Aidés et Aidants : le point de vue d’Yves Gicquel
Publié le 26 octobre 2015 à 08:44Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°62
Malgré l’ancienneté de sa découverte, la Maladie de Parkinson est encore mal connue. Lorsqu’elle survient, le patient, sa famille et ses proches savent encore peu de choses du chemin long et tortueux qu’ils vont découvrir et vivre ensemble. Notre souci est de faire de la prévention dans un domaine peu « balayé » par les médias…
Une maladie difficile à comprendre
… Complexe
Parce qu’elle touche le système nerveux central, la Maladie de Parkinson est une maladie aux multiples facettes : troubles moteurs, de l’équilibre, fatigue à la marche, blocages, tremblements, maladresse, lenteur, mais aussi, troubles du sommeil, de l’humeur, déprime, difficultés de concentration ; et encore, troubles de la digestion, troubles urinaires, trouble de la déglutition, transpiration.
Plus les effets indésirables des traitements
… Fluctuante
Non seulement le traitement est compliqué, mais il faut constamment l’adapter. Il n’y a pas de règle générale. Chaque patient est un cas. Chaque jour, chaque heure sont différents, fluctuent selon les moments de la journée, les prises de médicament, l’activité mobile ou stationnaire, l’état de fatigue …
… Evolutive
D’abord insignifiante, peu à peu, elle s’impose à notre quotidien : écrire, boutonner un vêtement, s’asseoir, se lever, se retourner au lit, mais aussi compter sa monnaie, classer ses idées (comme pour écrire ce texte), tenir un raisonnement, deviennent autant d’épreuves.
… Besoin d’aide
Réussir sa consultation chez le médecin relève d’une prouesse. D’autant que les circonstances du cabinet diffèrent de la vie courante. Comment résumer les trois mois écoulés, discerner ce qui relève de la maladie, des effets indésirables du traitement, ou du vieillissement ? Patients et proches s’y perdent, tant pour respecter le traitement que pour en interpréter les effets.
De l’aide aux patients
La sphère d’autonomie
Pour chaque patient, le stade d’évolution de la maladie peut être caractérisé par sa sphère d’autonomie. Celle-ci rend compte des capacités de la personne dans les différents secteurs de troubles qu’occasionne la maladie. Cette sphère a une fâcheuse tendance à se rétrécir avec le temps.
Aide active :
Ces aides sont dites actives parce qu’elles s’exercent à l’intérieur de la sphère d’autonomie dont elles s’efforcent de repousser les limites afin de préserver son autonomie. A côté des médicaments qui agissent sur les symptômes, l’expérience a démontré qu’il est en effet possible de ralentir l’évolution de la maladie par des pratiques et exercices appropriés comme la gymnastique adaptée, le yoga, la balnéothérapie, l’orthophonie, la psychomotricité,… la participation à des groupes de paroles.
Une aide préventive
« Il vaut mieux tomber et bouger que de rester dans son fauteuil toute la journée […] Mais c’est encore mieux d’apprendre à tomber avant d’avoir fait une chute. » [EC]
Si chaque malade évolue différemment, voit les symptômes apparaître dans un ordre qui lui est propre, il est probable qu’un jour, tous rencontrent les mêmes difficultés. D’où l’intérêt de prévenir leur apparition par une démarche rééducative.
Prévenir l’oubli
D’un certain point de vue, on peut dire que la Maladie de Parkinson est une maladie de l’oubli. Cet oubli concerne les gestes et réflexes relevant de la partie dite « extrapyramidale » de notre système nerveux — les gestes fondamentaux que, depuis notre naissance, nous avions appris pour en faire des automatismes : s’asseoir, s’allonger, se lever, faire un pas, marcher, s’arrêter, repartir.
Plutôt que d’attendre que les difficultés soient là pour s’en préoccuper, il s’agit d’aider le patient à se préparer lui-même à leur venue. Parmi ces activités rééducatives, il y a celles qui s’adressent aux aspects les plus visibles de la maladie : la marche régulière, la gymnastique adaptée, la natation, le Qi Gong. Mais cette rééducation préventive peut aussi s’intéresser à nos capacités intellectuelles.
« Le cerveau est comme un muscle, il faut le maintenir, l’entraîner : faire des mots croisés, jouer, lire le journal, participer à des associations, écouter la radio ». [EC]
Aide passive
L’aide passive consiste à accompagner le patient dans les situations et gestes qu’il ne peut plus assumer seul : se lever le matin, s’habiller, faire des courses, préparer les repas, se coucher, entretenir un jardin, mais aussi d’assister la personne dans des actes et situations qui sollicitent les capacités intellectuelles, comme : faire des démarches administratives, consulter le médecin, veiller au respect des traitements, veiller à la personne. Dans ce contexte, il est aussi possible d’avoir recours à des aides matérielles (lit médicalisé, lève personne…)
Aider « juste »
L’évolution constante de la maladie, demande d’ajuster au mieux la frontière entre l’aide active et l’aide passive – cela afin de préserver au mieux l’autonomie de la personne. Aider de trop près (comme accompagner la personne conduisant sa voiture) peut s’avérer pesant pour la personne aidée qui peut s’en trouver perturbée. De même, trop anticiper sur l’évolution peut aussi accélérer la perte d’autonomie : à ne plus faire une chose, on finit par ne plus savoir la faire.
l’aide aux aidants familiaux
S’agissant de l’aide passive, dans la mesure où elle n’exige pas de capacités physiques trop importantes, celle-ci peut être assurée par les aidants familiaux. Pour les aides plus conséquentes ou qui requièrent un savoir faire, les mêmes aidants auront recours à des professionnels moyennant des conditions de prise en charge acceptables, lesquelles résultent en particulier de démarches associatives (cf. ci-après : l’entraide).
S’agissant des aides actives, il s’agit en général d’activités en groupes encadrés par des intervenants qualifiés. Ici, le rôle des aidants consiste à s’informer sur ce qui existe, et comme précédemment d’agir pour leur mise en place dans des conditions acceptables (action associative).
Aider ne s’improvise pas : Pour remplir son rôle, l’aidant a besoin d’être informé sur la maladie, pour situer son évolution et doser son aide. Il doit aussi savoir trouver sa place entre le patient et le corps médical… savoir quand il doit être associé aux démarches médicales (consultation, …). L’aidant doit aussi pouvoir s’accorder le répit indispensable pour se ressourcer physiquement et psychologiquement
Parmi les aides aux aidants, citons entre autres : l’édition de guides de l’aidant, la programmation de formations sur la maladie, de groupes de paroles pour permettre aux aidants de se conforter dans leur rôle, de comprendre ensemble les besoins des aidés, trouver ensemble le recul nécessaire pour surmonter les inévitables moments de découragement à la perspective d’une maladie longue à l’évolution inexorable
… sans oublier l’entraide
Mais l’aide aux aidés comme l’aide aux aidants existent par l’énergie de l’entraide née de la constitution en association des aidants comme des aidés.
Les associations sont par nature des lieux d’entraide. Chaque activité en groupe qu’elles organisent (gymnastique, Qi Gong, rencontres conviviales, …) sont des lieux d’échanges spontanés propices à libérer les imaginations, pour trouver les solutions les plus proches de nos préoccupations et aussi les plus économiques.
Les associations créent aussi l’indispensable rapport de force pour être entendues des décideurs dans leur démarches de mise en place des aides aux aidés comme aux aidants.
Cela requière pour l’aidant d’être coutumier des pratiques associatives et d’avoir une certaine connaissance sur l’organisation de la santé.
Il n’y a pas que la maladie à être compliquée
Parce que l’aide aux aidés détermine l’aide aux aidants, c’est un défit au bon sens que d’envisager la seconde avant ou sans la première – comme on nous l’impose aujourd’hui. Les groupes de parole aidés et aidants voient leur organisation perturbée par le fait que les financements des aides aux uns et aux autres relèvent d’interlocuteurs différents : que deviennent les aidés quand leurs aidants sont réunis.
Que d’énergie gaspillée ! En particulier, dans leur rôle de mise en place des aides, les associations s’épuisent à faire cadrer leurs besoins au regard des dispositions et priorités changeantes des organismes de financement. Elles consacrent ainsi une bonne part de leur énergie d’entraide, cela au détriment de leur mission qui se voient désorganisée et que les adhérents comprennent alors difficilement.
Bien que d’une année sur l’autre, les besoins restent quasiment les mêmes, il faut constamment se justifier. Plutôt que de s’épuiser dans un inutile parcours du combattant, les associations n’ont-elles pas mieux à faire que d’épouser la logique interne des organismes décideurs ? La multiplicité des interlocuteurs : CG, CNSA, CARSAT, CPAM,… multiplie d’autant les démarches aux modes d’emploi changeant – à chacun son cadre, ses critères, ses formulaires, son calendrier.
Vive le guichet unique ! En somme
[EC] : Eric Chevrier, kinésithérapeute CHU de Grenoble, 9/11/2012.
Rédigé par Yves Gicquel avec l’aide de J P Lagadec
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