Ne pas être qu'un "patient" ...

Ecraser les médicaments peut nuire à leur efficacité

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°54

La forme de certains médi­ca­ments n’est pas anodine et leur broyage est contre-indiqué. 

La prise de médi­ca­ments en compri­més ou en gélules s’avère parfois diffi­cile chez les patients atteints de troubles de la déglu­ti­tion ou de troubles psycho­lo­giques et compor­te­men­taux qui gênent l’ad­mi­nis­tra­tion par voie orale. Ce phéno­mène est parti­cu­liè­re­ment fréquent dans les établis­se­ments dédiés aux personnes âgées, ainsi que dans les services psychia­triques ou ORL. Le recours à l’écra­se­ment des médi­ca­ments est alors courant. Or une étude à paraître dans la Revue de Méde­cine Interne relève que cela peut nuire à leur efficacité.

« Bien que cette pratique soit répan­due, ses consé­quences ont rare­ment été étudiées », indique le profes­seur Jean Doucet, gériatre dans le service de méde­cine interne du CHU de Rouen. « Nous-​mêmes nous sommes inté­res­sés à ce problème, suite aux nombreuses tendi­nites que contrac­tait le person­nel infir­mier à force d’écra­ser des médi­ca­ments. C’est par ce biais que nous avons pris conscience des problèmes bien plus vastes liés à cette pratique arti­sa­nale qui ne répon­dait alors à aucune recom­man­da­tion ».

Sur la base de ce constat, son équipe a mené une enquête auprès de 23 unités de géria­trie de la région de Rouen. L’étude a ainsi relevé qu’un tiers des médi­ca­ments étaient réduits en poudre avant d’être admi­nis­trés aux patients, toutes les classes théra­peu­tiques étant concer­nées. Or dans 42% des cas, l’écra­se­ment de ces médi­ca­ments était contre-​indiqué. Trans­for­mer la forme d’un médi­ca­ment peut-​être dange­reux et expo­ser le patient à un sur ou un sous dosage. En effet, la forme de certains médi­ca­ments est étudiée pour les rendre « gastro-​résistants », c’est-​à-​dire empê­cher leur libé­ra­tion dans l’es­to­mac, ou encore pour allon­ger leur temps de libé­ra­tion dans le cas des formes dites « à libé­ra­tion prolon­gée ». Ces effets risquent d’être anni­hi­lés par la pulvé­ri­sa­tion, explique le profes­seur Doucet. « Il est d’au­tant plus regret­table que dans la majo­rité des cas, nous pour­rions les substi­tuer par des formes plus faciles à avaler ou des médi­ca­ments pouvant être écra­sés. Mais faute de recom­man­da­tions offi­cielles, les méde­cins pres­crip­teurs ne sont pas toujours au fait de ces diffi­cul­tés ».

Manque d’in­for­ma­tions :
L’étude révèle égale­ment des biais dans la prépa­ra­tion arti­sa­nale de ces poudres : « Les médi­ca­ments d’un même malade étaient écra­sés ensemble près de trois fois sur quatre et mélan­gés à des ingré­dients peu adap­tés – souvent de la compote (76% des cas) – pour faci­li­ter leur admi­nis­tra­tion. » Ces pratiques entraînent non seule­ment un risque d’in­te­rac­tion entre les prin­cipes actifs des diffé­rents médi­ca­ments, mais égale­ment avec les ingré­dients auxquels on les mélange pour faci­li­ter leur inges­tion, en raison de leur pH ou de leur tempé­ra­ture qui peuvent entraî­ner des réac­tions chimiques indésirables.
L’eau géli­fiée, appré­ciable pour sa neutra­lité, n’est utili­sée que dans 7,5% des cas. Enfin, faute de maté­riel et de person­nel dispo­nible, les mortiers et pilons utili­sés, sont communs à plusieurs patients dans plus de la moitié des cas. 

« Le person­nel soignant, prépa­ra­teurs comme pres­crip­teurs, n’est pas à blâmer pour autant », modère le profes­seur Doucet. Ces erreurs s’ex­pliquent par l’ab­sence flagrante de guides de bonnes pratiques et concerne tout autant les patients hors hôpi­tal. C’est pour­quoi il est urgent de four­nir des recom­man­da­tions aux méde­cins de ville, au person­nel des établis­se­ments de santé, mais aussi aux phar­ma­ciens de ville en contact avec les patients concer­nés ou leurs auxi­liaires de vie.
A la suite de ces résul­tats inquié­tants, des recom­man­da­tions complé­tées d’une liste exhaus­tive des médi­ca­ments pouvant ou non être écra­sés a été rédi­gée par la phar­ma­cie du CHU de Rouen, et mise à dispo­si­tion des pres­crip­teurs et des soignants sur son site Intra­net. Les recom­man­da­tions ont égale­ment été inté­grées au guide de l’ad­mi­nis­tra­tion du médi­ca­ment de la Haute Auto­rité de Santé (HAS) publié en décembre 2011.

Article relevé dans le Figaro par Soize Vignon
soize.vignon@orange.fr

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