Ne pas être qu'un "patient" ...

La maladie de Parkinson : actualités physiopathologiques et axes de recherche thérapeutique.

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°44 – mars 2011 

La mala­die de Parkin­son a été décrite pour la première fois en 1817, par James Parkin­son (1755 – 1824), méde­cin anglais. Depuis cette première descrip­tion clinique de la mala­die de Parkin­son, notre compré­hen­sion de cette patho­lo­gie neuro­dé­gé­né­ra­tive a forte­ment progressé, mais reste encore partielle. Actuel­le­ment, beau­coup de ques­tions se posent encore aux cher­cheurs, méde­cins et acteurs de santé. Comment défi­nir la mala­die de Parkin­son ? Alors que cette ques­tion parait simple et fonda­men­tale, la réponse n’en est pas évidente. Or cette réponse ne conditionne-​t-​elle pas la recherche de nouvelles stra­té­gies théra­peu­tiques, leurs bonnes mises en œuvre et par consé­quent l’amélioration de l’état de santé du patient parkin­so­nien ? Ainsi, une compré­hen­sion toujours plus appro­fon­die du fonc­tion­ne­ment céré­bral, des réseaux neuro­naux, des dysfonc­tion­ne­ments cellu­laires et molé­cu­laires, et des causes poten­tielles à l’origine de ces troubles, est indis­pen­sable à l’émergence de stra­té­gies théra­peu­tiques cura­tives, ou ralen­tis­sant la progres­sion de la mala­die. C’est dans cet esprit et avec ces consi­dé­ra­tions que j’ai souhaité faire le point, sous la forme d’une thèse pour le diplôme d’Etat de Docteur en Phar­ma­cie, sur les actua­li­tés physio­pa­tho­lo­giques et les axes de recherche théra­peu­tique actuel­le­ment en déve­lop­pe­ment dans la mala­die de Parkinson.

La mala­die de Parkin­son peut se défi­nir selon des critères cliniques (symp­tômes des patients) ou des critères physio­pa­tho­lo­giques (nature des dysfonc­tion­ne­ments des réseaux neuro­naux et des alté­ra­tions molé­cu­laires au sein des cellules). Actuel­le­ment, la mala­die de Parkin­son est défi­nie comme une affec­tion neuro­dé­gé­né­ra­tive, d’étiologie mal connue, touchant l’ensemble des systèmes mono­ami­ner­giques (dopa­mi­ner­gique, nora­dr­éner­gique, et séro­to­ni­ner­gique) au niveau intra­cé­ré­bral et au niveau du système nerveux péri­phé­rique auto­nome. La prin­ci­pale carac­té­ris­tique est la dégé­né­res­cence des neurones dopa­mi­ner­giques de la substance noire pars compacta (zone céré­brale) entrai­nant un défi­cit en dopa­mine dans le stria­tum (zone céré­brale), respon­sable des troubles moteurs tels que le trem­ble­ment de repos, l’akinésie (inca­pa­cité à initier et à exécu­ter des mouve­ments volon­taires et auto­ma­tiques) et l’hypertonie (rigi­dité). De plus, le patient parkin­so­nien est affecté par des troubles cliniques non-​moteurs davan­tage pris en consi­dé­ra­tion de nos jours.

Tous les patients parkin­so­niens ne présentent pas les mêmes troubles cliniques. Il existe des diffé­rences dans la nature et dans l’intensité de ces symp­tômes. De plus, ces symp­tômes appa­raissent plus ou moins préco­ce­ment (40 à 75 ans par exemple). Ces diffé­rences cliniques sont vrai­sem­bla­ble­ment liées à des troubles physio­pa­tho­lo­giques diffé­rents. Peut-​on alors parler d’une seule mala­die de Parkin­son ? Depuis plusieurs années, la compré­hen­sion de la nature des troubles cellu­laires (et non cliniques) amènent les acteurs de santé à caté­go­ri­ser les diffé­rentes formes de mala­dies de Parkin­son. La mala­die de Parkin­son se carac­té­rise par l’accumulation dans certains neurones (notam­ment dopa­mi­ner­giques), d’une protéine alté­rée, mal repliée, et non élimi­née par la cellule, à savoir l’alphasynucléine. La mala­die de Parkin­son appar­tient donc aux alpha-​synucléinopathies. Bien que d’autres protéines soient égale­ment accu­mu­lées, l’alphasynucléine est majo­ri­taire. Ces protéines accu­mu­lées forment une struc­ture intra­cel­lu­laire carac­té­ris­tique, appe­lée corps de Lewy. D’autres patho­lo­gies dans lesquels on retrouve des signes cliniques parkin­so­niens, comme la démence à corps de Lewy ou les atro­phies multi systé­ma­ti­sées présentent égale­ment une accu­mu­la­tion de cette protéine dans des neurones. Il existe aussi des tauo­pa­thies, dans lesquelles on retrouve une accu­mu­la­tion cellu­laire d’une autre protéine, la protéine tau. Certaines de ces patho­lo­gies présentent égale­ment des signes cliniques de type parkinsonien. 

Dans le cas de la mala­die de Parkin­son, l’origine de l’accumulation de cette protéine (alpha­sy­nu­cléine) est encore incom­prise. Quel est le proces­sus qui amène à la mort des neurones dopa­mi­ner­giques dans lesquels cette alpha­sy­nu­cléine est anor­ma­le­ment accu­mu­lée ? Cette ques­tion n’a pas encore de réponse complète et satis­fai­sante. Toute­fois, depuis de nombreuses années, les facteurs envi­ron­ne­men­taux, à savoir les pesti­cides et les métaux, sont suspec­tés de jouer un rôle clé dans ce proces­sus. Des enquêtes épidé­mio­lo­giques mettent bien en corré­la­tion l’exposition à des pesti­cides et la plus grande fréquence de mala­dies de Parkin­son dans des popu­la­tions souvent agri­coles ou rurales. Ainsi, la majo­rité des cas de mala­die de Parkin­son (envi­ron 90%), dits idio­pa­thiques ou spora­diques, ont proba­ble­ment pour origine une suscep­ti­bi­lité géné­tique asso­ciée à des facteurs envi­ron­ne­men­taux. Cepen­dant, depuis une dizaine d’années, des formes géné­tiques de la mala­die de Parkin­son ont été mises en évidence. En effet, des muta­tions sur certains gènes sont respon­sables de mala­dies de Parkin­son. Pour certaines d’entre-elles, les signes cliniques sont simi­laires à ceux de la mala­die de Parkin­son idio­pa­thique, alors que d’autres présentent une symp­to­ma­to­lo­gie plus éloi­gnée. Actuel­le­ment, une dizaine de gènes ont été iden­ti­fiés comme poten­tiel­le­ment liés à la patho­gé­nèse de la mala­die de Parkin­son (exemples de gènes : SNCA, PRKN, PINK1, LRRK2). Bien que ces formes géné­tiques ne repré­sentent que 10% des cas de mala­die de Parkin­son, leur étude n’en demeure pas moins impor­tante. En effet, de par la muta­tion de ces gènes, les cher­cheurs peuvent étudier l’implication des protéines issues de ces gènes dans le proces­sus molé­cu­laire amenant les neurones à accu­mu­ler l’alphasynucléine et à mourir. 

Actuel­le­ment, plusieurs phéno­mènes ont été iden­ti­fiés comme parti­ci­pant à la mort des neurones, notam­ment dopa­mi­ner­giques. Tout d’abord, la méta­bo­li­sa­tion oxyda­tive de la dopa­mine qui conduit à la forma­tion d’un composé appelé amino­chrome peut, dans certaines condi­tions, favo­ri­ser la produc­tion de méta­bo­lites réac­tifs au sein des neurones et donc augmen­ter le stress oxyda­tif cellu­laire. L’aminochrome pour­rait alors consti­tuer une source endo­gène toxique pour les neurones dopa­mi­ner­giques. Par ailleurs, des dysfonc­tions mito­chon­driales, une alté­ra­tion du système d’élimination des protéines alté­rées (système ubiquitine- protéa­some), et des lyso­somes sont égale­ment asso­ciées à l’accumulation de l’alphasynucléine dans les neurones. Le système immu­ni­taire et inflam­ma­toire céré­bral est égale­ment impli­qué dans le proces­sus patho­lo­gique de la mala­die de Parkin­son. Cepen­dant, malgré ces avan­cées dans l’identification des acteurs intra­cel­lu­laires dans le proces­sus dégé­né­ra­tif des neurones, les méca­nismes, les séquences, et les liens entre ces acteurs restent encore incon­nus. Or, le déve­lop­pe­ment de stra­té­gies théra­peu­tiques cura­tives semble étroi­te­ment lié à notre compré­hen­sion de ces méca­nismes molé­cu­laires condui­sant à la mort des neurones. 

La compré­hen­sion de la patho­gé­nie a été amélio­rée par une meilleure compré­hen­sion du fonc­tion­ne­ment des circuits neuro­naux (notam­ment ceux des ganglions de la base forte­ment impli­qués dans la mala­die de Parkin­son) et des alté­ra­tions cellu­laires et molé­cu­laires, même si l’ensemble des inter­ac­tions n’est pas encore tota­le­ment défini. Ces avan­cées permettent actuel­le­ment l’essai de diffé­rentes stra­té­gies théra­peu­tiques contre la mala­die de Parkin­son. Lorsque les théra­peu­tiques clas­siques comme la lévodopa-​thérapie ou les agonistes dopa­mi­ner­giques deviennent inef­fi­caces contre des formes avan­cées de la mala­die, une stimu­la­tion céré­brale profonde peut être, dans certains cas précis, propo­sée au patient. Cette approche est à diffé­ren­cier de la stimu­la­tion magné­tique trans­crâ­nienne qui est en cours de déve­lop­pe­ment. Cette stra­té­gie permet­trait un remo­de­lage des certains circuits neuro­naux et ainsi favo­ri­se­rait une augmen­ta­tion de libé­ra­tion de dopa­mine. Des essais cliniques ont montré une amélio­ra­tion des troubles moteurs de 15 à 50%. Des résul­tats d’autres essais sont moins favo­rables, mais il reste beau­coup de travail de mise au point, afin que cette approche soit la plus effi­cace possible. D’autre part, pour renou­ve­ler le stock de neurones dopa­mi­ner­giques ou contre­car­rer les dysfonc­tions cellu­laires, d’autres approches se déve­loppent actuel­le­ment. Tout d’abord, il est impor­tant de parler de la théra­pie cellu­laire. Au cours des années, plusieurs essais chez l’animal ont été réali­sés à partir de types cellu­laires diffé­rents (neuro­blastes fœtaux, cellules souches mésen­chy­ma­teuses, cellules souches neurales) et dans des condi­tions de greffes variées que ce soit dans la substance noire ou le stria­tum. Cette stra­té­gie qui offre un grand espoir de rempla­ce­ment cellu­laire, n’est encore pas appli­cable chez le patient parkin­so­nien. Il demeure encore beau­coup de ques­tions sur des plans de sécu­rité d’emploi de cette stra­té­gie, d’efficacité et de condi­tions d’utilisation. Depuis quelques années, le trans­fert de gènes d’intérêt (théra­pie génique) dans les struc­tures céré­brales lésées, a suscité un grand engoue­ment. Diffé­rentes stra­té­gies de théra­pies géniques permet­traient d’augmenter la capa­cité de survie des neurones et de ralen­tir la progres­sion de la mala­die. On peut citer, à titre d’exemples, le facteur GDNF (glial cell line-​derived factor) connu pour ses effets neuro­pro­tec­teur et de régé­né­ra­tion des axones. Des essais cliniques encou­ra­geants ont été réali­sés. La neur­tu­rine, qui est un facteur de crois­sance agis­sant sur les neurones dopa­mi­ner­giques, est égale­ment à l’essai. Des stra­té­gies de théra­pie génique de gènes codant pour des enzymes (tyrosine-​hydroxylase, dopa-​décarboxylase, GTP-​cyclohydrolase‑1) permet­tant d’augmenter la synthèse de dopa­mine dans les neurones, sont aussi étudiées. De plus en plus de travaux combinent ces deux approches en modi­fiant géné­ti­que­ment des cellules d’intérêt avec des gènes d’intérêt, qui seront ensuite gref­fées (théra­pie génique ex vivo). Par ailleurs, il existe aussi une autre approche afin de combattre la progres­sion de la mala­die de Parkin­son : la neuro­pro­tec­tion. Cette stra­té­gie consiste à proté­ger les neurones du proces­sus de mort cellu­laire et ainsi permettre un ralen­tis­se­ment de la progres­sion de la mala­die. La neuro­pro­tec­tion est donc desti­née aux mala­dies débu­tantes, avant même que les troubles moteurs connus ne se mani­festent. Cette stra­té­gie néces­si­te­rait donc un diag­nos­tic beau­coup plus précoce. Cette neuro­pro­tec­tion essaie de contrer les dysfonc­tions intra­cel­lu­laires en ciblant, notam­ment, les alté­ra­tions mito­chon­driales. Des molé­cules sont actuel­le­ment en cours d’essai comme par exemple la créa­tine et le coen­zyme Q10. Des approches permet­tant de dimi­nuer la compo­sante neuro-​inflammatoire délé­tère pour le fonc­tion­ne­ment cellu­laire sont aussi testées. Un autre axe de recherche théra­peu­tique consiste à bloquer certains types de canaux calciques à la surface des neurones dopa­mi­ner­giques à l’aide de molé­cules comme l’isradipine. Enfin, une dernière approche est de nos jours en déve­lop­pe­ment afin de dimi­nuer les symp­tômes des patients parkin­so­niens. En effet, bien que les neurones dopa­mi­ner­giques soient les prin­ci­paux neurones touchés dans cette mala­die, d’autres struc­tures céré­brales non dopa­mi­ner­giques sont impli­quées dans le contrôle des mouve­ments et notam­ment dans les fluc­tua­tions motrices et les dyski­né­sies appa­rais­sant souvent à la suite d’une lévo­dopa théra­pie au long cours. Des anta­go­nistes des récep­teurs à l’adénosine A2A comme l’istradéfylline sont en cours d’essais cliniques. Sont égale­ment à l’étude des inhi­bi­teurs du gluta­mate, des anta­go­nistes des récep­teurs adréner­giques alpha2c, des inhi­bi­teurs des récep­teurs NMDA (N‑méthyl-​D-​aspartate), et des modu­la­teurs sérotoninergiques.

Ainsi, l’ensemble des travaux de recherche ont contri­bué à amélio­rer la défi­ni­tion de la mala­die de Parkin­son, et ce, à diffé­rents niveaux. Sur le plan clinique car les symp­tômes de la mala­die sont variés qu’ils soient moteurs ou non-​moteurs, et diffé­rents entre les patients. Sur le plan des réseaux neuro­naux, car la vision du fonc­tion­ne­ment de ces réseaux qui contrôlent notam­ment la motri­cité est forte­ment complexi­fiée. Sur le plan des proces­sus cellu­laires et molé­cu­laires, car la compré­hen­sion des diffé­rents acteurs parti­ci­pant à l’agrégation de cette protéine, l’alphasynucléine, retrou­vée dans les neurones en dégé­né­res­cence s’est gran­de­ment amélio­rée, même si beau­coup de ques­tions restent encore sans réponse. Or, notre compré­hen­sion dans ces trois aspects est indis­pen­sable à l’émergence de nouvelles stra­té­gies théra­peu­tiques, notam­ment cura­tives. Actuel­le­ment, de nombreuses recherches et essais précli­niques ou cliniques dans les domaines de la stimu­la­tion magné­tique trans­crâ­nienne, de la théra­pie cellu­laire, de la théra­pie génique, de la neuro­pro­tec­tion, et concer­nant des trai­te­ments symp­to­ma­tiques non-​dopaminergiques, sont porteurs d’espoir dans l’amélioration de la prise en charge du patient parkin­so­nien. Bien-​sûr, beau­coup de travail reste à faire, et l’intérêt que les patients parkin­so­niens et leur entou­rage portent aux cher­cheurs et aux acteurs de santé en géné­ral, motive encore plus la déter­mi­na­tion à combattre la mala­die de Parkinson.* 

Vincent LE FOL.

* L’ensemble de ces infor­ma­tions et les réfé­rences s’y rappor­tant, figurent dans la thèse suivante : Vincent LE FOL, thèse pour le diplôme d’Etat de Docteur en Phar­ma­cie, «  La mala­die de Parkin­son : actua­li­tés physio­pa­tho­lo­giques et axes de recherche théra­peu­tique  », Faculté de Phar­ma­cie de Nantes, 2010.
La thèse est consul­table depuis le site inter­net Nanti­lus (http://nantilus.univ-nantes.fr, portail docu­men­taire de l’université de Nantes).

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  1. j’ai also une stimu­la­tion céré­brale profonde.

    Commentaire by desveaux — 26 juin 2011 #

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