Ne pas être qu'un "patient" ...

Bilan des deux boursières soutenues par CECAP (1/​2)

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°55

Bilan de la thèse d’Elodie Mathieux : Le rejet suite à la greffe intra­cé­ré­brale : étude de la réponse humo­rale et proprié­tés immu­no­sup­pres­sives des cellules souches.

La mala­die de Parkin­son est carac­té­ri­sée par la dégé­né­res­cence progres­sive et sélec­tive des neurones dopa­mi­ner­giques de la voie nigros­tria­tale. La destruc­tion des neurones dopa­mi­ner­giques de la substance noire a pour consé­quence une dimi­nu­tion de la sécré­tion de dopa­mine au niveau du striatum.

Actuel­le­ment, il n’existe pas de trai­te­ment cura­tif de la mala­die, mais diffé­rents trai­te­ments symp­to­ma­tiques sont utili­sés. L’administration par voie orale de L‑DOPA (lévo­dopa), précur­seur de la dopa­mine capable de traver­ser la barrière héma­toen­cé­pha­lique, est l’un des trai­te­ments les plus couram­ment pres­crits. Un incon­vé­nient majeur de la prise de L‑DOPA est l’ap­pa­ri­tion, au bout de quelques années, de dyski­né­sies (mouve­ments anor­maux). Une autre stra­té­gie basée sur la stimu­la­tion élec­trique du noyau sous-​thalamique montre une effi­ca­cité sur les troubles moteurs dans la plupart des cas, mais les risques chirur­gi­caux et les critères d’in­clu­sion en font une opéra­tion acces­sible à un très faible nombre de patients. De plus, de nombreux symp­tômes ne sont pas corri­gés par ces thérapies. 

Aussi, il appa­raît impor­tant de pour­suivre les recherches sur les stra­té­gies restau­ra­trices, notam­ment la greffe intra­cé­ré­brale de neuro­blastes dopa­mi­ner­giques fœtaux.

Des neuro­blastes mésen­cé­pha­liques issus de fœtus humains (7 – 9 semaines) et trans­plan­tés dans le cerveau de patients parkin­so­niens ont conduit à des amélio­ra­tions cliniques basées, entre autres, sur la produc­tion de dopa­mine par les neurones gref­fés. Cepen­dant, le recours à des cellules fœtales humaines est freiné par des consi­dé­ra­tions éthiques et logis­tiques qui limitent l’accès à ces greffes. Il est apparu alors néces­saire de se tour­ner vers d’autres sources cellu­laires et notam­ment les cellules d’origine porcine. 

En effet, le porc présente de nombreux avan­tages pour la xéno­trans­plan­ta­tion : un grand nombre d’embryons à chaque portée, une faci­lité d’éle­vage, la possi­bi­lité de contrô­ler la repro­duc­tion des animaux et de pouvoir prati­quer des mani­pu­la­tions géné­tiques. De plus, les neuro­blastes issus de fœtus porcins émettent des neurites de longueurs simi­laires à celles obser­vées chez l’Homme. Une survie des cellules gref­fées, une réin­ner­va­tion du stria­tum ainsi qu’une récu­pé­ra­tion des fonc­tions motrices ont été obser­vées lors d’essais cliniques menés chez certains patients parkin­so­niens trai­tés par des immu­no­sup­pres­seurs (molé­cules permet­tant de limi­ter l’activité du système immu­ni­taire). Mais le problème rencon­tré reste le rejet de ces greffes.

En effet, en l’absence d’immunosuppresseur comme la cyclo­spo­rine A, les greffes de neuro­blastes porcins dans le stria­tum de rat sont systé­ma­ti­que­ment reje­tées au bout de 7 – 8 semaines. Les trai­te­ments par des immu­no­sup­pres­seurs prolongent la survie de la greffe, mais de manière tran­si­toire. De plus, utili­sés à fortes doses, ceux-​ci entraînent des effets secon­daires, notam­ment une toxi­cité rénale. Il est donc impor­tant de comprendre et d’étu­dier les méca­nismes en cause dans le rejet pour envi­sa­ger une survie à long terme de la greffe.

Diverses études ont mis en évidence un rôle impor­tant de la réponse immu­ni­taire cellu­laire dans le rejet. En effet, en l’absence d’immunosuppresseur, on observe vers 7 à 8 semaines une forte infil­tra­tion de la greffe par des lympho­cytes T, des cellules dendri­tiques et des cellules micro­gliales activées.

Outre la réponse cellu­laire, il a été observé un dépôt d’anticorps et de complé­ment au niveau du gref­fon. Cette obser­va­tion suggère une réponse humo­rale carac­té­ri­sée par la produc­tion d’anticorps diri­gés contre la greffe, qui, à ce jour, a été très peu étudiée.

Une partie de mon travail de thèse au sein de l’INSERM U1064 de Nantes a eu pour but de carac­té­ri­ser le rôle de la réponse humo­rale dans le rejet des xéno­greffes intracérébrales. 

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Evolu­tion de la produc­tion d’anticorps au cours des diffé­rents stades du rejet.

Les anti­corps produits suite à la greffe vont venir se fixer sur les cellules porcines du gref­fon et le détruire. Nous avons pu mettre en évidence que la produc­tion d’anticorps augmen­tait en fonc­tion du délai post greffe et du statut de la greffe. En parti­cu­lier, une forte concen­tra­tion d’anticorps est obser­vée dans le sérum de rats pour lesquels la greffe est reje­tée. Les anti­corps accom­pa­gnés d’une acti­va­tion du complé­ment seraient cepen­dant, en premier lieu, atti­rés au sein de la greffe avant d’être détec­tés dans le sérum.

Evolu­tion de la produc­tion d’anticorps au cours des diffé­rents stades du rejet.

Les anti­corps vont préfé­ren­tiel­le­ment venir se fixer sur les neurones et en moindre mesure sur les astro­cytes. De plus, la survie des greffes de cellules mésen­cé­pha­liques porcines est augmen­tée chez des rats ne possé­dant plus d’anticorps. Ces résul­tats suggèrent un rôle impor­tant de la réponse humo­rale dans le rejet des xéno­greffes intracérébrales.

Afin de limi­ter le rejet des greffes intra­cé­ré­brales, une autre partie de mon travail a été d’étudier les proprié­tés immu­no­sup­pres­sives des cellules souches et en parti­cu­lier des cellules souches neurales (CSN). Les CSN sont des cellules multi­po­tentes capables d’auto-renouvellement et de proli­fé­ra­tion. Elles peuvent géné­rer les trois types cellu­laires prin­ci­paux du système nerveux central que sont les neurones, les astro­cytes et les oligo­den­dro­cytes. Les CSN vont pouvoir être culti­vées sous forme de neurosphères.

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Cellules souches neurales de rat sous forme de neurosphères.

Nous avons pu démon­trer que les CSN de rat inhi­baient la proli­fé­ra­tion des cellules T de rat de manière dose dépen­dante. Les CSN agissent alors par l’intermédiaire de facteurs solubles dont l’hème oxygénase.

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Inhi­bi­tion de la proli­fé­ra­tion des cellules T de rat par les cellules souches neurales de rat de manière dose dépendante.

Les CSN possèdent donc des proprié­tés immu­no­sup­pres­sives qui permet­traient de limi­ter le rejet lors de greffes intra­cé­ré­brales tout en dimi­nuant l’utilisation d’immunosuppresseurs systémiques.

L’ensemble des résul­tats de ma thèse ouvre des nouvelles pers­pec­tives pour parve­nir à contrô­ler le rejet de xéno­greffes intra­cé­ré­brales. En l’occurrence, on pour­rait espé­rer qu’une immu­no­sup­pres­sion locale, basée sur la trans­plan­ta­tion de cellules souches asso­ciées à une admi­nis­tra­tion systé­mique d’immunosuppresseurs ciblant les réponses humo­rales et cellu­laires, soit suffi­sam­ment effi­cace pour assu­rer la survie à long terme de cellules neurales xéno­gé­niques dans un cerveau.

Je tenais à remer­cier tous les membres de l’association CECAP pour leur soutien tout au long de ma thèse.
Rédigé par Elodie Mathieux 

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