Stimulation cérébrale profonde (SCP) : jamais sans auto-détermination
Publié le 10 juillet 2012 à 09:30Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°49 – juin 2012
De nos jours, la stimulation cérébrale profonde est considérée comme une forme thérapeutique établie pour lutter contre le Parkinson et d’autres troubles moteurs. La décision de cette intervention requiert des explications minutieuses et une action autonome des personnes concernées.
Il est difficile d’échapper à la puissance suggestive de telles images : un homme souffrant d’importants tremblements allume un appareil et retrouve d’un seul coup le contrôle de son organisme … Leur pouvoir d’attraction est important. Et pourtant, elles ne donnent qu’un aperçu très incomplet du développement de la stimulation cérébrale profonde (SCP), qui est devenue, après des décennies de recherche, un procédé établi dans le traitement des troubles moteurs tels que le Parkinson, les dystonies et les tremblements essentiels. Près de 85 000 personnes dans le monde ont déjà bénéficié de l’implantation d’un système de SCP. Ce nombre va croissant, tout comme les domaines d’application de la SCP. Aujourd’hui, elle est également utilisée pour traiter l’épilepsie, la douleur chronique et les troubles obsessionnels compulsifs. Son application dans le cadre d’autres maladies telles que les dépressions fait l’objet de recherches.
La SCP : mode de fonctionnement
A première vue, l’approche thérapeutique de la SCP est convaincante : au lieu de noyer le cerveau dans les médicaments, on intervient de manière ciblée dans un réseau neuronal perturbé en implantant une électrode à des endroits précis du cerveau et en normalisant en quelque sorte l’activité du réseau à l’aide d’un courant électrique. Le courant de stimulation est généré par un stimulateur (semblable à un pacemaker) implanté sous la clavicule ou dans la région abdominale. Ce stimulateur peut être piloté sans fil au moyen d’un appareil de programmation externe afin d’adapter les paramètres de stimulation.
Condition préalable pour le succès de la SCP : naturellement, le mode de fonctionnement du réseau correspondant dans le cerveau doit être bien connu et les électrodes doivent pouvoir être implantées avec le moins de risque possible et de manière très précise à l’endroit souhaité. Par ailleurs, la détermination de la stimulation idoine demande beaucoup d’expérience aux neurologues, car la plupart du temps la médication est poursuivie (souvent dans une bien moindre mesure). Même dans le cas d’une SCP, il convient presque de « paramétrer » les patients parkinsoniens afin d’obtenir l’effet optimal.
Contrairement à l’administration de médicaments, qui est sous-tendue en permanence par une certaine dynamique et donc par des variations de concentration, l’effet de stimulation, une fois qu’elle est réglée de manière optimale, est quasiment constant. Certains problèmes, tel que les phases « off », sur lesquels les médicaments n’agissent pas bien, peuvent ainsi être contrôlés de manière satisfaisante.
Malgré l’efficacité souvent satisfaisante de la SCP, son action précise sur les tissus nerveux stimulés reste floue. La conception d’origine selon laquelle l’activité de cette région serait en quelque sorte « arrêtée » s’est avérée imprécise. En revanche, une sorte de « modulation » de l’activité a lieu, dans le sens où la stimulation précise permet de normaliser à nouveau l’activité de l’ensemble du réseau.
Une intervention invasive
Même si la SCP constitue une intervention nettement moins invasive que les autres opérations du cerveau (comme par ex. l’ablation neurochirurgicale d’une tumeur au cerveau), le crâne du patient est ouvert à l’aide d’un trépan et des électrodes sont implantées dans des régions profondes du cerveau. Le fait que cette procédure soit généralement réalisée sur des patients éveillés ne simplifie pas les choses. En conséquence, de nombreux patients ont de gros doutes sur leur capacité à subir une telle intervention ou non.
Le fait de savoir que dans le cas du Parkinson, plus de 20 années d’expérience avec la SCP ont été accumulées est rassurant. Elles montrent que la méthode permet d’obtenir de bons, voire de très bons résultats – à condition que les patients soient sélectionnés méticuleusement et en tenant compte de nombreux aspects. C’est pourquoi la SCP n’est généralement employée que quand l’efficacité des médicaments n’est plus suffisante ou quand leurs effets secondaires sont trop importants.
La décision en faveur ou à l’encontre de la SCP exige également de l’autodétermination de la part des personnes concernées
La SCP est un procédé complexe qui demande au préalable de tenir compte et de peser de nombreux facteurs. La décision en faveur ou à l’encontre de l’intervention n’exige donc pas seulement un grand soin de la part des médecins. Autodétermination et responsabilités sont attendues de la part des personnes concernées elles-mêmes – et dans une certaine mesure, également de leurs proches. En effet, les risques de l’intervention sont une chose. Cependant, le patient doit aussi – physiquement et mentalement – être en mesure de supporter les fatigues d’une opération qui s’étend sur plusieurs heures. Par ailleurs, il doit participer activement quand les médecins vérifient pendant l’intervention que les électrodes sont placées précisément au bon endroit et que la stimulation donne les effets souhaités.
D’autres points doivent être pris en considération. Il est vrai que la SCP est un procédé précis. Toutefois, elle cible des régions cérébrales qui ne sont pas seulement responsables du contrôle des mouvements, mais sont également impliquées dans d’autres processus. En conséquence, la SCP peut avoir des effets indésirables parfois difficiles à classer et à appréhender. L’apparition d’effets secondaires et leur étendue dépend de nombreux facteurs : de la région cible en question, d’éventuelles antécédents psychiatriques du patient ou de modifications de la médication après l’opération.
L’éventail des effets secondaires possibles d’une SCP est très large. De plus, toutes les conséquences ne peuvent être évaluées aussi facilement, car elles ne résultent pas forcément directement de la stimulation en elle-même. Ainsi, plusieurs effets indésirables peuvent également résulter (de l’adaptation) de la médication ou de l’évolution de la maladie. En outre, lors du processus décisionnel il convient de tenir compte du fait que la maladie en elle-même et les alternatives (pour la plupart médicamenteuse) à la SCP peuvent également avoir parfois des répercussions négatives similaires.
Les éventuels effets indésirables doivent faire l’objet d’une discussion préalable
Certains effets indésirables de la SCP sont fréquents. Ainsi, les patients qui prennent du poids après une opération de SCP ne sont pas rares, ce qui dans certain cas peut avoir valeur de maladie. De nombreuses études ont également étudié les effets de la SCP sur les fonctions mentales telles que le langage, la mémoire ou les émotions. Elles ont prouvé que l’importance de ces effets sur le quotidien des différents patients est très variable. D’une manière générale, de nombreuses études indiquent que les patients accordent davantage d’importance aux améliorations motrices qu’aux conséquences sur les sentiments, la cognition et le comportement – la qualité de vie s’améliore. Les cas d’effets secondaires psychiatriques graves qui exigent des thérapies ou une adaptation des paramètres de stimulation sont rares. L’augmentation du risque de suicide décrit dans la littérature spécialisée est un sérieux problème. Il n’est pas toujours évident de déterminer si c’est la SCP elle-même qui est responsable de telles conséquences ou si d’autres facteurs (tel que les modifications de la médication) interviennent.
Les relations changent
Les changements de comportement sont plus fréquents, mais d’autant plus difficiles à appréhender. Ils peuvent constituer un effet indésirable de la stimulation, mais également résulter de l’autonomie qu’un patient gagne ou regagne après une SCP réussie. Et quelle qu’en soit la cause précise : les changements comportementaux peuvent détruire des modèles immuables et mener à des bouleversements sociaux inattendus.
Jusqu’à présent, peu de recherches se sont penchées sur de telles conséquences psychosociales d’une intervention de SCP. Par conséquent, il est essentiel que lors des examens préalables à une intervention de SCP, les plus proches parents du patient soient intégrés dans le processus décisionnel. Une consultation minutieuse peut en outre permettre d’éviter la formulation d’attentes irréalistes quant à la thérapie qui n’aboutissent pas.
Accorder la priorité au bien-être du patient
Un message clé lors de la prise de décision en faveur ou à l’encontre d’une SCP : la prise de conscience que les conditions individuelles, les souhaits et les possibilités du patient et de son environnement doivent être au centre des préoccupations. Le Parkinson est une maladie complexe, qui affecte les individus dans leur intégralité –et non seulement leurs aptitudes motrices. Par conséquent, des répercussions indésirables peuvent résulter aussi bien de la maladie que des éventuelles approches thérapeutiques.
Les conséquences en apparence paradoxales ne sont pas exclues : la SCP peut permettre de contrôler une addiction au jeu d’origine médicamenteuse développée par un patient, car l’intervention s’accompagne d’une réduction de la posologie médicamenteuse. Toutefois, chez un autre patient, la SCP peut dans un premier temps provoquer une hypersexualité susceptible de créer d’importantes tensions dans une relation de couple.
Les situations dans lesquelles les résultats du traitement sont considérés différemment par les personnes concernées sont également complexes : un patient peut parfaitement s’accommoder de la légère hypomanie et du comportement à risque accru après ne SCP, voire apprécier cet état – ses proches en revanche, sont subitement confrontés à une « nouvelle personne » avec laquelle ils ont du mal à s’entendre. Ainsi, des conflits sociaux allant jusqu’au divorce peuvent voir le jour – cependant, il n’est pas vraiment évident de juger qu’il s’agit d’un résultat clairement négatif de la SCP ou plutôt d’une nouvelle configuration de vie.
Une chose est sûre : l’ensemble des parties prenantes, les médecins comme les patients et leur environnement, doivent se pencher sur les chances et les risques de toutes les formes thérapeutiques, les considérer précautionneusement et prendre ensuite leur décision de manière consciente et autonome en faveur ou à l’encontre d’une thérapie. Nota bene : ils doivent également apprendre à composer avec les résultats de cette décision.
PS : Parkinson suisse édite une brochure « la stimulation cérébrale profonde en cas de troubles moteurs » rédigée par le Dr Markus Christen et le Dr Sabine Müller www.parkinson.ch
Par le Dr. Markus Christen et le Dr. Sabine Müller
Lu dans Parkinson suisse mars 2012 par Jean Graveleau
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