Ecraser les médicaments peut nuire à leur efficacité
Publié le 29 septembre 2013 à 06:31Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°54
La forme de certains médicaments n’est pas anodine et leur broyage est contre-indiqué.
La prise de médicaments en comprimés ou en gélules s’avère parfois difficile chez les patients atteints de troubles de la déglutition ou de troubles psychologiques et comportementaux qui gênent l’administration par voie orale. Ce phénomène est particulièrement fréquent dans les établissements dédiés aux personnes âgées, ainsi que dans les services psychiatriques ou ORL. Le recours à l’écrasement des médicaments est alors courant. Or une étude à paraître dans la Revue de Médecine Interne relève que cela peut nuire à leur efficacité.
« Bien que cette pratique soit répandue, ses conséquences ont rarement été étudiées », indique le professeur Jean Doucet, gériatre dans le service de médecine interne du CHU de Rouen. « Nous-mêmes nous sommes intéressés à ce problème, suite aux nombreuses tendinites que contractait le personnel infirmier à force d’écraser des médicaments. C’est par ce biais que nous avons pris conscience des problèmes bien plus vastes liés à cette pratique artisanale qui ne répondait alors à aucune recommandation ».
Sur la base de ce constat, son équipe a mené une enquête auprès de 23 unités de gériatrie de la région de Rouen. L’étude a ainsi relevé qu’un tiers des médicaments étaient réduits en poudre avant d’être administrés aux patients, toutes les classes thérapeutiques étant concernées. Or dans 42% des cas, l’écrasement de ces médicaments était contre-indiqué. Transformer la forme d’un médicament peut-être dangereux et exposer le patient à un sur ou un sous dosage. En effet, la forme de certains médicaments est étudiée pour les rendre « gastro-résistants », c’est-à-dire empêcher leur libération dans l’estomac, ou encore pour allonger leur temps de libération dans le cas des formes dites « à libération prolongée ». Ces effets risquent d’être annihilés par la pulvérisation, explique le professeur Doucet. « Il est d’autant plus regrettable que dans la majorité des cas, nous pourrions les substituer par des formes plus faciles à avaler ou des médicaments pouvant être écrasés. Mais faute de recommandations officielles, les médecins prescripteurs ne sont pas toujours au fait de ces difficultés ».
Manque d’informations :
L’étude révèle également des biais dans la préparation artisanale de ces poudres : « Les médicaments d’un même malade étaient écrasés ensemble près de trois fois sur quatre et mélangés à des ingrédients peu adaptés – souvent de la compote (76% des cas) – pour faciliter leur administration. » Ces pratiques entraînent non seulement un risque d’interaction entre les principes actifs des différents médicaments, mais également avec les ingrédients auxquels on les mélange pour faciliter leur ingestion, en raison de leur pH ou de leur température qui peuvent entraîner des réactions chimiques indésirables.
L’eau gélifiée, appréciable pour sa neutralité, n’est utilisée que dans 7,5% des cas. Enfin, faute de matériel et de personnel disponible, les mortiers et pilons utilisés, sont communs à plusieurs patients dans plus de la moitié des cas.
« Le personnel soignant, préparateurs comme prescripteurs, n’est pas à blâmer pour autant », modère le professeur Doucet. Ces erreurs s’expliquent par l’absence flagrante de guides de bonnes pratiques et concerne tout autant les patients hors hôpital. C’est pourquoi il est urgent de fournir des recommandations aux médecins de ville, au personnel des établissements de santé, mais aussi aux pharmaciens de ville en contact avec les patients concernés ou leurs auxiliaires de vie.
A la suite de ces résultats inquiétants, des recommandations complétées d’une liste exhaustive des médicaments pouvant ou non être écrasés a été rédigée par la pharmacie du CHU de Rouen, et mise à disposition des prescripteurs et des soignants sur son site Intranet. Les recommandations ont également été intégrées au guide de l’administration du médicament de la Haute Autorité de Santé (HAS) publié en décembre 2011.
Article relevé dans le Figaro par Soize Vignon
soize.vignon@orange.fr
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