Ne pas être qu'un "patient" ...

L’actualité sur les agonistes dopaminergique

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°45  –  juillet 2011 

par le profes­seur POLLAK, Chef du service de Neuro­lo­gie des Hôpi­taux Univer­si­taires de Genève

Ne soyons pas victimes des effets indé­si­rables
d’une classe de médi­ca­ments efficaces.
SACHONS LES MAITRISER.
Si vous avez des compor­te­ments anor­maux ou inhabituels,
il faut abso­lu­ment en réfé­rer au méde­cin trai­tant, immédiatement.

Les médias reparlent de procès futurs à propos des effets compor­te­men­taux délé­tères de certains médi­ca­ments, en parti­cu­lier le jeu patho­lo­gique qui a ruiné certains patients. Ces patients accusent le labo­ra­toire d’avoir mentionné trop tardi­ve­ment cet effet indé­si­rable dans le RCP (le résumé des carac­té­ris­tiques du produit) qui accom­pagne toutes les boîtes de condi­tion­ne­ment de médicaments.

Le rôle des médicaments
Il est exact que le Requip® (ropi­ni­role), ainsi que les autres médi­ca­ments de la même classe, les agonistes dopa­mi­ner­giques (prami­pexole – Sifrol®; piri­bé­dil – Trivas­tal®; pergo­lide – Célance®; bromo­crip­tine – Parlo­del®, Bromo­kin®; roti­go­tine — Neupro® …), et, à un moindre degré, la L‑dopa elle-​même et l’amantadine (Manta­dix®), modi­fient le compor­te­ment et, bien sûr, la fonc­tion motrice.

C’est bien pour cela qu’ils sont pres­crits. Mais, comme toute substance active, ils peuvent entraî­ner des effets indé­si­rables, en parti­cu­lier les effets liés à un excès d’activité, dû à une dose trop élevée. Il s’agit de troubles compor­te­men­taux hyper­do­pa­mi­ner­giques, dont nous avons déjà parlé dans la revue1. On peut les rappe­ler briè­ve­ment : hyper­ac­ti­vité, allant parfois jusqu’à des acti­vi­tés compul­sives inutiles, même la nuit, addic­tions alimen­taires de type grigno­tage, augmen­ta­tion de la créa­ti­vité, notam­ment artis­tique selon les dons de chacun, achats exces­sifs, état eupho­rique allant jusqu’à un état maniaque, hallu­ci­na­tions, psychose, compor­te­ments hyper­sexuels parfois déviants – et surtout nouveaux pour le patient (rupture dans l’appétit sexuel et les pratiques, chan­ge­ment de la person­na­lité), jeu pathologique.

Si certains de ces effets sont perçus très favo­ra­ble­ment, comme la dimi­nu­tion de l’anxiété, de l’apathie, l’augmentation de l’activité et de la créa­ti­vité, d’autres sont redou­tables : jeu patho­lo­gique et compor­te­ment hyper­sexuel, à cause de leur impact dans la vie person­nelle, fami­liale et sociale des patients.
Au maxi­mum, il s’agit du syndrome de dysré­gu­la­tion dopa­mi­ner­gique qui inclut en plus d’un trouble du contrôle des impul­sions, une addic­tion à la L‑dopa – le patient dépas­sant les doses pres­crites, son compor­te­ment étant constam­ment tourné vers la recherche des médi­ca­ments (craving en anglais).

Il est vrai que l’on sait depuis quelques années que les agonistes dopa­mi­ner­giques possèdent ces effets mais ils n’étaient rappor­tés qu’exceptionnellement dans la litté­ra­ture médi­cale et de ce fait non signa­lés aux patients. Il est, en effet, d’usage que les méde­cins n’exposent aux patients que les effets indé­si­rables fréquents, de façon à anti­ci­per une conduite à tenir c’est-​à-​dire la prise des mesures adéquates pour les éviter ou les contrô­ler. Lors d’une consul­ta­tion, il est non seule­ment impos­sible au plan pratique de mention­ner l’ensemble des effets surve­nant excep­tion­nel­le­ment, mais cela serait contre-​productif, en affo­lant inuti­le­ment l’immense majo­rité des patients prenant ce médicament.

Néan­moins, depuis envi­ron 5 ans, dans la litté­ra­ture médi­cale et lors des congrès scien­ti­fiques il y a eu une multi­pli­ca­tion des rapports de cas de patients ayant déve­loppé ces troubles du compor­te­ment de façon sévère. Les études les plus récentes avancent la propor­tion d’environ 15% des patients sous médi­ca­ments dopa­mi­ner­giques avec troubles du contrôle des impul­sions, dont 5% avec jeu patho­lo­gique. Ainsi, l’ensemble du corps médi­cal n’en a pris conscience que récemment.

Le rôle du terrain : quel est le rôle de la mala­die dans l’apparition de ces effets ?
On ne sait préci­sé­ment pas pour­quoi certains sujets et non d’autres déve­loppent un ou plusieurs troubles compor­te­men­taux dopa­mi­ner­giques. Si l’on fait un paral­lèle avec les troubles moteurs, on sait que les médi­ca­ments dopa­mi­ner­giques notam­ment la L‑dopa, peuvent provo­quer des dyski­né­sies d’autant plus faci­le­ment que l’akinésie parkin­so­nienne est sévère. Est-​ce que les troubles compor­te­men­taux surviennent plus faci­le­ment chez les patients dont la mala­die de Parkin­son s’accompagne d’une apathie, d’une dépres­sion, d’une anxiété sévères ? Des recherches sont en cours pour répondre à cette ques­tion, certains argu­ments vont dans ce sens.

Les hallu­ci­na­tions et la psychose, les sensa­tions de percep­tion anor­males, peuvent subve­nir sans médi­ca­ment dopa­mi­ner­gique. C’est le cas en parti­cu­lier des formes avan­cées de mala­die de Parkin­son chez le sujet âgé lorsqu’il existe un déclin cogni­tif. De même, un petit pour­cen­tage de la popu­la­tion est joueur patho­lo­gique ou présente des déviances sexuelles sans qu’ils n’aient pris des médi­ca­ments dopa­mi­ner­giques. Quels sont les facteurs asso­ciés à ces compor­te­ments, notam­ment d’ordre géné­tique ? Ces sujets sont-​ils plus à risque d’aggraver de tels symp­tômes s’ils prennent des agonistes dopa­mi­ner­giques même à faible dose ? Cela aussi est un sujet de recherche.
Les facteurs déjà recon­nus faisant qu’un patient est plus à risque de déve­lop­per un trouble du contrôle des impul­sions sous agonistes dopa­mi­ner­giques sont les suivants : sexe mascu­lin, âge jeune et début de la mala­die de Parkin­son à un jeune âge, anté­cé­dents de troubles du contrôle des impul­sions avant la mala­die de parkin­son, anté­cé­dents person­nels ou fami­liaux d’addiction (toxi­co­ma­nie), de dépres­sion ou troubles bipo­laires et traits de person­na­lité carac­té­ri­sés par une haute impul­si­vité et la recherche de nouveautés.

Quels conseils donner à tous les patients parkin­so­niens qui prennent des médicaments ?
Il s’agit de pres­crire ces médi­ca­ments de façon à maxi­mi­ser le béné­fice – amélio­ra­tion de la motri­cité, dimi­nu­tion de l’apathie et de l’anxiété, dimi­nu­tion des impa­tiences motrices des membres infé­rieurs… – et à mini­mi­ser les effets indé­si­rables, notam­ment psycho-comportementaux.

Le rôle des soignants est donc d’évaluer très préci­sé­ment ces effets. Le rôle du patient et de l’entourage devient alors capi­tal car ce sont eux qui renseignent le mieux sur le début d’une modi­fi­ca­tion d’un compor­te­ment en réfé­rence à la person­na­lité anté­rieure du patient.
Les doses et les types de médi­ca­ments seront ajus­tés pour réali­ser l’objectif de la pour­suite au long cours d’une vie la plus proche possible de ce qu’elle était avant l’apparition de la mala­die y compris au plan affec­tif et comportemental.

4 conseils fondamentaux

  1. L‑Dopa et agonistes dopa­mi­ner­giques ont une effi­ca­cité prou­vée sur l’état moteur du parkinsonien.
  2. Néan­moins, à doses exces­sives, chez certains patients, les agonistes dopa­mi­ner­giques et, dans une moindre mesure, la L‑Dopa, peuvent entraî­ner des troubles compor­te­men­taux redou­tables : compul­sions d’achat, addic­tion au jeu, hypersexualité…mettant en danger la vie person­nelle et fami­liale du patient.
  3. Si vous ou votre entou­rage remar­quez un chan­ge­ment de votre compor­te­ment, voire de votre person­na­lité, signalez-​le immé­dia­te­ment à votre méde­cin trai­tant. Ne lais­sez pas s’installer un déséqui­libre dans votre vie. Un ajus­te­ment de dose est nécessaire.
  4. Atten­tion, toute modi­fi­ca­tion de trai­te­ment ne peut se faire que sur avis médical.

La mala­die de Parkin­son n’a jamais été aussi bien trai­tée, et cela essen­tiel­le­ment grâce aux médi­ca­ments. Avant les trai­te­ments dopa­mi­ner­giques, le handi­cap du patient parkin­so­nien était consi­dé­rable, le recours au fauteuil roulant fréquent après peu d’années et l’espérance de vie était forte­ment abré­gée. Aujourd’hui, la majo­rité des patients parkin­so­niens vivent avec peu de gêne pendant de nombreuses années, une inca­pa­cité sévère ne survient que chez certains patients surtout à un âge avancé, et l’espérance de vie n’est que légè­re­ment infé­rieure à celle de la popu­la­tion générale.

Un patient ne doit pas arrê­ter son trai­te­ment sans avis médical. 

Il est en effet rapporté des risques impor­tants lors de cas de sevrage brutal de trai­te­ment anti­par­kin­so­nien, par exemple en cas d’hospitalisation pour d’autres motifs que la mala­die de Parkin­son. Ce sevrage peut entraî­ner une crise d’hyperparkinsonisme avec akiné­sie et rigi­dité sévères (les enzymes muscu­laires augmentent dans le sang et des molé­cules d’origine muscu­laire peuvent bloquer les reins), éléva­tion de la tempé­ra­ture, trouble de conscience et troubles végé­ta­tifs avec hyper­su­da­tion, alté­ra­tions respi­ra­toires et cardio-​vasculaires pouvant mettre la vie en danger. Tout parkin­so­nien traité depuis long­temps doit abso­lu­ment conti­nuer à prendre une dose mini­male jour­na­lière de 300 mg de L‑dopa. Le sevrage dopa­mi­ner­gique peut, au bout de quelques semaines, provo­quer un handi­cap sévère et irré­ver­sible, voire entraî­ner la mort.

Lu et repris par Pierre LEMAY

3 Commentaires Cliquer ici pour laisser un commentaire

  1. Bonjour, sur recom­man­da­tions de mon Neuro­logue je prends du Manta­dix 100 depuis 2 mois à raison de 2 fois par jour. J’ai un quoti­dien infer­nal avec parfois 5 h de dyski­ne­sie par jour ! Je pense que ce médi­ca­ment à multi­plié mes d yski­ne­sies. Depuis quelques jours, je prends un seul comprimé et ces mouve­ments incon­trô­lables ont dimi­nué. … incroyable tout de même ! Cela me fait peu . Je suis sous Modopar.
    Merci de votre attention.r

    Commentaire by Marie France Deguiraud — 13 octobre 2016 #

  2. Le problème , c’est que le jeu patho­lo­gique ( argent, pouvoir, sexe) auto alimente une sensa­tion de puis­sance dans une sorte de spirale auto destruc­trice et on peut se deman­der dans quelles mesures certains de nos diri­geants plané­taires ne sont pas des parkin­son­niens à effets secondaires ..

    Commentaire by Jean Gron — 13 octobre 2011 #

  3. Je vous remer­cie d’avoir relayé cette infor­ma­tion très intéressante.
    Je suis surprise de voir que le Pr Pollak lisse autant son discours. Il a fait des travaux très impor­tants et inté­res­sants en faveur de la recon­nais­sance des troubles compor­te­men­taux impul­sifs. Toute­fois, dans son article, il ne renvoie qu’à la respon­sa­bi­lité des patients et de leur entou­rage dans la détec­tion des troubles. Cela ne suffit pas.
    Pour avoir été confron­tée aux troubles l’an passé, soit 10 ans après la confé­rence de consen­sus sur les troubles, soit 4 ans après l’ins­crip­tion des effets indé­si­rables sur les notices d’in­for­ma­tion et soit 1 an après les recom­man­da­tions de l’AF­SSAPS sur la conduite des méde­cins à adop­ter en cas de troubles, je me suis heur­tée au corps médi­cal qui niait lesdits troubles… et les expli­quait par le déclin cognitif.
    A quoi ça sert de se foca­li­ser sur les prédis­po­si­tions face à des faits indé­niables : la dispa­ri­tion ou réduc­tion des troubles dès la décrois­sance poso­lo­gique ou le retrait de certains agonistes dopaminergiques ?

    Commentaire by Aurélie — 8 juillet 2011 #

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