Maladie de Parkinson : facteurs environnementaux et prévention
Publié le 02 octobre 2018 à 10:46Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°74
La maladie de Parkinson, deuxième maladie neurodégénérative en termes de fréquence après la maladie d’Alzheimer, concerne près de 170 000 personnes en France.
Vingt-cinq mille nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année dans notre pays. Dans la moitié des cas, elle débute avant soixante-quinze ans ; elle est plus rare mais non exceptionnelle avant l’âge de 50 ans[1].
Les causes sont multiples, mais certains facteurs environnementaux pourraient être impliqués, en particulier les agents phytosanitaires (herbicides, insecticides, pesticides). Des mesures préventives collectives et individuelles peuvent être envisagées.
Qu’est-ce que la maladie de Parkinson ?
Il s’agit d’une maladie neurodégénérative dont le cœur lésionnel est le système à dopamine. La majorité des cellules qui synthétisent ce neurotransmetteur sont situées dans la partie haute du tronc cérébral (dans la substance noire ou Locus Niger). Elles envoient des projections axonales dans des structures cérébrales profondes, les noyaux gris centraux (en particulier le striatum).
Leur dégénérescence conduit à un déficit en dopamine dans ces structures à l’origine de l’essentiel de la symptomatologie. Cette dernière est avant tout motrice avec le classique tremblement de repos qui n’est toutefois pas systématique, mais surtout des difficultés gestuelles liées à l’akinésie, un symptôme constant, indispensable au diagnostic, et une rigidité, dite plastique qui volontiers cède par à‑coup (signe de la roue dentée).
Il existe aussi tout un cortège de manifestations non motrices, comme la douleur, la fatigue, les troubles du sommeil et des symptômes anxiodépressifs, moins visibles mais tout aussi invalidants[2].
La « formule » symptomatologique est très variable d’un patient à l’autre et varie en cours d’évolution. Le plus souvent, elle est asymétrique sur le plan moteur, reflet de l’asymétrie du déficit en dopamine dans les noyaux gris centraux.
Pourquoi est-elle qualifiée de synucléopathie ?
Au niveau cérébral, il existe des dépôts anormaux d’une protéine particulière, l’alphasynucléine. La maladie de Parkinson et d’autres affections dégénératives plus rares où des dépôts anormaux de cette protéine sont aussi observés, constitue le groupe à présent nommé des synucléopathies.
L’alphasynucléine a un rôle important au niveau des synapses, la structure de communication entre les cellules nerveuses.
Pour donner suite à une anomalie de conformation (la séquence d’acides aminés est le plus souvent normale), l’alphasynucléine s’agrège au sein du corps des cellules à dopamine et d’autres cellules cérébrales sous forme d’inclusions arrondies, les corps de Lewy, et au niveau de certaines terminaisons nerveuses, les neurites de Lewy. Ces agrégats anormaux pourraient être à l’origine de dysfonctionnements cellulaires responsables de la dégénérescence des cellules[3].
Des dépôts anormaux de cette protéine sont aussi observés en dehors du cerveau en particulier dans le système nerveux entérique.
Certains scientifiques ont émis l’hypothèse d’une possible initiation de la maladie au niveau du système nerveux entérique avec l’entrée d’un phénomène pathogène à ce niveau (par exemple sous l’effet d’un toxique ou d’un agent infectieux) qui pourrait ensuite se transmettre au cerveau et s’étendre alors de proche en proche, avec un mode de diffusion proche de ce qui est observé dans les maladies à prions (comme la maladie de Creutzfeld Jakob)[4]. Cette hypothèse reste encore loin d’être prouvée[5].
Pourquoi la maladie se développe-t-elle ?
Ce qui est à présent certain, c’est que cette maladie n’a pas une cause unique. Dans 10 à 15% des cas, une mutation dans un seul gène suffit à entraîner la maladie (forme dite monogénique). Il peut s’agir d’une hérédité autosomique dominante (la mutation délétère est présente sur un seul des deux exemplaires du gène [hétérozygote]; elle se transmet donc de génération en génération avec une probabilité de transmission de 50%; à noter que la pénétrance n’est souvent pas complète et donc des sujets porteurs de la mutation délétère peuvent ne pas présenter de leur vivant de signe manifeste de maladie.
Les mutations les plus fréquentes pour ce type de transmission concernent le gène dit LRRK2 (présents dans 30% des formes familiales ou sporadiques en Afrique du Nord) et le gène de l’alphasynucléine, la protéine présente sous forme d’agrégats anormaux dans le cerveau des patients.
Il peut aussi s’agir d’une hérédité autosomique récessive, une mutation délétère doit être présente sur chacun des deux exemplaires du gène [homozygote]; elle ne s’exprime que dans une seule génération, car les sujets atteints ont hérité d’un gène délétère de leur mère et d’un gène délétère de leur père, mais ces derniers n’ayant qu’un gène délétère [hétérozygote] n’ont aucune symptomatologie ; de même la maladie ne se transmet en général pas à la génération suivante, car le sujet malade ne transmet qu’un seul de ces deux gènes porteurs de mutation délétère. Aujourd’hui plus de vingt mutations génétiques sont identifiées pour être à l’origine de maladies de Parkinson monogéniques[6].
Les progrès technologiques en génétique et l’utilisation de consortium internationaux qui permettent l’analyse d’échantillons d’ADN de plusieurs dizaines de milliers de patients ont permis d’identifier certaines variantes ou mutation de gènes comme prédisposant à la maladie. Ainsi une mutation dans le gène de la glucocérébrosidase, connue pour être, lorsqu’elle est présente sur les deux exemplaires du gène (mutation à l’état homozygote), à l’origine d’une maladie dysmétabolique rare, la maladie de Gaucher, est retrouvée sur un seul de gène (état hétérozygote) chez 5% des patients atteints de maladie de Parkinson. C’est le facteur de risque génétique le plus fréquent dans la maladie[7].
Quels facteurs environnementaux sont associés à la survenue de la maladie ?
Dans quelques cas exceptionnels, la maladie de Parkinson (ou en tout cas une forme très voisine) a pu être causée par un toxique environnemental bien identifié. A la fin des années 70 sur la côte Ouest des États-Unis a été observée une « mini-épidémie » de « maladies de Parkinson » chez des sujets jeunes.
Ils avaient pour point commun d’être toxicomanes et d’utiliser la même source d’héroïne. Une fabrication défectueuse de la drogue avait conduit a une production d’un produit particulier, le MPTP, qui s’est depuis révélé être un puissant et sélectif toxique des cellules à dopamine[8]. Le MPTP (1-méthyl-4-phényl-1,2,3,6‑tétrahydroh) est une neurotoxine qui provoque les symptômes permanents de la maladie de Parkinson en détruisant certains neurones dans la substantia nigra du cerveau. Il est utilisé pour étudier la maladie chez le singe.
La majorité des cas de maladies de Parkinson est toutefois, comme c’est le cas pour la plupart des maladies, d’origine multifactorielle avec une combinaison, variable d’un patient à l’autre, de facteurs de prédisposition génétique et de facteurs environnementaux. Sauf dans le cas particulier du MPTP où une claire relation causale entre l’agent toxique et la maladie a pu être montrée, la plupart des études qui cherchent à analyser l’impact de l’environnement sur le développement de la maladie sont des études qui visent à montrer une association entre un facteur environnemental donné et la survenue de la maladie. Ces études donnent ainsi des risques de développement de la maladie en cas d’exposition à un facteur environnemental par rapport à une non-exposition ou une exposition moindre à ce facteur environnemental.
Cela fait apparaître les difficultés de ce type d’approche, en particulier pour détecter les facteurs de risques environnementaux qui ne sont en cause que chez un faible nombre de patients ou lorsque l’exposition à l’agent environnemental est cumulée sur un grand nombre d’années ou a eu un impact des années avant la survenue des premiers symptômes. En outre si la responsabilité causale peut être suspectée, elle ne peut presque jamais être formellement démontrée. Il faudrait pour cela exposer de façon randomisée une partie des individus à un toxique donné (les autres servants de témoins), ce qui est bien sûr impossible.
Plusieurs études épidémiologiques ont mis en évidence un risque accru de maladie de Parkinson en cas d’exposition à des quantités élevées de pesticides[9]. Parmi les études sur ce sujet, une étude française a par exemple mis en évidence l’impact des doses cumulées de pesticides chez les agriculteurs sur le risque de développement de la maladie[10].
Il a pu être par ailleurs montré que certains de ces agents phytosanitaires, comme la roténone®, sont dans certaines conditions expérimentales toxiques pour les cellules à dopamine[11]. La responsabilité des pesticides est par conséquent assez vraisemblable, au moins chez certains patients très exposés. La maladie de Parkinson peut d’ailleurs être reconnue en maladie professionnelle si la preuve d’exposition à des quantités importantes d’agents phytosanitaires est faite.
Des études épidémiologiques ont suggéré qu’une consommation importante de produits laitiers augmentait le risque de survenue de maladie de Parkinson[12].
Différents mécanismes ont été proposés. Une concentration de produits phytosanitaires à partir de l’alimentation des animaux est assez peu probable. Les pâturages ne nécessitent pas de traitement particulier. Les concentrations en toxiques dans le lait sont en outre étroitement surveillées. L’autre hypothèse plus communément avancée est à travers une action possible des produits laitiers sur les taux d’acide urique[13].
Des taux élevés d’acide urique, qui pour mémoire augmentent le risque de goutte et les risques cardiovasculaires, pourraient avoir un rôle protecteur sur les cellules à dopamine. Il est en outre retrouvé une moins grande fréquence de maladie de Parkinson en cas de taux d’acide urique élevés. Cette hypothèse impliquerait que les produits laitiers diminuent le taux d’acide urique ce qui reste à démontrer.
Une étude épidémiologique récente sur deux cohortes importantes (plus de 120 000 sujets au total), dans lesquelles était suivie la consommation de produits laitiers montre somme toute un niveau de risque modeste. Il est en fait présent pour les fortes consommations de produits laitiers allégés (plus de 3 portions américaines/jour soit environ 5 portions françaises) et de « frozen yoghurts ». Aucun lien n’est retrouvé avec les produits laitiers entiers [14].
Il existe enfin une association entre le développement d’un mélanome et la survenue d’une maladie de Parkinson. Les raisons qui sous-tendent cette association ne sont pas parfaitement connues.
À l’opposé, certains facteurs environnementaux sont associés à une diminution du risque de maladie.
Celui qui a été retrouvé dans un grand nombre d’études est la consommation de tabac.
En d’autres termes, fumer réduirait le risque de survenue de maladie ! Et ce même après correction par la surmortalité provoquée par le tabac[15]. Différentes explications ont été proposées et restent sujettes à discussion. La nicotine pourrait avoir un rôle neuroprotecteur, un rôle qui n’a pas été à l’heure actuelle, confirmé par des études cliniques. D’autres constituants présents dans la fumée, comme le monoxyde de carbone pourrait jouer un rôle. L’association pourrait être le fait de facteurs plus indirects.
La dopamine joue un rôle important dans les phénomènes addictifs. Des caractéristiques du système à dopamine qui prédisposeraient à l’addiction au tabac pourraient être ainsi associées à un moindre risque de développement de la maladie. Une réduction de risque de maladie a été aussi observée avec la consommation de café et de thé noir, ainsi qu’avec la pratique sportive.
Est-il possible de prévenir la maladie ?
Le rôle possible des agents phytosanitaires justifie de limiter leur exposition. Pour les professionnels comme pour les particuliers, préférer des méthodes naturelles et limiter l’usage au minimum indispensable sans oublier le port de protection (gants, lunettes, masque) sont des mesures de bon sens.
En l’absence de connaissances plus précises sur les mécanismes de la maladie, il n’y a pas d’autres mesures préventives spécifiques à envisager actuellement. La symptomatologie parkinsonienne ne se développe que lorsque le manque de dopamine cérébrale est conséquent (plus de 70%). Le cerveau possède donc de fortes capacités de compensation qui lui permettent de fonctionner longtemps normalement alors qu’il existe un déficit marqué en dopamine.
Il est probable que l’activité physique régulière (qui est effectivement associée à un risque moindre de maladie comme vu ci-dessus), la stimulation cognitive et le maintien du lien social soient des éléments de renforcement de ces capacités de compensation, comme cela a été montré dans la maladie d’Alzheimer avec la notion de réserve cognitive. Le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire pour éviter les lésions cérébrales vasculaires participe au maintien de cette « réserve » et de capacités de compensation.
Garder un cerveau en bonne forme, par une hygiène de vie appropriée et une activité physique régulière, permet vraisemblablement de mieux s’armer contre la survenue de la maladie de Parkinson et des maladies neurodégénératives en général et ainsi en retarder tant le moment de leur expression symptomatique que leur évolution vers des complications difficiles à gérer.
Vers de nouvelles pistes thérapeutiques ?
Les traitements actuels, médicamenteux et chirurgicaux (neurostimulation cérébrale), sont symptomatiques. Ils visent à corriger le déficit en dopamine cérébrale ou ses conséquences. Ils sont efficaces sur la plupart des symptômes moteurs de la maladie, mais peuvent être source d’effets indésirables. Ils ne jouent cependant pas sur l’évolution de la maladie et en particulier sur sa diffusion à des systèmes non dopaminergiques.
Une meilleure compréhension des mécanismes à l’origine de la maladie permettra d’améliorer les traitements actuels. L’identification plus précise de facteurs prédictifs d’évolution, de réponse au traitement en termes d’efficacité comme de développement d’effets indésirables permettra d’amplifier la personnalisation de l’approche thérapeutique dans les années à venir. Le soutien à la recherche est donc déterminant. Parmi les nouveaux traitements, l’immunothérapie est une des pistes encourageantes à moyens termes. Le principe est de tenter par l’administration d’anticorps monoclonaux d’éliminer les dépôts anormaux d’alphasynucléine dans le cerveau[16].
La thérapie cellulaire, même si elle fait souvent les grands titres de la presse est probablement encore loin d’être une solution. Difficile en effet de reconstruire par la simple administration de cellules dopaminergiques ou de cellules souches un système à dopamine qui s’est mis en place sur de nombreux mois par le jeu d’une interaction complexe avec de multiples systèmes nerveux et gliaux lors de la vie fœtale et de la petite enfance.
En conclusion
Les facteurs à l’origine de la survenue d’une maladie de Parkinson restent encore inconnus dans la grande majorité des cas. L’identification des mutations génétiques en cause surtout et de certains facteurs environnementaux comme le MPTP a permis de progresser dans la compréhension des mécanismes à l’origine des lésions des cellules à dopamine. Certains de ces mécanismes sont probablement communs à un grand nombre de patients, quelle que soit la cause à l’origine de leur déclenchement. Agir sur ces mécanismes pourrait ainsi permettre dans le futur de ralentir l’évolution de la maladie.
Pr Philippe Damier
Neurologue, CHU Nantes
Président du Comité scientifique sciences médicales, cliniques de France Parkinson
Bibliographie :
[1] Santé Publique France Bulletin épidémiologique hebdomadaire N° 8 – 9, 10 avril 2018. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2018/8- 9/pdf/2018_8‑9.pdf
[2] Kalia LV, Lang AE. Parkinson’s disease. Lancet 2015 ; 386:896 – 912.
[3] Wong YC, Krainc D. ‑synuclein toxicity in neurodegeneration : mechanism and therapeutic strategies. Nat Med 201 ; 23:1 – 13.
[4] Brundin P, Melki R. Prying into the Prion Hypothesis for Parkinson’s Disease. Neurosci 2017 ; 37:980818.
[5] Surmeier DJ, Obeso JA, Halliday GM. Parkinson’s Disease Is Not Simply a Prion Disorder. J Neurosci. 2017 Oct 11;37(41):9799 – 9807
[6] Puschmann A. Monogenic Parkinson’s disease and parkinsonism : clinical phenotypes and frequencies of known mutations. Parkinsonism Relate Discord 2013 ; 19:407 – 15.
[7] O’Regan G, de Souza RM, Balestrino R, Schapira AH. Glucocerebrosidase Mutations in Parkinson disease. J Parkinson Dis 2017 ; 7:411 – 22.
[8] Snyder SH, D’Amato RJ. MPTP : a neurotoxin relevant to the pathophysiology of Parkinson’s disease. The 1985George C. Cotzias lecture. Neurology 1986 ; 36:250 – 8.
[9] Ascherio A, Schwarzschild MA. The epidemiology of Parkinson’s disease : risk factors and prevention. Lancet Neurol 2016 ; 15:1257 – 72.
[10] Elbaz A, Clavel J, Rathouz PJ, Moisan F, Galanaud JP, Delemotte B, Alpérovitch A, Tzourio C. Professional exposure to pesticides and Parkinson disease. Ann Neurol 2009 ; 66:494 – 504.
[11] Betarbet R, Sherer TB, Mac Kenzie G, Garcia-Osuna M, Panov AV, Greenamyre JT. Chronic systemic pesticide exposure reproduces features of Parkinson’s disease. Nat Neurosci 2000 ; 3:1301 – 6.
Transmis par Dominique Bonne
Pas encore de Commentaires Cliquer ici pour laisser un commentaire
Laisser un commentaire
Flux RSS des commentaires de cet article. Rétrolien URI
Propulsé par WordPress et le thème GimpStyle créé par Horacio Bella. Traduction (niss.fr).
Flux RSS des Articles et des commentaires.
Valide XHTML et CSS.