Ne pas être qu'un "patient" ...

L’organisation du traitement dans la Maladie de Parkinson par le Docteur LALLEMENT, neurologue à l’hôpital de St Brieuc

Les trois phases de la Mala­die de Parkin­son fluctuante

Phase de la lune de miel : le Parkin­so­nien n’a plus que 30% de neurones dopa­mi­ner­giques. Il prend des agonistes dopa­mi­ner­giques (Trivastal,Célance,Sifrol,Réquip) ou de la dopa­mine, 3 fois par jour. Les neurones présents vont la capter, la stocker et la redis­tri­buer quand néces­saire. Il y a régulation. 

Phase des fluc­tua­tions : fluc­tua­tion entre les symp­tômes corri­gés, corri­gés avec dyski­né­sies, pas assez corri­gés. Quand vous avalez un médi­ca­ment, son absorp­tion par les intes­tins induit une impor­tante augmen­ta­tion de son taux dans le sang. Il arrive au cerveau en 30 minutes. Puis il sera détruit par des enzymes et 2 à 3 heures plus tard, son taux dans le sang va redes­cendre. Quand on est au pic de l’absorption, 1 à 1h30 après la prise, les symp­tômes ont disparu, mais des mouve­ments incon­trô­lés appa­raissent. Il n’y a plus régu­la­tion mais fluctuation . 

Phase de déclin : (30% des cas) elle arrive quand, en plus des neurones de la substance noire, d’autres sont touchés et vont dégé­né­rer. Appa­raissent d’autres symp­tômes insen­sibles à la dopa­mine : free­zing /​ insta­bi­lité postu­rale /​ chutes /​ festi­na­tion /​ dysar­thrie /​ troubles cogni­tifs /​ hallu­ci­na­tions.

Amélio­ra­tion de la prise médi­ca­men­teuse à la phase des fluc­tua­tions : la modélisation

A chaque prise de médi­ca­ment, on note son dosage et l’horaire dans un tableau. Une courbe de couleur se trace alors sur un graphique. A la fin de la jour­née, une courbe noire (synthèse des courbes de couleurs) met en évidence les moments de sur ou sous-​dosage. On modu­lera les doses selon ses besoins. Voici un exemple de 2 courbes prises parmi les 12 que le Dr Lalle­ment a commen­tées : (travail avec le logi­ciel de Pierre Le May et son équipe)


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Ce patient avait des symp­tômes vers 11 – 12 h et de nouveau en fin d’après-midi (graphique 1).On a dimi­nué le Trivas­tal et augmenté le Siné­met en frac­tion­nant le nombre de prises (6 au lieu de 3). On obtient un taux beau­coup plus régu­lier. L’amplitude de la fluc­tua­tion dimi­nue (graphique 2). 


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L’estomac du Parkin­so­nien : Pour­quoi y a‑t-​il souvent un blocage dans la 1ère moitié de l’après-midi ?
L’estomac a du mal à se contrac­ter pour chas­ser les aliments vers les intes­tins. Un médi­ca­ment pris à 15h sera ralenti dans l’estomac encore plein et ne sera pas absorbé au moment prévu par les intes­tins. Il n’arrivera au cerveau que beau­coup plus tard. D’où blocage ! Un effet de cumul va se faire avec la prise suivante et il y aura un pic avec mouve­ments dyski­né­siques. Comment pallier à cela ? en ne passant plus par l’estomac.
On peut faire des injec­tions d’Apomorphine, au stylo, qui vont agir en moins de 10 minutes pour une durée d’action de 1 à 1h30. Il y a la pompe à Apomor­phine qui régule et la pompe à Duodopa . 

Présen­ta­tion des diffé­rentes tech­niques d’amélioration des patients
La chirur­gie : le patient doit passer des tests pour savoir s’il est opérable. La chirur­gie néces­site 3 semaines d’hospitalisation : une jour­née pour l’implantation des élec­trodes, les autres pour les réglages, la surveillance …
le risque majeur étant celui d’une infec­tion (1%). C’est au patient de décider.
La pompe à Apomor­phine : l’Apomorphine va agir à peu près comme la Dopa­mine. Elle est injec­tée sous la peau, toute la jour­née. Elle améliore de 50% les perfor­mances motrice mais aussi intel­lec­tuelles et le moral des patients.
La pompe à Duodopa : (tech­nique en cours d’évaluation) la Dopa­mine est amenée direc­te­ment dans l’intestin où elle est déli­vrée en continu. Les patients sont amélio­rés sur le plan des fluc­tua­tions motrices, des dyski­né­sies ou de la dystonie. 

Ques­tions /​ Réponses
Les médi­ca­ments corrigent les symp­tômes mais n’influencent pas le cours évolu­tif de la MP. On retarde le plus possible la prise de Dopa­mine parce qu’elle accé­lère l’arrivée du stade des fluctuations.
Modo­par et Apoki­non ? le Modo­par est en compri­més, l’Apokinon en injec­tion (stylo ou pompe). Mêmes effets mais pas les mêmes délais ni durée d’action. L’injection va soula­ger beau­coup plus vite le symp­tôme de la griffe du lever ou le blocage d’après repas.
Siné­met 100 et un LP ? Le Siné­met 100 agit en 30 mn pour une action de 2h30 à 3h00. Le LP agit en 1h pour une action plus longue. Réquip est dans la modé­li­sa­tion, pas l’Apokinon qui a un flux continu.
Dosages : les patients qui prennent le plus de Dopa en ont 2 grammes par jour. Il faut modu­ler les prises en fonc­tion de chacun. Il vaut mieux garder les mêmes inter­valles quand on change d’horaire ( 3h en moyenne ). 

Protéines et Dopa : suppri­mer les protéines à midi peut éviter le blocage. Mais si le blocage est dû à un esto­mac trop lent ou aux fluc­tua­tions quoti­diennes des besoins en Dopa ça ne sera pas effi­cace non plus.
La nico­tine : en asso­cia­tion avec la Dopa améliore les Pk fluc­tuants à condi­tion d’en prendre une très grosse dose. (stade expérimental)
L’Exélon peut amélio­rer la mémoire dans la MP.

Modé­li­sa­tion et analyses de sang ? le taux de Dopa dans le sang est très variable. Il vaut mieux confron­ter la modé­li­sa­tion à vos symp­tômes. Mettez vos jour­nées en cases de demi-​heure et notez votre état par case.
Les trem­ble­ments : symp­tôme exces­si­ve­ment sensible aux émotions. Augmen­ter le trai­te­ment est inutile.
Le Rivo­tril peut dimi­nuer l’émotivité mais il est nocif pour la mémoire. Si les trem­ble­ments sont intenses et gênent la vie courante, penser à la chirurgie.
Syndrôme extra-​pyramidal : terme géné­rique qui regroupe tous les mouve­ments anor­maux incontrôlables.
Les dyski­né­sies : celle de milieu de dose, au moment du pic, fait bouger le haut du corps. Celle de fin ou début de dose touche plutôt les jambes et sont doulou­reuses. Aucun remède effi­cace pour amélio­rer cela. 

Les troubles de l’humeur : l’humeur suit les fluc­tua­tions de la motri­cité (émoti­vité, anxiété, dépression).
La douleur : induite par une carence en Dopa (tensions, pres­sions, cris­pa­tions) elle est corri­gée par la Dopa.
Le sommeil : les Parkin­so­niens sont très agités pendant leurs rêves.
Sali­va­tion : le geste auto­ma­tique de la déglu­ti­tion étant plus rare, la salive s’accumule dans la bouche et finit par couler, surtout en phase de sous-​dosage. L’orthophoniste apprend à avaler plus régulièrement.
Si vous avez la bouche sèche, la nuit, c’est que vous dormez la bouche ouverte.

Les médi­ca­ments : provoquent parfois des nausées, voire des vomis­se­ments, surtout en début de traitement
(> Moti­lium). Reflux gastro-​oesophagien possible (brûlures), mais pas d’ulcère à l’estomac.
Autres symp­tômes subjec­tifs : la baisse de la Dopa, la nuit, induit diverses sensa­tions : brûlures, impres­sion d’eau qui court sur les jambes … Pour y remé­dier, prendre un LP le soir et un 2ème dans la nuit. 

Mala­die de Parkin­son ou pas Mala­die de Parkinson ? 
Plusieurs mala­dies commencent comme une MP, mais elles répondent mal au trai­te­ment et d’autres symp­tômes apparaissent. 

Conclu­sion
Nous sommes 2 neuro­logues à prati­quer la modé­li­sa­tion. Nous devons démon­trer son effi­ca­cité aux autres neuro­logues qui s’interrogent sur le temps gagné ou perdu en consul­ta­tion et sur le béné­fice qu’en tire­ront leurs patients .
Pour moi, la modé­li­sa­tion a une vertu éduca­tive impor­tante : quand je construis les courbes avec un patient, en consul­ta­tion, il comprend mieux, ainsi que son conjoint, ce qui se passe. 

Synthèse de la confé­rence donnée à Château­lin, le 18 avril 2009, par le Docteur LALLEMENT, neuro­logue à l’hôpital de St Brieuc, dans le cadre de la jour­née mondiale de la mala­die de Parkinson . 

Synthèse faite par Joëlle Belot, du GP29 (Asso­cia­tion de Parkin­so­niens du Finistère)
Les deux graphiques avec les courbes, dans « La modé­li­sa­tion du trai­te­ment », proviennent du Diapo­rama fait par le Dr Lalle­ment ( CH Y Le Foll).

3 Commentaires Cliquer ici pour laisser un commentaire

  1. Cher Docteur,
    L’ex­pli­ca­tion des phases sont nettes et circon­cises. Aide à une bonne compré­hen­sion du chemin parcouru de l’ allopathie.
    Docteur vous êtes bien dans ce que vous avez appris en fac. Droit dans vos bottes, c’est normal vous n’avez pas appris autre chose que soigner, guérir avec des produits de synthèses.
    SVP Docteur, élar­gis­sez un peu vos connais­sances vers les causes de la MP non pas premières qui sont multiples comme l’en­vi­ron­ne­ment, l’empoisonnement, le stress, les 4 % ou le gène parki à une respon­sa­bi­lité . Mais à l impact de ces causes sur l’en­semble de notre corps, comme l’in­tes­tin, la méta­bo­li­sa­tion des acides essen­tiels ; phény­la­la­nine, tyro­sine, pour deve­nir notre dopa­mine avec l’aide d’une alimen­ta­tion dédiée tout d’abord à notre cerveau. 

    Vous êtes aussi un peu dans l’er­reur pour suppri­mer les protéines. L’es­to­mac au ralenti , je ne l’avais encore jamais lu, pour­quoi pas le coeur, les poumons… Bref je suis dubitatif.

    En deman­dant mon mail à P29. Je suis prêt à échan­ger et débattre.
    Petite préci­sion je ne suis pas du milieu médi­cal, seule­ment un Parkin­so­nien en très grande rémis­sion pour être devenu « guéris­seur » de ma personne, grâce à l’étude depuis 3 ans sur la litté­ra­ture scien­ti­fique des neurosciences.
    Je conti­nue aujourd’­hui car je suis fasciné par ce cerveau qui est, à la fois le labo­ra­toire le plus élaboré au monde et le chef d’or­chestre de notre corps. 

    Docteur bien respectueusement.

    Commentaire by limery — 15 juin 2018 #

  2. Bonjour,je vous remer­cie du fond du cœur pour la clarté de votre exposé qui corres­pond tota­le­ment à ce que je recherche depuis 2 ans.
    Ma mala­die de Parkin­son a été diag­nos­ti­quée il y a 10 ans .
    Je suis en phase de fluc­tua­tion et j’ai du mal à équi­li­brer mes traitements
    Je voulais savoir s’il est possible d’avoir le tableur dont vous vous servez pour extraire les précieux graphiques qui vous servent de base d analyse pour équi­li­brer nos traitements
    bien cordialement
    Anne PELLIER
    pellierann@gmail.com

    Commentaire by PELLIER — 14 juin 2018 #

  3. Je n’ai pas assisté à l’ex­posé du docteur Lalle­ment à Chateau­lin, mais j’ai assisté à deux de ses expo­sés en Octobre 2008 et Janvier 2009 ‚sur des sujets très voisins.
    J’ai retrouvé dans l’ article de Joelle Belot des expli­ca­tions que j’avais déjà enten­dues, pas toujours complè­te­ment comprises et que parfois j’au­rais eu tendance à oublier ( les paroles s’en­volent, les écrits restent)
    A la lecture,j’ai trouvé cette synthèse excel­lente. C’est du beau travail !

    Commentaire by jp lagadec — 16 juin 2009 #

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