Congrès International sur les troubles addictifs
Publié le 16 octobre 2015 à 08:29Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°62
Congrès International sur les troubles addictifs
18 avril 2015 Faculté de Pharmacie de Nantes
Maladie de Parkinson et addictions comportementales : quels liens ?
Responsable : Le docteur Marie Grall-Bronec, psychiatre-addictologue,
Investigateur principal de l’étude PARKADD.
Le Professeur Derkinderen du CHU de Nantes, présente une synthèse de la maladie de Parkinson : il s’agit d’une maladie du mouvement provoquant raideurs et difficultés à faire des gestes alternatifs et des tremblements incontrôlables. Ce sont des neurones de la Substance Noire (le Locus Niger) qui entraîne également des pertes de mémoire et sur lesquels on décèle la présence de « corps de Loewy ».
La stratégie de soin consiste à remplacer la dopamine manquante par un précurseur : la L‑Dopa. Des médicaments, pour remplacer la dopamine manquante, peuvent être utilisés : le Stalevo, le Modopar, le Sinemet… Mais des problèmes surgissent : des dyskinésies et des fluctuations importantes. Alors, pour éviter l’arrivée trop rapide de ces inconvénients, ils sont souvent précédés d’agonistes dopaminergiques : Requip, Sifrol, Trivastal, Neuropro, Parlodel. Ceux-ci, à leur tour, provoquent des effets gênants : beaucoup plus de confusions, et des troubles du comportement et tout particulièrement des pertes de contrôle des pulsions (sexuelles, rapport à l’argent, jeux de hasard…), ainsi que des mouvements involontaires.
Il semblerait plus judicieux de promulguer directement, sans passer par la case « agonistes », la L‑dopa pour les malades plus de 70 ans.
Le Docteur Caroline Victorri-Vigneau, pharmacologue au CHU de Nantes dans l’équipe du Pr. Derkinderen, rappelle que toutes ces ingestions de médicaments ont pour but d’aider la neurotransmission : la dopamine sert à plusieurs choses ; dans ce qui nous intéresse, la maladie de Parkinson, elle aide au passage de l’influx nerveux d’un neurone à l’autre. Plusieurs systèmes coexistent dans notre cerveau et ils utilisent les mêmes éléments pour fonctionner :
- Le système Nigrostrié, situé dans le noyau gris : trop stimulé, il provoque des dyskinésies ; pas assez des blocages et des tremblements ;
- Le système méso-limbique : trop stimulé, il provoque des hallucinations et des effets schizophréniques ;
- Le système vasodilatateur : mal contrôlé, il peut provoquer de l’hypotension.
De même, la dopamine initie l’acétylcholine régulée par les anticholinergiques (IMAO et COMT). Les agonistes sont impliqués dans ce processus et tout particulièrement le Sifrol. Cela impose donc une médication individuelle propre à chaque patient.
L’Apokinon est un agoniste intermédiaire qui protège de certains effets secondaires mais qui doit être mis à part du fait de ces effets quasi instantanés. De même, les Benzodiazépines, utilisés également dans le cas de maladie d’Alzheimer, peuvent entraîner une dépendance (addiction) au médicament, dont on parle peu. C’est pourtant un risque certain de surconsommation médicamenteuse qui se rapproche d’une réelle addiction !
Le Docteur Ingrid de Chazeron, ingénieur hospitalier et docteur en neurosciences au CHU de Clermont Ferrand, évoque l’objet de son activité : les troubles de comportement alimentaires (boulimie, anorexie), les troubles atypiques ou BED (Binge Exciting Disorder, les beuveries de fin de semaine), les addictions à des produits ou les addictions comportementales rapportés ici dans la maladie de Parkinson et provoqué par certains agonistes dopaminergiques. Il s’agit d’un même processus : lorsque l’on veut mieux réguler le traitement, on retrouve les phénomènes de « sevrage » et de récompenses liés au traitement chimique.
Il lui semble important de rapprocher les recherches par leur côté très semblable. Ainsi le BED peut aider à diagnostiquer chez le parkinsonien le début d’une addiction médicamenteuse ou d’un comportement inapproprié.
Le Docteur Anne Sauvaget, psychiatre au CHU de Nantes, souligne l’importance de dépister les troubles addictifs avant l’indication de la stimulation SCP (Stimulation Cérébrale Profonde), avec une électrode introduite au niveau du noyau sous thalamique.
La SCP consiste en l’implantation d’électrodes dans des structures cérébrales profondes (par exemple, les noyaux subthalamiques). Les effets psychologiques de la SCP ne sont pas encore bien connus, et sont influencés par d’autres facteurs (état psychologique et cognitif avant l’opération, paramètres de stimulation, traitements médicamenteux associés…). Les principaux effets psychologique de la SCP sont : l’apathie, le manque de motivation, les conduites suicidaires, des modifications (soit dans le sens d’une amélioration, soit dans le sens d’une aggravation) de la mémoire verbale, de la fluence verbale, de l’humeur (soit dépression, soit exaltation de l’humeur), des traits de personnalité (par exemple, l’impulsivité), des conduites addictives.
La SCP va-t-elle diminuer ou au contraire augmenter les comportements addictifs ?
Les conduites addictives concernées sont surtout : le jeu pathologique, les addictions sexuelles et l’hypersexualité, les achats compulsifs, le hobbying, les troubles du comportement alimentaire, le syndrome de dysrégulation dopaminergique et le punding. Cela dépend pour beaucoup de facteurs de risque individuels (psychologiques, sociaux par exemple), familiaux (antécédents familiaux par exemple), et des traitements associés (surtout les agonistes dopaminergiques). C’est pour cette raison que l’évaluation psychiatrique avant la SCP est très importante, pour évaluer les facteurs de risque, informer le patient et son entourage, et aborder les possibilités de traitement qui sont
- l’adaptation des médicaments antiparkinsoniens et des paramètres de stimulation
- l’indication si nécessaire de médicaments supplémentaires (ex : la Clozapine)
- Une prise en charge psychothérapique individuelle ou de groupe.
Il est important de rappeler que chaque situation est unique, et nécessite un bilan approfondi.
En pratique, l’accueil à l’hôpital du malade comporte :
- Dépistage des addictions (comportementales et aux substances)
- Evaluation de l’humeur, des émotions, de l’impulsivité
- Evaluation des traitements pris par le patient (prescrits par le médecin traitant, le neurologue ou le psychiatre)
Enfin, signalons que la démence parkinsonienne arrive quand l’évolution de la maladie a été longue. Il faut souvent adapter les psychotropes. Il apparaît nécessaire de mettre en œuvre un suivi psychologique pour soutenir le patient et sa famille.
Présentation de l’étude PARKADD par le Docteur Marie Grall-Bronnec, psychiatre-addictologue : Il s’agit d’évaluer les liens existant entre la maladie de Parkinson et des TCI (Troubles du Contrôle des impulsions). Cela concerne jusqu’à 13.6% des patients.
Pour certains patients, on voit en effet apparaitre lors de la prise du traitement par agonistes dopaminergiques des difficultés à contrôler certains comportements comme la sexualité, l’alimentation, les achats, la pratiques des jeux de hasard et d’argent. On peut observer dans certains cas en plus un Syndrome de Dysrégulation Dopaminergique, qui se manifeste le plus souvent par la prise excessive du médicament, au-delà des quantités prescrites par le médecin, dans le but d’éprouver des effets stimulants et un mieux-être.
Objectif : comprendre qu’une minorité de patients, et pas tous, développent ce type d’effets indésirables lors de la prise des agonistes dopaminergiques, en explorant trois axes : Psychopathologique, Neurologique et Pharmacocinétique.
Nous espérons pouvoir développer un modèle prédictif permettent de repérer les patients qui risque de développer ce type de complications, afin d’adapter la prise en charge thérapeutique et la surveillance.
Le CHU recherche pour cette étude, des patients atteints de la maladie de Parkinson et soignés par un seul traitement, le Pramipexole (Sifrol®), depuis au moins six mois. Contact : 02 53 48 26 48 ou mail : parkadd@chu-nantes.fr
Relu et corrigé par les intervenants
Rédigé par Jean Graveleau
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