Ne pas être qu'un "patient" ...

« ils ont oublié que je suis malade »

Nous avons lu sur la messa­ge­rie Park­liste un texte trai­tant des rela­tions malades-​environnement (aidants-​famille, amis).

Nous avons demandé à son auteur l’au­to­ri­sa­tion de le publier.
L’intérêt de la réponse étant égal à celui du texte, nous publions le tout , en remer­ciant bien sincè­re­ment Marie Pierre de sa gentillesse.

Ils ont oublié

Ils ont oublié que je suis malade. C’est une belle victoire sans doute.

« Ils » ce sont mes proches les personnes que j’aime le plus. 

Il faut croire que j’arrive à donner le change : malade parfaite, même pas mal, même pas peur, gérant parfai­te­ment ma mala­die, la maîtri­sant même comme on dompte un lion.

Non ils ne la voient plus. Oubliée. Niée. Cette sale mala­die gênante. Ils ne voient que ce qu’ils veulent voir : la personne. C’est génial.

Mais un lion reste une bête sauvage. Même en cage, même dompté, un lion reste un lion et rugit quand ça lui chante.

Moi qui suis le domp­teur, je sais quelle éner­gie il faut au quoti­dien. Même un seul instant je ne peux l’oublier.

Le matin j’ai mal partout. Mon esprit a du mal à se concen­trer. Parler demande un effort. Trou­ver les mots. Aller aux toilettes c’est un effort. Penser à ce qu’on va faire dans la jour­née en écono­mi­sant son éner­gie. Jamais faim, jamais soif, plus d’odorat, toujours froid. Arrive 17h00, me voilà épui­sée. Lutter contre l’apathie, la lenteur d’esprit, de geste. Tout est diffi­cile et c’est diffi­cile d’expliquer exac­te­ment pourquoi.

On n’a qu’un seul mot pour cela : la fatigue.

Un mot, juste un petit mot si faible, si faux, si trompeur.

Oui mais c’est normal puisque tu es malade.

Ca fait 8 ans que t’es malade, c’est pas une nouveauté ?

Ta fatigue on connaît, ça ne t’empêche pas d’aller et venir .

Ne la ramène pas avec ta fatigue.

Tu n’as pas le privi­lège de la fatigue.

Et puis de temps en temps le lion rugit plus fort que d’habitude, il me fait « perdre la tête », oublier des évène­ments, les confondre avec d’autres. Oublier de signer un chèque, me trom­per sur les noms, me rend feignante comme je ne l’ai jamais été. 

Mais tout va bien, je vous rassure, tout va bien. Même pas mal, même pas peur. Conti­nuez comme si de rien n’était.

Et puis, si ça ne va pas, j’aug­mente un peu la dose, n’en parlons plus. 

Je vous déteste autant que je vous aime.

Ou plutôt n’est-ce pas plutôt la personne que je suis deve­nue que je déteste. Deve­nir domp­teuse m’a aigrie, endur­cie, chan­gée profondément.

Même pas Mal, même pas Peur…

 
Message reçu de Marie-Pierre :

J’ai main­te­nant 55 ans, j’en avais 47 lorsque j’ai écrit « Ils ont oublié »

Je suis main­te­nant neuro­sti­mu­lée depuis 1 an, je vais bien même si l’opé­ra­tion m’a laissé encore quelques « séquelles » dont j’es­père pouvoir venir à bout progressivement :
problèmes de sommeil et petit trouble de la marche.

Je suis une guer­rière et je suis d’une nature du genre coriace et volontaire.

Lorsque j’avais 47 ans, cela m’a aidée de crier mon ressenti sur le blog « park­pour­les­nuls », c’était comme une théra­pie. Ce que j’ai écrit, corres­pond donc au ressenti de ce moment là, de cette époque.

Aujourd’­hui, je sais que si mon opéra­tion a réussi c’est grâce à mon entou­rage, à ceux à qui était destiné l’ar­ticle « ils ont oublié ».

Cet article est extrê­me­ment culpa­bi­li­sant pour l’en­tou­rage, et en même temps s’ils arrivent à passer au delà de cette culpa­bi­lité et vous regar­der encore comme une « vraie personne » cet article leur permet de mieux comprendre ce que ressentent les malades.

Aujourd’­hui, mon ressenti est le suivant :

Je suis infi­ni­ment recon­nais­sante à ma famille, à mes amis , à tous ceux qui sont venus me voir lorsque j’étais hospi­ta­li­sée à Neuro. Chaque jour je me demande comment je vais faire pour les remer­cier à hauteur de ce qu’ils m’ont donné.

Je n’ai qu’une seule décep­tion. La réac­tion de ma sœur ainée méde­cin qui m’a dit un jour « Tu nies ta mala­die, sauf pour mani­pu­ler les autres » …

Alors je me suis dit que oui, j’avais bien fait d’écrire « ils ont oublié ».

Merci.

Marie-​Pierre.

2 Commentaires Cliquer ici pour laisser un commentaire

  1. Bonjour Marie-Pierre,ce que vous décri­vez m’in­ter­pelle telle­ment. A 52 ans je viens d’etre diagnostiquée.Mes craintes etaient fondées j’etais presque sur que j’avais parki. , je suis sous azilect 1 cp par jour mais je sens bien que ça ne suffit pas.Je me recon­nais dans votre description,j’ai beau­coup de mal a me prendre en main,tellement fatiguée.J’ai très peur des agonistes et de leurs effets secondaires.J’ai l’im­pres­sion que mon corps ne m’ap­par­tiens plus et c’est très dur.Cette maudite lenteur m’exas­père et j’ai le moral en berne.J’essai de faire face mais je me sens seule,j’essai de donner le change et personne ne voit que je suis si mal. J’ai l’im­pres­sion que ma mala­die est mmini­mi­sée par mes proches…J’espere que vous conti­nu­rer a etre de mieux en mieux,je vous le souhaite de tout cœur.

    Commentaire by audrey — 24 juin 2014 #

  2. Bonsoir Marie Pierre
    Avez-​vous suivi le trai­te­ment à la Nico théra­pie avant d’être stimulée ?
    Merci de me répondre
    Merry

    Commentaire by Merry — 2 septembre 2013 #

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