Ne pas être qu'un "patient" ...

Vélo et Parkinson

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°53

La mala­die de Parkin­son est une mala­die neuro­lo­gique dégé­né­ra­tive, qui affecte le système nerveux central avec un déséqui­libre neuro­mo­teur qui évolue irré­mé­dia­ble­ment. Mais il serait possible de ralen­tir, voire même de conser­ver l’essentiel de son poten­tiel physique, par des exer­cices « équi­li­brés » et parfai­te­ment « symé­triques ». Pour se main­te­nir, le parkin­so­nien peut être invité à « faire du vélo », aussi bien en plein air qu’en appar­te­ment. Afin de l’en­cou­ra­ger avant l’ef­fort, nous allons essayer de répondre aux deux ques­tions suivantes : 

  • Quels sont les bien­faits de la pratique du vélo sur les troubles parkinsoniens ?
  • Un parkin­so­nien est il capable de faire du vélo à l’ex­té­rieur en toute sécurité ?

Les bien­faits de la pratique du vélo
Beau­coup d’études ont été menées dans ce domaine, en parti­cu­lier celles du profes­seur Jay L. Alberts de la Cleve­land Clinic Lerner Research (Ohio USA). Ces études ont été faites en labo­ra­toire, en utili­sant des vélos d’ap­par­te­ments spéciaux, les VAE (Vélos à Assis­tance Elec­trique). Ces vélos sont équi­pés d’un moteur élec­trique qui aide le patient à main­te­nir un rythme de péda­lage de 90 tours par minute, pas foudroyant certes, mais suffi­sant pour rendre l’exercice effi­cace. C’est en 2003 que le Dr Alberts, spécia­lisé dans la recherche biomé­di­cale, a décou­vert que les patients parkin­son pouvaient profi­ter de cette forme d’exer­cice forcé. 

Par un pur hasard, il prit en stop sur son tandem une amie atteinte de la mala­die de Parkin­son. Grâce au tandem et à l’aide du Dr Alberts, cette patiente réus­sit à péda­ler et à parti­ci­per à la prome­nade. Quelques jours plus tard, le Dr Alberts remar­qua une lettre manus­crite que cette patiente avait parfai­te­ment écrite, alors que les parkin­so­niens souffrent souvent de micro­gra­phie (c’est-​à-​dire que leur écri­ture est anor­ma­le­ment petite et en pattes de mouches). « Cette semaine, je n’ai pas senti que j’avais le Parkin­son », lui expliqua-​t-​elle. L’ex­pé­rience se répéta en 2005 avec un autre ami Parkin­so­nien, qui parvint parfai­te­ment à rete­nir ses mains de trem­bler pendant quatre heures après la prome­nade à vélo. 

Le Dr Alberts a fait une première étude, dont les résul­tats ont été publiés en 2008 dans le jour­nal scien­ti­fique Neuro­re­ha­bi­li­ta­tion and Neural Repair. L’étude a montré que les malades de Parkin­son ayant prati­qué des exer­cices forcés pendant huit semaines, à un niveau supé­rieur de 30% à celui qu’ils étaient capables de prati­quer, ont ressenti une amélio­ra­tion de 35% de leurs trem­ble­ments, de leurs diffi­cul­tés à marcher et des autres symp­tômes de la mala­die. Cette amélio­ra­tion s’est par ailleurs main­te­nue quatre semaines après la fin des exer­cices forcés. « Il semble que l’ac­ti­vité physique soit un véri­table remède », affirme le Dr Alberts, qui étend son expé­rience à une centaine de volon­taires parkinsoniens. 

Les patients, selon lui, ont éprouvé une nette amélio­ra­tion de leurs trem­ble­ments et leurs diffi­cul­tés à la marche ont été dimi­nuées. Les cher­cheurs se sont appuyés, avant et après les périodes d’exercices, sur l’analyse par IRM de la connec­ti­vité fonc­tion­nelle du cerveau. Cette tech­nique permet de visua­li­ser les aires céré­brales actives, et les connexions qui s’établissent entre elles. Prin­ci­pale consta­ta­tion des auteurs : « une augmen­ta­tion de la connec­ti­vité entre les régions du thala­mus et du cortex ». Ces deux zones céré­brales, on le sait, jouent un rôle impor­tant dans le contrôle et l’exécution des mouve­ments. L’exercice physique n’est pas seule­ment impor­tant sur le plan moteur. Il redonne de la moti­va­tion aux patients, et joue un rôle capi­tal dans la lutte contre le décou­ra­ge­ment, l’abattement, voire les mani­fes­ta­tions dépres­sives qui accom­pagnent souvent la mala­die de Parkin­son. Voici un exemple d’un exer­cice de 30 minutes : 

  • 30s à 30t/​mn
  • 1mn à 50t/​mn
  • 2 mn à 70t/​mn
  • 23 mn à 90 t/​mn
  • 2 mn à 70t/​mn
  • 1mn à 50t/​mn
  • 30s à 30t/​mn

Free­zing et pratique du vélo

Le free­zing de la marche est un symp­tôme fréquent chez les personnes atteintes de la mala­die de Parkin­son. Il impacte sérieu­se­ment les acti­vi­tés quoti­diennes, car il ne répond pas bien aux trai­te­ments dispo­nibles tels que la Lévo­dopa. Il parait évident à beau­coup qu’un parkin­so­nien qui est sujet au free­zing est inca­pable de faire du vélo. Et pourtant ! 

Anke H. Snij­ders et Bas Bloem cher­cheurs au Centre médi­cal Nijme­gen de l’uni­ver­sité Radboud (aux Pays Bas) rapportent, depuis 2 ans, l’éton­nante préser­va­tion, chez certaines personnes atteintes de Parkin­son, de la capa­cité à faire du vélo. Éton­nante, tant on sait que la mala­die affecte l’équi­libre, les actes moteurs volon­taires et la coor­di­na­tion motrice, autant de fonc­tions néces­saires à la pratique du vélo ! 

Un premier cas soumis aux deux cher­cheurs, a été rapporté par Snij­ders en 2010 dans le New England Jour­nal of Medi­cine, et illus­tré par des vidéos.
La première vidéo réali­sée à l’hô­pi­tal montre en effet le patient trem­blant et à peine capable de faire quelques pas avant de perdre l’équi­libre dans les couloirs de l’hô­pi­tal (http://www.youtube.com/watch?v=aaY3gz5tJSk). Une seconde vidéo le montre à son aise sur un vélo sur le parking de l’hô­pi­tal comme si de rien n’était. Mais dès qu’il saute du vélo, les trem­ble­ments reprennent et il oublie comment marcher.
Ce patient de 58 ans présente un free­zing de la marche impor­tant. La marche est quasi impos­sible chez lui avec néces­sité d’aides pour placer un pied devant l’autre et inca­pa­cité à effec­tuer un demi-​tour. Après quelques pas, le patient perd l’équi­libre et réclame son fauteuil. La première partie de la vidéo montre à quel point la marche est diffi­cile ; mais, beau­coup plus spec­ta­cu­laire, la seconde partie montre ce même patient capable de rouler à vélo seul, sans aucune perte d’équi­libre, maitri­sant parfai­te­ment le demi-tour. 

Le Profes­seur Bas Bloem ne s’at­ten­dait vrai­ment pas à faire la décou­verte suivante : malgré leurs sérieux troubles de la marche, les personnes atteintes de la mala­die de Parkin­son peuvent faire du vélo ou pati­ner. Les scien­ti­fiques pensent que ce phéno­mène est lié à la façon dont le cerveau stocke les diffé­rentes formes de mémoire. Cette décou­verte permet aux malades de Parkin­son de conti­nuer à faire des acti­vi­tés physiques pour préser­ver leur santé.
Le Profes­seur Bas Bloem pensait avoir tout vu après s’être occupé de patients atteints de la mala­die de Parkin­son pendant des années. Jusqu’à ce qu’il rencontre cet homme de 58 ans, inca­pable de marcher, mais pouvant faire du vélo ! « Il souffre de free­zing de la marche, ce senti­ment étrange qu’ont les malades de Parkin­son d’avoir les pieds collés au sol », explique le scien­ti­fique. Et d’ajou­ter : « Cet homme m’a raconté qu’il avait récem­ment fait quelques 50 miles en vélo et qu’il prati­quait ce sport de façon régu­lière. Je lui ai objecté qu’il savait bien que c’était impos­sible et qu’il ne pouvait pas faire du vélo en raison de son Parkinson. »
Le Profes­seur Bloem a inter­rogé 20 autres patients à un stade avancé de la mala­die de Parkin­son et tous ont affirmé être capables de faire du vélo. Il semble­rait que le programme moteur respon­sable des mouve­ments pour faire du vélo soit stocké dans une partie diffé­rente du cerveau que celui de la marche. « A moins que, lors­qu’ils font du vélo, les patients parviennent à explo­rer d’autres parties de leur cerveau qui ne sont pas encore atteintes par la mala­die de Parkin­son » Le Profes­seur Bloem suggère que les patients parkin­so­niens conti­nuent à faire du sport grâce au vélo. « Nous savons que la séden­ta­rité due à la mala­die provoque des problèmes physiques. 

Non seule­ment ils sont privés de rela­tions sociales, mais en plus ils ont des risques cardio­vas­cu­laires », explique-t-il. 

Du monde entier, des méde­cins ont écrit au Profes­seur Bloem pour lui faire part de cas simi­laires. Une Cana­dienne affirme que sa mère Parkin­so­nienne ne peut marcher, mais fait du patin à glace à merveille. Le Profes­seur Bloem espère que cette décou­verte pourra être utili­sée pour ralen­tir l’évo­lu­tion de la mala­die de Parkin­son grâce à des exer­cices physiques adaptés. 

En atten­dant le scien­ti­fique a entre­pris des tests cliniques. Toutes ces études méritent d’être vali­dées par des expé­riences locales avec un vélo à assis­tance élec­trique. En atten­dant, un programme sur un vélo d’ap­par­te­ment clas­sique avec un rythme de 90 tours/​mn soit envi­ron 30 kms permet­tra de main­te­nir un tonus musculaire. 

En conclu­sion à ces diffé­rentes études : 

  • Faire du vélo est béné­fique pour le Parkin­so­nien, surtout s’il est prati­qué sur un vélo à assis­tance élec­trique (VAE), selon un programme d’exercice forcé
  • Faire du vélo en exté­rieur parait possible pour un Parkin­so­nien atteint de free­zing de la marche, bien entendu avec prudence. 

Rédigé par Maurice Jestin
Trans­mis par Jean Pierre Laga­dec


1 Commentaire Cliquer ici pour laisser un commentaire

  1. la pratique du vélo est-​elle aussi effi­cace chez les patients parkin­so­niens n’ayant pas de trem­ble­ments et ne souf­frant pas de problèmes de « free­zing » que chez un patient atteint d’une mala­die de parkin­son typique. Merci de m’ap­por­ter une réponse à mon questionnement.

    Commentaire by FAYOLLE — 1 septembre 2013 #

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