L’évolution de la maladie chez le rat
Publié le 14 mars 2010 à 10:09Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°40 – mars 2010
Thèse de Cécile BOYER, boursière de CECAP Recherche
La maladie de Parkinson (MP) est une maladie neurodégénérative caractérisée par la perte massive et progressive des neurones dopaminergiques de la substance noire pars compacta (SNpc). Au niveau symptomatologique, la MP se définit par des troubles moteurs tels que les tremblements de repos, la rigidité, la difficulté à initier les mouvements. Les troubles moteurs sont très souvent précédés de troubles du sommeil, de la fonction olfactive ou encore gastrique. Il n’existe actuellement aucun traitement curatif pour soigner les patients atteints de cette pathologie. C’est pourquoi il est important de continuer la recherche sur les modèles animaux. Il existe actuellement différents types de modèles dont les plus utilisés sont les modèles chimiques. Dans ces modèles, la lésion est reproduite grâce à l’administration d’une toxine. Cependant, ces modèles ne vont pas reproduire le caractère progressif de la MP. Des modèles transgéniques ont donc été développés et notamment des souris transgéniques. Les souris transgéniques vont présenter des troubles moteurs non associés à une perte neuronale au niveau de la SNpc. Au laboratoire, nous développons un nouveau modèle d’étude de la maladie. Il s’agit d’un rat transgénique exprimant l’alpha-synucléine (α‑syn.) humaine doublement mutée. Ce gène est le premier à avoir été découvert comme étant associé à la pathologie chez des familles de patients. Les causes de la MP restent méconnues. Cependant, dans 90 % des cas la maladie semble due à une exposition à des facteurs environnementaux associés à une susceptibilité génétique. Pour les 10 % restants, la maladie est purement génétique et est due à la mutation de gènes. Une quinzaine de loci¹ sont aujourd’hui connus pour être associés à la MP dont celui codant l’α‑syn. De plus l’α‑syn. est le composant majeur des corps de Lewy, marqueur histologique de la MP. L’α‑syn. est donc impliquée aussi bien dans les formes sporadiques que dans certaines formes génétiques. Pour ces raisons, nous avons choisi de créer un rat transgénique exprimant α‑syn. humaine sous le contrôle du promoteur de la tyrosine hydroxylase (TH) de rat dans le but d’observer une expression du transgène dans les neurones catécholaminergiques des rats transgéniques. En effet, la TH est une enzyme impliquée dans la synthèse des catécholamines dont fait partie la dopamine.
Le but principal de ma thèse a été de caractériser ce nouveau modèle de la MP. Pour commencer, nous avons étudié l’expression de l’α‑syn. humaine dans le cerveau de nos rats. Ainsi, nous avons pu montrer que, dès 3 mois, les rats transgéniques présentent une forte expression de l’α‑syn. humaine dans la zone glomérulaire des bulbes olfactifs (BO). Nous avons aussi observé une expression du transgène dans les neurones de la SN et du locus coeruleus (LC).
La forte expression du transgène dans les neurones dopaminergiques des BO nous a conduits à étudier la fonction olfactive de nos rats. Nous avons pu montrer que les ratons n’ont aucun déficit de la fonction olfactive à la naissance. Cependant à partir de 6 mois, nous observons l’apparition de troubles de l’olfaction grâce à un test basé sur la perception d’une odeur attractive pour les rats, le lait de coco. De plus, à 20 mois, nous observons la présence d’agrégats protéiques dans les neurones de la zone glomérulaire des rats transgéniques. Nous avons souhaité savoir si le trouble de l’olfaction observé chez les rats transgéniques est dû à une innervation dopaminergique moins importante. Nous avons donc mesuré la largeur de la zone glomérulaire des rats à 25 mois. De façon surprenante, nous avons noté une augmentation de la largeur de la zone glomérulaire chez les rats transgéniques à 25 mois. La découverte de ce résultat nous a conduits à analyser de façon plus précise l’innervation dopaminergique dans les BO. Le comptage des neurones dopaminergiques dans la zone glomérulaire des rats âgés de 25 mois a montré une augmentation significative de 27 % du nombre de cellules exprimant la TH chez les rats transgéniques (TG) comparés à des rats témoins (WT) du même âge (cf. fig. 1). Cette dernière observation est corrélée avec une étude réalisée chez l’Homme. Dans cette étude, les chercheurs ont montré une augmentation de 100 % du nombre de neurones dopaminergiques chez les patients atteints de la MP. L’augmentation du taux de dopamine expliquerait les troubles de l’olfaction observés chez l’Homme au cours de la maladie. En effet, la dopamine est un inhibiteur de la transmission olfactive.
La caractérisation du modèle s’est poursuivie par une analyse comportementale des rats transgéniques. En effet, la MP est avant tout caractérisée par des symptômes moteurs. C’est pourquoi nous avons réalisé des tests neurologiques et moteurs avec nos rats transgéniques tous les mois entre 13 et 25 mois. Cette étude a pu mettre en évidence des quelques troubles moteurs à partir de 19 mois et des troubles neurologiques à partir de 22 mois chez les rats transgéniques.
L’analyse de cerveaux de rats âgés de 25 mois a montré une forte expression de l’α‑syn. humaine au niveau des BO, du LC. Au niveau de la SN, nous avons noté une augmentation de l’expression du transgène dans les neurones de la SN des rats âgés de 25 mois par rapport à ceux âgés de 3 mois. De plus, nous avons observé une diminution de l’immunoréactivité pour la TH dans la SN des rats transgéniques.
Des comptages des neurones dopaminergiques dans les BO, la SN et le LC ont été réalisés. Aucune perte cellulaire significative n’a été observée au niveau de la SN. Seule une tendance d’une diminution de 6 % du nombre de neurones dopaminergiques dans la SN des rats transgéniques à 25 mois. Au niveau du LC, nous notons une perte neuronale non significative de 22 % chez les rats transgéniques.
Une analyse de l’expression de la TH et du transporteur à la dopamine a montré une forte diminution des taux d’ARNm de ces 2 molécules dans la SN des rats transgéniques à 25 mois. Ces résultats traduisent un dysfonctionnement des neurones dopaminergiques de la SN des rats transgéniques. Ce dysfonctionnement ne suffit pas pour induire la mort des neurones. Cependant notre rat semble présenter les premiers éléments conduisant à la dégénérescence des neurones dopaminergiques de la SN.
Pour conclure sur ce rat, notre modèle présente l’un des premiers symptômes de la MP, les troubles de l’olfaction. Nous observons un dysfonctionnement des neurones dopaminergiques associé à de légers symptômes neurologiques et moteurs. Ce modèle est donc un bon modèle des stades pré-moteurs de la MP. Une étude du système nerveux entérique en collaboration avec le laboratoire INSERM U913 de Nantes est en cours d’analyse. Nous souhaitons aussi étudier l’effet de la réserpine sur les rats transgéniques. La réserpine est une molécule qui va vider les stocks de dopamine. Nous pourrons ainsi observer la capacité des rats transgéniques à re-synthétiser leurs stocks de dopamine de la même façon que les rats témoins. Cette étude pourra confirmer les résultats des analyses d’immunohistochimie et de biologie moléculaire qui ont montré un dysfonctionnement des neurones dopaminergiques. Pour améliorer ce modèle, nous souhaitons exposer les rats transgéniques à un facteur environnemental tel que la roténone. Cette molécule naturellement produite par certaines plantes tropicales est un composant de nombreux pesticides et insecticides.
¹ Pluriel de LOCUS : emplacement d’un gène sur le chromosome qui le porte (Petit Larousse).
Cécile BOYER
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