Ne pas être qu'un "patient" ...

Lutter contre les périodes sombres

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDEPENDANT N°35 – décembre 2008

Par Johannes KORNACHER, Lu dans le « PARKINSON Suisse » N°88

Chez les Parkin­so­niens, le risque de dépres­sion est élevé. Elle a des origines chimiques et psychiques. S’il est aidé par le malade et son entou­rage, le méde­cin a les moyens de l’endiguer.

Une fois de plus, Heinz F. a l’impression de tout faire de travers. Aujourd’hui, au volant de sa voiture auto­ma­tique, il est entré en marche avant dans la porte de son garage, persuadé que la marche arrière était encore enclen­chée après un moment d’inattention. « C’est tout moi. Depuis que je souffre du Parkin­son, la guigne me colle aux basques », pense-​t-​il. Heinz F. a le senti­ment d’être respon­sable de tous ses malheurs. Il consi­dère sa mala­die comme une punition.

Tout le monde le contre­dit. Toute­fois Heinz F. ne souffre pas seule­ment du Parkin­son. Il est égale­ment dépres­sif. On ne peut rien lui dire ; actuel­le­ment, il vit dans ce que l’on appelle une spirale de pensées néga­tives. Le prin­cipe est le suivant : le Parkin­so­nien pense par exemple : « Je ne peux plus rien faire correc­te­ment », puis : « Je préfère ne pas essayer » et enfin conclut en consta­tant son échec : « Rien ne va plus ». Ces derniers mois, Heinz F. s’est empê­tré de plus en plus dans une spirale de pensées néga­tives. Chez le méde­cin, il se ressai­sit, mais la remarque suivante lui échappe cepen­dant : « Je fais tout de travers ».

Souvent, comme c’est le cas pour Heinz F., les dépres­sions accom­pa­gnant la mala­die de parkin­son sont d’origine psycho­réac­tive. Il s’agit de réac­tion à la mala­die. Par exemple, alors que les handi­caps physiques altèrent la qualité de vie : « on veut conti­nuer à tout faire comme avant », indique Joachim Kohler, ancien neuro­logue. « En réalité, on n’accepte pas la mala­die ». La dépres­sion remplace la colère, la rage ou la tris­tesse. Souvent on mini­mise le Parkin­son dès la phase de démar­rage. On met en doute la gravité de la nouvelle situa­tion et on refuse toute aide. Les spécia­listes rapportent qu’au cours de cette phase, cinq pour cent tout au plus des Parkin­so­niens acceptent une aide psycho­lo­gique. Cepen­dant, ils doivent assi­mi­ler un point capi­tal : la perte de leur ancien mode de vie.

Près de la moitié des Parkin­so­niens déve­loppent une dépres­sion. Il ne s’agit d’une réac­tion émotion­nelle à la mala­die que pour une partie d’entre eux. Souvent, les symp­tômes dépres­sifs accom­pa­gnant le Parkin­son se mani­festent par un déséqui­libre de diffé­rents messa­gers chimiques et par la dégé­né­res­cence des liai­sons nerveuses dans le cerveau. Les dépres­sions préexistent fréquem­ment à l’apparition des premiers symp­tômes visibles du Parkin­son. Les méde­cins le savent depuis longtemps. 

Cepen­dant, ces derniers temps, on prête davan­tage atten­tion aux dépres­sions. « Aupa­ra­vant, les problèmes moteurs figu­raient au premier plan », déclare le neuro­logue Stephan Hägele, méde­cin à l’hôpital canto­nal de Saint-​Gall. L’objectif théra­peu­tique prin­ci­pal consis­tait à éviter les fluc­tua­tions des perfor­mances motrices et les dyski­né­sies. « Aujourd’hui, nous savons que les symp­tômes non moteurs tels que la dépres­sion jouent un rôle encore plus impor­tant pour la qualité de la vie ». Entre-​temps, les dépres­sions accom­pa­gnant la mala­die de Parkin­son ont fait l’objet de recherches et l’on dispose désor­mais de davan­tage de conclu­sions certaines, qui sont inté­grées au trai­te­ment. Le thème de la dépres­sion était-​il négligé ? « Souvent, on ne l’a pas discer­née car de nombreux symp­tômes visibles du Parkin­son sont iden­tiques à ceux de la dépres­sion, comme par exemple l’expression du visage et le ralen­tis­se­ment », explique le docteur Hägele. Par ailleurs, les patients informent rare­ment leur méde­cin de leur état émotion­nel. Si celui-​ci ne pose pas de ques­tions ciblées, la dépres­sion peut passer inaperçue.

Le dialogue avec le méde­cin est déci­sif pour le diag­nos­tic et le trai­te­ment. Il en va de même pour le parte­naire et pour les proches. Ils peuvent faire part au méde­cin de leurs obser­va­tions et de leurs expé­riences, notam­ment d’un récent chan­ge­ment de l’expression du visage ou de certaines décla­ra­tions du patient, ou lui indi­quer au cours de quelle phase les états dépres­sifs se mani­festent, par exemple en phase off. « La contri­bu­tion des proches peut s’avérer précieuse lors de l’anamnèse », déclare le docteur Hägele. Cepen­dant, le patient peut égale­ment s’observer et donner des indi­ca­tions à son méde­cin. Ce dernier doit alors l’interroger : « Ressentez-​vous une sensa­tion de vide ? Vous est-​il impos­sible de vous réjouir véri­ta­ble­ment ? Avez-​vous déjà vécu des périodes dépres­sives ? ».

Les dépres­sions des Parkin­so­niens repré­sentent un grand facteur de stress pour leurs parte­naires égale­ment. Ils doivent trou­ver le juste milieu, encou­ra­ger et inci­ter leur parte­naire à s’activer sans toute­fois le soumettre à un effort exces­sif. Paral­lè­le­ment, ils ne doivent pas se mettre complè­te­ment en retrait, mais affir­mer leurs besoins et leurs senti­ments. Sous la pres­sion, ils peuvent égale­ment finir par entrer en dépres­sion. S’entretenir avec des personnes de confiance et des spécia­listes peut aider à mieux s’en tirer. 

L’aide du parte­naire est d’une impor­tance capi­tale, en parti­cu­lier pour la stra­té­gie non médi­cale du trai­te­ment ou de la préven­tion de la dépres­sion. L’activité, la physio­thé­ra­pie, la distrac­tion, les contacts sociaux, les jeux, la culture : en cas de dépres­sion, tout cela n’a plus grande effi­ca­cité. La moti­va­tion du parte­naire peut acti­ver beau­coup de choses. Le neuro­logue Stephan Hägele le sait, « Le rafraî­chis­se­ment mental fait égale­ment partie du trai­te­ment ». « Une personne qui pratique régu­liè­re­ment un sport, par exemple, se sent assu­ré­ment mieux ». Dans le sport, le patient contrôle beau­coup de choses et peut faire ce qui lui plaît. Le bien-​être psychique s’en trouve favo­risé, car l’autonomie, limi­tée par la mala­die, est renfor­cée. Malgré le petit nombre d’études à ce sujet, on présume que la physio­thé­ra­pie aide à lutter contre les dépres­sions et peut contri­buer à briser le cercle vicieux.

Natu­rel­le­ment, le trai­te­ment de la dépres­sion peut être médi­ca­men­teux. « Il s’agit avant tout d’optimiser l’ajustement dopa­mi­ner­gique », retient M. Hägele. Pour ce faire, on peut avoir recours aux anti­dé­pres­seurs. Un Parkin­so­nien dépres­sif doit cepen­dant faire preuve de patience et se prépa­rer à l’apparition d’éventuels effets secon­daires avant l’action anti­dé­pres­sive. « C’est pénible », déclare M. Hägele. L’effet dure au moins trois semaines, parfois plus long­temps. Il recom­mande vive­ment de ne pas inter­rompre trop tôt, mais d’adapter la dose progressivement.

Les dépres­sions consti­tuent un symp­tôme typique du Parkin­son, déclare M. Hägele : « Nous n’en savons pas encore suffi­sam­ment », concède – t‑il. « Cepen­dant nos progrès sont remar­quables depuis que nous accor­dons une plus grande impor­tance à la dépres­sion en cas de Parkin­son, qui fait l’objet de davan­tage de recherches ». Lorsque le patient colla­bore et parle de ses problèmes avec son méde­cin, les chances de vaincre la dépres­sion sont grandes. Heinz F. a appris à vivre avec sa mala­die au cours d’une psycho­thé­ra­pie par entre­tien de plusieurs semaines. Depuis il va beau­coup mieux. Malgré ses handi­caps, il prend de nouveau plai­sir à vivre : « Je suis heureux que la période sombre soit passée ».

Lu par Jean GRAVELEAU

2 Commentaires Cliquer ici pour laisser un commentaire

  1. merci pour votre appré­cia­tion concer­nant le site- les épisodes de dépres­sion sont fréquents chez toutes les personnes atteintes de la mala­die de Parkin­son — ne restez pas seul, faites vous partie d’une asso­cia­tion ?, avez vous des acti­vi­tés ? — je suis déso­lée mais je ne puis vous indi­quer de médi­ca­ments — peut être un lecteur pour­rait vous faire part de son expé­rience —  mais chaque cas est différent-
    bien amica­le­ment — E.Six

    Commentaire by GP29 — 19 janvier 2009 #

  2. Bravo pour ce site GP29 et merci pour cet article sur la dépres­sion et la MP.
    J’ai 60 ans et diag­nos­ti­qué PcP depuis 4 ans. Aupa­ra­vant (envi­ron 25 ans) j’ai connu des phases dépres­sives cycliques plus ou moins sévères. Avec des trai­te­ments appro­priés (Anafra­nil) je m’en suis sorti. Lors de mon diag­nos­tic de la MP la dépres­sion a disparu pendant plus de 3ans (comme si le manque de dopa­mine en était la cause). Je suis un trai­te­ment pour la MP (Modopar-​Trivastal-​Comtan) que j’es­saie d’op­ti­mi­ser au mieux. Cepen­dant l’épi­sode dépres­sif a réap­paru il y a 6 mois et cette fois j’ai du mal à m’en sortir malgré la pres­crip­tion­pres­crip­tion d’un anti­dé­pres­seur (Athy­mil) en + de mon trai­te­ment MP. Quels sont à votre connais­sance les anti­dé­pres­seurs les plus asso­ciés à la MP ?

    Commentaire by Danny — 14 janvier 2009 #

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