Ne pas être qu'un "patient" ...

L’évolution de la maladie chez le rat

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°40 – mars 2010 

Thèse de Cécile BOYER, bour­sière de CECAP Recherche

La mala­die de Parkin­son (MP) est une mala­die neuro­dé­gé­né­ra­tive carac­té­ri­sée par la perte massive et progres­sive des neurones dopa­mi­ner­giques de la substance noire pars compacta (SNpc). Au niveau symp­to­ma­to­lo­gique, la MP se défi­nit par des troubles moteurs tels que les trem­ble­ments de repos, la rigi­dité, la diffi­culté à initier les mouve­ments. Les troubles moteurs sont très souvent précé­dés de troubles du sommeil, de la fonc­tion olfac­tive ou encore gastrique. Il n’existe actuel­le­ment aucun trai­te­ment cura­tif pour soigner les patients atteints de cette patho­lo­gie. C’est pour­quoi il est impor­tant de conti­nuer la recherche sur les modèles animaux. Il existe actuel­le­ment diffé­rents types de modèles dont les plus utili­sés sont les modèles chimiques. Dans ces modèles, la lésion est repro­duite grâce à l’administration d’une toxine. Cepen­dant, ces modèles ne vont pas repro­duire le carac­tère progres­sif de la MP. Des modèles trans­gé­niques ont donc été déve­lop­pés et notam­ment des souris trans­gé­niques. Les souris trans­gé­niques vont présen­ter des troubles moteurs non asso­ciés à une perte neuro­nale au niveau de la SNpc. Au labo­ra­toire, nous déve­lop­pons un nouveau modèle d’étude de la mala­die. Il s’agit d’un rat trans­gé­nique expri­mant l’alpha-synucléine (α‑syn.) humaine double­ment mutée. Ce gène est le premier à avoir été décou­vert comme étant asso­cié à la patho­lo­gie chez des familles de patients. Les causes de la MP restent mécon­nues. Cepen­dant, dans 90 % des cas la mala­die semble due à une expo­si­tion à des facteurs envi­ron­ne­men­taux asso­ciés à une suscep­ti­bi­lité géné­tique. Pour les 10 % restants, la mala­die est pure­ment géné­tique et est due à la muta­tion de gènes. Une quin­zaine de loci¹ sont aujourd’hui connus pour être asso­ciés à la MP dont celui codant l’α‑syn. De plus l’α‑syn. est le compo­sant majeur des corps de Lewy, marqueur histo­lo­gique de la MP. L’α‑syn. est donc impli­quée aussi bien dans les formes spora­diques que dans certaines formes géné­tiques. Pour ces raisons, nous avons choisi de créer un rat trans­gé­nique expri­mant α‑syn. humaine sous le contrôle du promo­teur de la tyro­sine hydroxy­lase (TH) de rat dans le but d’observer une expres­sion du trans­gène dans les neurones caté­cho­la­mi­ner­giques des rats trans­gé­niques. En effet, la TH est une enzyme impli­quée dans la synthèse des caté­cho­la­mines dont fait partie la dopamine.

Le but prin­ci­pal de ma thèse a été de carac­té­ri­ser ce nouveau modèle de la MP. Pour commen­cer, nous avons étudié l’expression de l’α‑syn. humaine dans le cerveau de nos rats. Ainsi, nous avons pu montrer que, dès 3 mois, les rats trans­gé­niques présentent une forte expres­sion de l’α‑syn. humaine dans la zone glomé­ru­laire des bulbes olfac­tifs (BO). Nous avons aussi observé une expres­sion du trans­gène dans les neurones de la SN et du locus coeru­leus (LC).

La forte expres­sion du trans­gène dans les neurones dopa­mi­ner­giques des BO nous a conduits à étudier la fonc­tion olfac­tive de nos rats. Nous avons pu montrer que les ratons n’ont aucun défi­cit de la fonc­tion olfac­tive à la nais­sance. Cepen­dant à partir de 6 mois, nous obser­vons l’apparition de troubles de l’olfaction grâce à un test basé sur la percep­tion d’une odeur attrac­tive pour les rats, le lait de coco. De plus, à 20 mois, nous obser­vons la présence d’agrégats protéiques dans les neurones de la zone glomé­ru­laire des rats trans­gé­niques. Nous avons souhaité savoir si le trouble de l’olfaction observé chez les rats trans­gé­niques est dû à une inner­va­tion dopa­mi­ner­gique moins impor­tante. Nous avons donc mesuré la largeur de la zone glomé­ru­laire des rats à 25 mois. De façon surpre­nante, nous avons noté une augmen­ta­tion de la largeur de la zone glomé­ru­laire chez les rats trans­gé­niques à 25 mois. La décou­verte de ce résul­tat nous a conduits à analy­ser de façon plus précise l’innervation dopa­mi­ner­gique dans les BO. Le comp­tage des neurones dopa­mi­ner­giques dans la zone glomé­ru­laire des rats âgés de 25 mois a montré une augmen­ta­tion signi­fi­ca­tive de 27 % du nombre de cellules expri­mant la TH chez les rats trans­gé­niques (TG) compa­rés à des rats témoins (WT) du même âge (cf. fig. 1). Cette dernière obser­va­tion est corré­lée avec une étude réali­sée chez l’Homme. Dans cette étude, les cher­cheurs ont montré une augmen­ta­tion de 100 % du nombre de neurones dopa­mi­ner­giques chez les patients atteints de la MP. L’augmentation du taux de dopa­mine expli­que­rait les troubles de l’olfaction obser­vés chez l’Homme au cours de la mala­die. En effet, la dopa­mine est un inhi­bi­teur de la trans­mis­sion olfactive. 


fig. 1 : Comp­tage des cellules expri­mant la TH dans les BO des rats âgés de 25 mois.

La carac­té­ri­sa­tion du modèle s’est pour­sui­vie par une analyse compor­te­men­tale des rats trans­gé­niques. En effet, la MP est avant tout carac­té­ri­sée par des symp­tômes moteurs. C’est pour­quoi nous avons réalisé des tests neuro­lo­giques et moteurs avec nos rats trans­gé­niques tous les mois entre 13 et 25 mois. Cette étude a pu mettre en évidence des quelques troubles moteurs à partir de 19 mois et des troubles neuro­lo­giques à partir de 22 mois chez les rats transgéniques.

L’analyse de cerveaux de rats âgés de 25 mois a montré une forte expres­sion de l’α‑syn. humaine au niveau des BO, du LC. Au niveau de la SN, nous avons noté une augmen­ta­tion de l’expression du trans­gène dans les neurones de la SN des rats âgés de 25 mois par rapport à ceux âgés de 3 mois. De plus, nous avons observé une dimi­nu­tion de l’immunoréactivité pour la TH dans la SN des rats transgéniques. 


fig. 2 : Marquage de la tyro­sine hydroxy­lase (TH) de rat dans la SN de rat témoin (WT) et trans­gé­nique (TG) âgés de 25 mois.

Des comp­tages des neurones dopa­mi­ner­giques dans les BO, la SN et le LC ont été réali­sés. Aucune perte cellu­laire signi­fi­ca­tive n’a été obser­vée au niveau de la SN. Seule une tendance d’une dimi­nu­tion de 6 % du nombre de neurones dopa­mi­ner­giques dans la SN des rats trans­gé­niques à 25 mois. Au niveau du LC, nous notons une perte neuro­nale non signi­fi­ca­tive de 22 % chez les rats transgéniques. 

Une analyse de l’expression de la TH et du trans­por­teur à la dopa­mine a montré une forte dimi­nu­tion des taux d’ARNm de ces 2 molé­cules dans la SN des rats trans­gé­niques à 25 mois. Ces résul­tats traduisent un dysfonc­tion­ne­ment des neurones dopa­mi­ner­giques de la SN des rats trans­gé­niques. Ce dysfonc­tion­ne­ment ne suffit pas pour induire la mort des neurones. Cepen­dant notre rat semble présen­ter les premiers éléments condui­sant à la dégé­né­res­cence des neurones dopa­mi­ner­giques de la SN.
Pour conclure sur ce rat, notre modèle présente l’un des premiers symp­tômes de la MP, les troubles de l’olfaction. Nous obser­vons un dysfonc­tion­ne­ment des neurones dopa­mi­ner­giques asso­cié à de légers symp­tômes neuro­lo­giques et moteurs. Ce modèle est donc un bon modèle des stades pré-​moteurs de la MP. Une étude du système nerveux enté­rique en colla­bo­ra­tion avec le labo­ra­toire INSERM U913 de Nantes est en cours d’analyse. Nous souhai­tons aussi étudier l’effet de la réser­pine sur les rats trans­gé­niques. La réser­pine est une molé­cule qui va vider les stocks de dopa­mine. Nous pour­rons ainsi obser­ver la capa­cité des rats trans­gé­niques à re-​synthétiser leurs stocks de dopa­mine de la même façon que les rats témoins. Cette étude pourra confir­mer les résul­tats des analyses d’immunohistochimie et de biolo­gie molé­cu­laire qui ont montré un dysfonc­tion­ne­ment des neurones dopa­mi­ner­giques. Pour amélio­rer ce modèle, nous souhai­tons expo­ser les rats trans­gé­niques à un facteur envi­ron­ne­men­tal tel que la roté­none. Cette molé­cule natu­rel­le­ment produite par certaines plantes tropi­cales est un compo­sant de nombreux pesti­cides et insecticides. 

¹ Pluriel de LOCUS : empla­ce­ment d’un gène sur le chro­mo­some qui le porte (Petit Larousse).

Cécile BOYER

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