comme des malades.
Ils soulignent aussi la « culpabilité » qu’ils subissent, ou qu’ils s’infligent, de ne pas être malade ! Et les attitudes déprimantes quelquefois agressives de leur compagnon ou de leur compagne.
Ils insistent sur la nécessité de se protéger, de trouver des activités qui les fassent sortir du cycle infernal de la maladie que leur impose leur partenaire. Mais en même temps, là aussi, ils se culpabilisent d’agir en dehors de leur « malade » ou d’être obligé de faire appel à des aides extérieures pouvant aller jusqu’au « placement » dans un établissement spécialisé !
Qu’est ce que la maladie m’a apporté de positif ?
Voila une question que nous n’avions pas envisagée et qu’un malade a proposée au groupe. Ce fût étonnant de voir combien elle a permis de sortir des « recettes de cuisine » habituelles : quel est votre traitement ? Combien de ceci ou de cela ? Est-ce que je suis bien soigné ? Des questions auxquelles nous ne pouvons pas – et ne voulons pas – répondre parce que ce n’est pas de notre compétence et que chaque cas est unique.
Pour certains d’entre nous, la maladie a amené à relativiser les choses, à remettre en perspective les préoccupations de la vie courante. Il nous faut aller à l’essentiel. Et puis lorsque la maladie est associée à d’autres affections, pour certaines à l’issue éventuellement plus fatales (cancer par exemple), des priorités se dégagent.
Elle permet de revoir sa propre échelle des valeurs.
Elle entraîne la rencontre d’autres personnes – à l’exemple de cette journée – de partager des situations similaires. Le partage, l’humour, la prise de distance, un ensemble de mots ou d’attitudes qui nous font évoluer et avancer dans notre quotidien ainsi que de mieux se connaître soi-même.
Pour d’autres, elle a permis de se découvrir des talents cachés : l’écriture par exemple ou la randonnée, la marche, la découverte de nouveaux horizons.
De toutes les façons, elle a amené le couple à s’interroger sur son avenir et sur ce qui le faisait vivre. Pour certains, cette épreuve de vérité a entraîné la rupture pour d’autres le rapprochement, pour d’autres, enfin, la découverte d’un nouvel amour. (Retrouvez l’éditorial du numéro 10 : « un médicament toujours efficace : l’amour »).
La prise en compte de la maladie :
L’un d’entre nous a parlé de la notion de « chef d’équipe » définissant ainsi le rôle dans lequel il se voit : c’est à lui de coordonner les différents techniciens qui l’entourent (neurologue, kinésithérapeute, etc.…). Il se veut responsable à part entière de son traitement.
Lorsqu’elle ne se voit pas, la maladie est plus supportable pour l’entourage ; mais inversement, on ne comprend pas bien les défaillances du parkinsonien lorsqu’elles se produisent.
Pour autant, il apparaît judicieux d’éviter de trop verser dans le « cocooning », le maternage : ce n’est pas une bonne chose pour accompagner le malade qui, au contraire, a besoin d’être stimulé et mis en confiance sur ces capacités à agir.
Quant aux traitements pharmacologiques, ils sont et devraient être adaptés au plus juste par rapport à chaque cas qui évolue différemment suivant les personnes. Ainsi a été évoquée l’homéopathie dont certaines personnes ressentent une réelle efficacité. On ne peut pas se prononcer en la matière d’autant plus que la maladie de Parkinson est sujette à variations en fonction du contexte psychologique qui entoure le malade.
Parkinson et sexualité :
Plusieurs couples ont tenu à exprimer leur désarroi devant un phénomène absolument caché par les techniciens qui prescrivent des médicaments qui, en fait, ont des effets sur la libido ou sur l’érection.
Ils regrettent avec vivacité que personne n’en parle. Bien sûr on évoque l’impuissance mais comme une réaction normale due au vieillissement. Par contre, on n’évoque pas ou très rarement les effets inverses de certains médicaments, ce qui peut poser des problèmes très vifs dans le couple.
En forme de conclusion
Chacun a pu s’exprimer tranquillement en étant écouté par les autres et toutes les questions même inattendues ont pu être évoquées : c’est là la réussite de ces journées dont on nous demande la reprise chaque année même si, en tant que responsables, nous pourrions penser usure et répétition de la formule.
Compte rendu proposé par Jean GRAVELEAU
En collaboration avec :
Maryvonne ROGINSKI, psychologue
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