Cure de nicotine contre la maladie de Parkinson
Publié le 20 décembre 2013 à 07:42Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°55
Article paru dans Sud-ouest Dimanche du 10 novembre 2013
Isabelle Castillon part en croisade pour défendre la nicotinothérapie.
Isabelle Castillon vit à Bayonne. Atteinte depuis 1987, elle participe au protocole unique de nicotinothérapie en France. Et ça va mieux ! La maladie de Parkinson a eu tort de s’en prendre à Isabelle Castillon. Elle est tombée sur un os. Car cette enseignante, installée à Bayonne, n’est pas du genre à se laisser attraper sans broncher. À 64 ans, elle participe en tant que patiente à un protocole thérapeutique unique en France. Totalement alternatif, révolutionnaire, archicontroversé, puisqu’il fait appel à la nicotine. Un mot est né de cette initiative médicale : nicotinothérapie.
Retour en 1987. Isabelle se souvient : « Je me dédouble, je m’entends parler, avec un écho, parfois je me mets à trembler. Je ne dors plus. En consultation, je vois un neurologue, il me prescrit un anxiolytique. Mais en 1992, je plonge. Trois semaines sans pratiquement dormir. Je suis hospitalisée pour dépression pendant un mois et j’en sors toujours aussi mal. Mes problèmes physiques se multiplient. C’est un neurologue que je croise qui va me diagnostiquer : Parkinson. »
Panique et soulagement. Isabelle sait ce qu’elle a ; elle est désormais prise en charge et traitée à la L‑dopa. « Je découvre ce que signifie l’expression lune de miel. La L‑dopa dope… pendant dix ans en moyenne », poursuit-elle. Puis, Isabelle Castillon la battante, toujours prof, est rattrapée par les symptômes de Parkinson qui se bousculent. « Mon écriture se rétrécit, je marche de plus en plus lentement, des difficultés d’élocution, tremblements, dyskinésie (mouvements involontaires). J’ai peur de sortir, je me renferme. J’ai honte qu’on me juge, car on me juge. Je prends des renseignements partout, pour aller mieux. »
Quatre ans de patience :
Parkinson est une maladie neurodégénérative, Isabelle sait qu’il faudra accepter la dégringolade. Elle se rebelle. « Un jour, en 2000, je découvre un reportage sur CNN. Il est question de nicotine dans le traitement de Parkinson. Je note le nom du médecin : Gabriel Villafane, de l’hôpital Henri-Mondor à Créteil (94). Je vais batailler des mois pour obtenir un rendez-vous. La débrouille et le bouche-à-oreille. Je débarque à Mondor avec mon dossier médical, mais il faudra encore quatre ans de patience avant d’obtenir mes premiers patchs de nicotine pure. » DAT-Scan, un scanner qui date les courts-circuits du cerveau générés par la maladie, examens du cœur, tension, sang. Le corps et le cerveau d’Isabelle sont passés au crible. En 2009, elle obtient enfin la première série de patchs.
« Il faut le positionner en bas de la colonne, dans le dos. La nicotine diffuse alors jusqu’au cerveau », précise la patiente. Les effets positifs du traitement se font sentir au bout de quelques semaines. La maladie ne disparaît pas, mais les symptômes régressent. Isabelle demeure sous L‑dopa, bien entendu. « J’ai recommencé à marcher, je ne tremble plus, la dyskinésie a pratiquement disparu, je suis plus active, le moral revient. Je vois des gens, je sors et, surtout, je me moque éperdument du regard des autres. La joie de vivre à nouveau… Aujourd’hui, je m’occupe de mes petits-enfants, je chante. Sans la nicotine pure, je serais à ce jour en fauteuil roulant. J’ai diminué de moitié la dose de mes médicaments. Ce fut un parcours du combattant, et aujourd’hui encore, je me heurte à l’incrédulité de mes médecins, des neurologues, des pharmaciens. Je suis considérée comme une malade récalcitrante. »
Thérapie ostracisante :
Des médecins l’accusent de s’adonner à une thérapie « ostracisante » parce que les patchs ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale. « Que font les autres, ceux qui ne peuvent pas payer ? » entend-elle. Les pharmaciens lui font la morale. Certains lui ont même asséné : « À ce prix, mieux vaut reprendre les cigarettes, c’est moins cher ! » En effet, deux boîtes de patchs par mois reviennent à 80 euros (1). Pas à la portée de toutes les bourses…
D’un autre côté, les réseaux sociaux bouillonnent, les malades de Parkinson cherchent des solutions pour aller mieux, ils veulent tout tenter, s’intéressent de près aux travaux de recherche. Alors, Isabelle Castillon est partie en croisade, elle mesure que tout le monde n’a pas son tempérament têtu. « Si je me fais connaître, c’est pour qu’un réseau défendant la nicotinothérapie se monte. Je sais que tous les patients ne peuvent pas être traités, parce que le traitement répond à des critères exigeants. Il n’est pas sans risque s’il est prescrit n’importe comment. Il faut savamment doser le taux de nicotine. » Les patients suivis à l’hôpital Mondor de Paris sont en train de se fédérer pour monter un collectif pro-nicotinothérapie. Et inciter le réveil des pouvoirs publics qui, enfin, cautionneront le médicament.
(1) À ce jour, les patchs de nicotine sont remboursés à hauteur de 50 euros par an.
Interview de Gabriel Villafane, neurologue à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil
C’est lui qui a mis au jour ce traitement alternatif de la maladie de Parkinson. Neurologue au sein de l’hôpital Henri-Mondor à Créteil, Gabriel Villafane a, en 1999, avec son chef de service, le professeur Pierre Cesaro, déposé une demande de brevet sous cette appellation : « Utilisation de la nicotine à l’état pur comme médicament pour les maladies neurodégénératives, notamment la maladie de Parkinson… »
Sud-ouest Dimanche : Comment avez-vous pensé à utiliser la nicotine pure ?
Gabriel Villafane : J’ai observé des malades, notamment psychiatriques, placés sous neuroleptiques qui devenaient accros à la cigarette. Alors qu’ils étaient atones, lorsqu’ils fumaient, ils retrouvaient une énergie, le temps de la cigarette. J’ai fait le lien : la nicotine. Nous avons déposé un brevet en1999, au nom de l’Assistance publique. Il est protégé durant vingt ans. En 2009, la validité scientifique du brevet a été validée.
S‑O : Combien de patients avez-vous suivis avec ce traitement ?
G. V. : À ce jour, plus de 1 000 personnes. Le plus ancien est sous nicotine pure transdermale (NEP) depuis douze ans. Il va bien. Le premier protocole a permis à six patients de tenter cette aventure. En 2004, face à une arrivée massive de demandes de patients, nous avons été débordés. Il a fallu créer un second protocole, intitulé « protocole compassionnel ». Nous assurons le diagnostic, les examens, la prescription, mais les patients doivent payer la NEP, pas remboursée.
S‑O : Pourquoi cette thérapie alternative, alors qu’elle semble porter ses fruits, tarde-t-elle à trouver plus d’écho ?
G. V. : D’abord, elle n’est pas politiquement correcte. Le message autour de la nicotine est complexe. D’un côté, on connaît les dégâts du tabac, de l’autre, on veut faire entendre que la nicotine peut être un médicament… Il ne s’agit pas de fumer, la cigarette est un danger. La nicotine à l’état pur n’est pas dangereuse. Elle est un neuro-modulateur des neurones du système nerveux central. Un neurotransmetteur qui intervient au niveau de la synapse neuronale, des récepteurs de la dopamine dans le cas de Parkinson. Les observations cliniques et d’imagerie (DAT-Scan) montrent un ralentissement de la maladie. Alors, pourquoi ce blocage ?
Aujourd’hui, on soigne Parkinson avec des traitements chimiques et chirurgicaux. En dehors de la NEP, aucun traitement n’agit aussi bien sur l’évolution de la maladie. À ce jour, nous n’arrivons pas à obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) des patchs nicotiniques, qui sont conçus pour un usage transitoire et seulement à vocation de sevrage tabagique. Du coup, les parkinsoniens que nous traitons sont quasi clandestins… Aux États-Unis, en Allemagne, les publications sur les vertus de la nicotine dans le traitement de Parkinson affluent. Ils vont nous doubler et déposer des brevets de patchs nicotiniques pour Parkinson avant nous.
Trop de lenteurs administratives, de peurs.
Recueilli par Isabelle Castera i.castera@sudouest.fr
Transmis par Dominique Bonne dominique.bonne@gmail.com
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Bonjour Dominique et Martine, vos commentaires laissent supposer que l apport en nicotine n a pas amélioré votre santé ?
Commentaire by Fella — 2 août 2017 #
Bonjour Dominique ferant
Même chose pour mon mari dont l’état s’est beaucoup dégradé depuis octobre. Il ne peut pratiquement plus marcher : pertes d’équilibre, chutes, etc.
Il est à 14 et 21mg de nicotine en alternance un jour sur 2.
Je ne sais plus quoi faire, on se sent délaissé face à cette situation.
J’espère qu’une solution sera bientôt trouvée. ..
Bon courage à vous
Commentaire by Martine — 4 mai 2017 #
A l’attention de Madame Isabelle Castillon
Bonjour,
Je fais partie des parkinsoniens suivis par Monsieur VILLAFANE à Henri MONDOR et touchés par l’arrêt des consultations à Vidart.
Depuis Octobre mon état s’est énormément aggravé ‚malgré une hospitalisation en urgence en février à Mondor dans le service Bachoud Levy. (résultat : dosage dopamine empirique ..catastrophique) mon état ne cesse de se dégrader.
J’aimerai connaitre le résultat de votre pétition adressée à Marisol Touraine.
Je n’arrive pas à trouver un information que ce soit sur le site AFIRN ou par A2N (ou je suis adhérent).
Pouvez vous me dire s’il y a une réaction au niveau du ministère de la santé.
Compte tenu de mes malaises de plus en plus rapprochés je suis tenté d’augmenter empiriquement le dosage de nicotine.
Bien cordialement Dominique FERANT
Commentaire by FERANT Dominique — 2 mai 2017 #
Nous nous employons a faire en sorte que la nicotine/medicament soit reconnue comme l »a ete rcemment le cannabis, developpons des strategies toujours renouvelees face a ce qu’on ne peut plus appeler des reticences mais plutot une hostilite bien organisee, un verrouillage systematique qu’il s’agit de denoncer publiquement. Nous le ferons
Commentaire by saint genez — 27 février 2014 #
QUE FAUT-IL FAIRE POUR QUE CE TRAITEMENT PUISSE ETRE PRESCRIT A TOUS LES MALADES ?
C’EST INOUI QUE CELA NE SOIT PAS SAISI PAR LES AUTORITES ET DEVELOPPE.
Commentaire by TALAGRAND — 25 février 2014 #
Bonsoir
C’est ce que nous devrions tous faire. Apporter nos témoignages. Cela aiderait surement aux autorités concernées de bouger. Et ne pas avoir qu’un seul Villafane
Encore Bravo Isabelle pour cette interview
Katy
Commentaire by Katy — 4 janvier 2014 #