Ne pas être qu'un "patient" ...

Congrès International sur les troubles addictifs

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°62

Congrès Inter­na­tio­nal sur les troubles addictifs
18 avril 2015 Faculté de Phar­ma­cie de Nantes

Mala­die de Parkin­son et addic­tions compor­te­men­tales : quels liens ?
Respon­sable : Le docteur Marie Grall-​Bronec, psychiatre-addictologue,
Inves­ti­ga­teur prin­ci­pal de l’étude PARKADD. 

Le Profes­seur Derkin­de­ren du CHU de Nantes, présente une synthèse de la mala­die de Parkin­son : il s’agit d’une mala­die du mouve­ment provo­quant raideurs et diffi­cul­tés à faire des gestes alter­na­tifs et des trem­ble­ments incon­trô­lables. Ce sont des neurones de la Substance Noire (le Locus Niger) qui entraîne égale­ment des pertes de mémoire et sur lesquels on décèle la présence de « corps de Loewy ». 

La stra­té­gie de soin consiste à rempla­cer la dopa­mine manquante par un précur­seur : la L‑Dopa. Des médi­ca­ments, pour rempla­cer la dopa­mine manquante, peuvent être utili­sés : le Stalevo, le Modo­par, le Sine­met… Mais des problèmes surgissent : des dyski­né­sies et des fluc­tua­tions impor­tantes. Alors, pour éviter l’arrivée trop rapide de ces incon­vé­nients, ils sont souvent précé­dés d’agonistes dopa­mi­ner­giques : Requip, Sifrol, Trivas­tal, Neuro­pro, Parlo­del. Ceux-​ci, à leur tour, provoquent des effets gênants : beau­coup plus de confu­sions, et des troubles du compor­te­ment et tout parti­cu­liè­re­ment des pertes de contrôle des pulsions (sexuelles, rapport à l’argent, jeux de hasard…), ainsi que des mouve­ments involontaires.

Il semble­rait plus judi­cieux de promul­guer direc­te­ment, sans passer par la case «  agonistes  », la L‑dopa pour les malades plus de 70 ans.

Le Docteur Caro­line Victorri-​Vigneau, phar­ma­co­logue au CHU de Nantes dans l’équipe du Pr. Derkin­de­ren, rappelle que toutes ces inges­tions de médi­ca­ments ont pour but d’aider la neuro­trans­mis­sion : la dopa­mine sert à plusieurs choses ; dans ce qui nous inté­resse, la mala­die de Parkin­son, elle aide au passage de l’influx nerveux d’un neurone à l’autre. Plusieurs systèmes coexistent dans notre cerveau et ils utilisent les mêmes éléments pour fonctionner :

  • Le système Nigros­trié, situé dans le noyau gris : trop stimulé, il provoque des dyski­né­sies ; pas assez des blocages et des tremblements ;
  • Le système méso-​limbique : trop stimulé, il provoque des hallu­ci­na­tions et des effets schizophréniques ;
  • Le système vaso­di­la­ta­teur : mal contrôlé, il peut provo­quer de l’hypotension.

De même, la dopa­mine initie l’acétylcholine régu­lée par les anti­cho­li­ner­giques (IMAO et COMT). Les agonistes sont impli­qués dans ce proces­sus et tout parti­cu­liè­re­ment le Sifrol. Cela impose donc une médi­ca­tion indi­vi­duelle propre à chaque patient.

L’Apokinon est un agoniste inter­mé­diaire qui protège de certains effets secon­daires mais qui doit être mis à part du fait de ces effets quasi instan­ta­nés. De même, les Benzo­dia­zé­pines, utili­sés égale­ment dans le cas de mala­die d’Alzheimer, peuvent entraî­ner une dépen­dance (addic­tion) au médi­ca­ment, dont on parle peu. C’est pour­tant un risque certain de surcon­som­ma­tion médi­ca­men­teuse qui se rapproche d’une réelle addiction !

Le Docteur Ingrid de Chaze­ron, ingé­nieur hospi­ta­lier et docteur en neuros­ciences au CHU de Cler­mont Ferrand, évoque l’objet de son acti­vité : les troubles de compor­te­ment alimen­taires (bouli­mie, anorexie), les troubles atypiques ou BED (Binge Exci­ting Disor­der, les beuve­ries de fin de semaine), les addic­tions à des produits ou les addic­tions compor­te­men­tales rappor­tés ici dans la mala­die de Parkin­son et provo­qué par certains agonistes dopa­mi­ner­giques. Il s’agit d’un même proces­sus : lorsque l’on veut mieux régu­ler le trai­te­ment, on retrouve les phéno­mènes de « sevrage » et de récom­penses liés au trai­te­ment chimique.

Il lui semble impor­tant de rappro­cher les recherches par leur côté très semblable. Ainsi le BED peut aider à diag­nos­ti­quer chez le parkin­so­nien le début d’une addic­tion médi­ca­men­teuse ou d’un compor­te­ment inapproprié. 

Le Docteur Anne Sauva­get, psychiatre au CHU de Nantes, souligne l’importance de dépis­ter les troubles addic­tifs avant l’indication de la stimu­la­tion SCP (Stimu­la­tion Céré­brale Profonde), avec une élec­trode intro­duite au niveau du noyau sous thalamique.

La SCP consiste en l’implantation d’électrodes dans des struc­tures céré­brales profondes (par exemple, les noyaux subtha­la­miques). Les effets psycho­lo­giques de la SCP ne sont pas encore bien connus, et sont influen­cés par d’autres facteurs (état psycho­lo­gique et cogni­tif avant l’opération, para­mètres de stimu­la­tion, trai­te­ments médi­ca­men­teux asso­ciés…). Les prin­ci­paux effets psycho­lo­gique de la SCP sont : l’apathie, le manque de moti­va­tion, les conduites suici­daires, des modi­fi­ca­tions (soit dans le sens d’une amélio­ra­tion, soit dans le sens d’une aggra­va­tion) de la mémoire verbale, de la fluence verbale, de l’humeur (soit dépres­sion, soit exal­ta­tion de l’humeur), des traits de person­na­lité (par exemple, l’impulsivité), des conduites addictives.

La SCP va-​t-​elle dimi­nuer ou au contraire augmen­ter les compor­te­ments addictifs ?

Les conduites addic­tives concer­nées sont surtout : le jeu patho­lo­gique, les addic­tions sexuelles et l’hypersexualité, les achats compul­sifs, le hobbying, les troubles du compor­te­ment alimen­taire, le syndrome de dysré­gu­la­tion dopa­mi­ner­gique et le punding. Cela dépend pour beau­coup de facteurs de risque indi­vi­duels (psycho­lo­giques, sociaux par exemple), fami­liaux (anté­cé­dents fami­liaux par exemple), et des trai­te­ments asso­ciés (surtout les agonistes dopa­mi­ner­giques). C’est pour cette raison que l’évaluation psychia­trique avant la SCP est très impor­tante, pour évaluer les facteurs de risque, infor­mer le patient et son entou­rage, et abor­der les possi­bi­li­tés de trai­te­ment qui sont 

  1. l’adaptation des médi­ca­ments anti­par­kin­so­niens et des para­mètres de stimulation
  2. l’indication si néces­saire de médi­ca­ments supplé­men­taires (ex : la Clozapine)
  3. Une prise en charge psycho­thé­ra­pique indi­vi­duelle ou de groupe.

Il est impor­tant de rappe­ler que chaque situa­tion est unique, et néces­site un bilan approfondi.

En pratique, l’accueil à l’hôpital du malade comporte :

  • Dépis­tage des addic­tions (compor­te­men­tales et aux substances)
  • Evalua­tion de l’humeur, des émotions, de l’impulsivité
  • Evalua­tion des trai­te­ments pris par le patient (pres­crits par le méde­cin trai­tant, le neuro­logue ou le psychiatre)

Enfin, signa­lons que la démence parkin­so­nienne arrive quand l’évolution de la mala­die a été longue. Il faut souvent adap­ter les psycho­tropes. Il appa­raît néces­saire de mettre en œuvre un suivi psycho­lo­gique pour soute­nir le patient et sa famille.

Présen­ta­tion de l’étude PARKADD par le Docteur Marie Grall-​Bronnec, psychiatre-​addictologue : Il s’agit d’évaluer les liens exis­tant entre la mala­die de Parkin­son et des TCI (Troubles du Contrôle des impul­sions). Cela concerne jusqu’à 13.6% des patients.

Pour certains patients, on voit en effet appa­raitre lors de la prise du trai­te­ment par agonistes dopa­mi­ner­giques des diffi­cul­tés à contrô­ler certains compor­te­ments comme la sexua­lité, l’ali­men­ta­tion, les achats, la pratiques des jeux de hasard et d’argent. On peut obser­ver dans certains cas en plus un Syndrome de Dysré­gu­la­tion Dopa­mi­ner­gique, qui se mani­feste le plus souvent par la prise exces­sive du médi­ca­ment, au-​delà des quan­ti­tés pres­crites par le méde­cin, dans le but d’éprou­ver des effets stimu­lants et un mieux-être.

Objec­tif : comprendre qu’une mino­rité de patients, et pas tous, déve­loppent ce type d’ef­fets indé­si­rables lors de la prise des agonistes dopa­mi­ner­giques, en explo­rant trois axes : Psycho­pa­tho­lo­gique, Neuro­lo­gique et Pharmacocinétique.
Nous espé­rons pouvoir déve­lop­per un modèle prédic­tif permettent de repé­rer les patients qui risque de déve­lop­per ce type de compli­ca­tions, afin d’adap­ter la prise en charge théra­peu­tique et la surveillance.

Le CHU recherche pour cette étude, des patients atteints de la mala­die de Parkin­son et soignés par un seul trai­te­ment, le Prami­pexole (Sifrol®), depuis au moins six mois. Contact : 02 53 48 26 48 ou mail : parkadd@chu-nantes.fr

Relu et corrigé par les intervenants
Rédigé par Jean Grave­leau

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