Ne pas être qu'un "patient" ...

Cinéma et théâtre au chevet de la relation médecin patient.

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°70

L’en­sei­gne­ment au « savoir-​être » méde­cin à travers la mise en scène de vraie-​fausse » consul­ta­tion, se diffuse peu à peu dans les facul­tés de méde­cine. Grâce à cette tech­nique, de plus en plus de facul­tés forment les futurs méde­cins à la rela­tion avec le patient. 

Œil rivé à la caméra, le jeune homme se concentre sur la scène jouée par les comé­diens. L’ins­tant est grave : le méde­cin annonce à une femme, jeune encore, qu’elle doit subir une chimio­thé­ra­pie avant son opéra­tion d’un cancer du sein. Elle refuse, obsti­né­ment : « Ce n’est pas le cancer qui va me tuer, c’est la chimio ». Le méde­cin s’emporte.

Contrai­re­ment aux appa­rences, nous ne sommes pas sur le plateau du dernier film de Thomas Lilti, le réali­sa­teur d’Hippo­crate et de Méde­cin de campagne. Derrière la caméra, Mathieu, interne en méde­cine géné­rale à la faculté Pierre & Marie Curie à Paris. Il inau­gure avec sept autres étudiants l’op­tion « méde­cine, théâtre et vidéos », créée cette année.

L’am­bi­tion de ce sémi­naire n’est pas de révé­ler des voca­tions artis­tiques mais de former de futurs méde­cins à la rela­tion avec le patient. Trans­for­més en cinéastes pour l’oc­ca­sion, ils ont imaginé, écrit, joué puis réalisé quatre films mettant en scènes des situa­tions médi­cales parti­cu­lières. Au programme : 

  • l’an­nonce diffi­cile d’un diabète de type 1 à une jeune fille.
  • le refus de soins d’une femme atteinte d’ un cancer du sein.
  • un patient se plai­gnant de symp­tômes sans causes apparentes.
  • une consul­ta­tion pour une demande d’IVG.

Ces films illus­trent comment : l’at­ti­tude, les paroles et les silences du méde­cin lors d’une consul­ta­tion, influent sur la rela­tion avec le patient.

« Par exemple, dans le film sur la demande de l’IVG, deux ou trois phrases terribles sont assé­nées. Et nous avons tous, un jour ou l’autre, prononcé ce genre de phrases. Or la première consul­ta­tion va condi­tion­ner le vécu de l’acte », explique le Dr Gilles Lazimi, l’un des ensei­gnants du sémi­naire. A travers ces exemples, les futurs méde­cins apprennent à culti­ver l’écoute et l’empathie, cette capa­cité à comprendre ce qui se passe dans la tête de l’autre. « Au cours de nos études, on nous répète qu’il faut être empa­thique … mais sans nous expli­quer comment faire. Pendant les stages, c’est toujours l’aspect tech­nique du métier qui prime », souligne Delphine. La forma­tion des méde­cins donne en effet la prio­rité à la recherche des symp­tômes dans le but d’éta­blir un diag­nos­tic et ensuite de choi­sir le traitement. 

Résul­tat, les étudiants se retrouvent le plus souvent confron­tés à des situa­tions humaines diffi­ciles, sans jamais y avoir été prépa­rés. Comme le raconte Marine, une autre parti­ci­pante « A 20 ans, aux urgences, je me suis retrou­vée seule face à une femme de 50 ans suici­daire. J’étais dépas­sée » Comment alors ne pas être tenté de mettre en place des méca­nismes de défense comme refu­ser de lais­ser à la place à l’émo­tion, se canton­ner aux traitements … 

« Nous avons tous un moment ou un autre perdu notre sensi­bi­lité, notre huma­nité. Mais comment rester empa­thique à 3 heures du matin aux urgences, lors­qu’un patient vous agresse verba­le­ment ? », s’in­ter­roge Delphine.

Appren­tis­sage des gestes techniques : 

Pour le Dr Samuel Leroy, qui propose des cours de commu­ni­ca­tion médi­cale aux étudiants de la faculté de Rouen dès la deuxième année, l’empathie est une fenêtre ouverte sur le monde. « Lorsque votre fenêtre est grande ouverte, si vous vivez une expé­rience trau­ma­ti­sante, souvent dès votre premier stage, vous la fermez. Nous sommes là pour apprendre aux futurs méde­cins à manier cette fenêtre, à en modu­ler l’ou­ver­ture », explique l’en­sei­gnant. A Rouen, les étudiants sont confron­tés à des patients simu­lés, joués par des acteurs dès la deuxième année.

Cet ensei­gne­ment au « savoir-​être » méde­cin à travers la mise en scène de « vrai-​fausse » consul­ta­tion demeure facul­ta­tif. Il diffuse cepen­dant peu à peu dans les facul­tés. A l’image de l’ap­pren­tis­sage des gestes tech­niques, l’idée de « jamais la première fois » avec le malade s’imposera-​t-​elle dans le domaine de la rela­tion médecin-malade ? 

La ques­tion reste posée car la méthode a un coût. Pour­tant, cette péda­go­gie réaliste est perti­nente, comme l’ont démon­tré plusieurs études. « Ce dispo­si­tif d’en­sei­gne­ment est appré­cié des étudiants et leur permet d’en tirer un béné­fice » concluaient en 2006 les cher­cheurs de l’université de Lausanne qui propose un appren­tis­sage avec patient simulé à tous les étudiants de quatrième année. A Paris, les huit futurs méde­cins se sentent aujourd’­hui mieux armés. « Je suis plus sereine face à certaines situa­tions », explique Naryanne en dernière année. Reste main­te­nant à toucher le maxi­mum d’étu­diants. C’est aussi l’ob­jec­tif des films qui sont diffu­sés lors des cours de troi­sième cycle.

Article d’Anne Prigent relevé dans le Figaro Santé du 20 08 17 par Fran­çoise Vignon

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