Ne pas être qu'un "patient" ...

La nicotine diminue-​t-​elle le risque de développer la maladie de Parkinson ?

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°57

Selon le maga­zine « améri­cain Disco­ver », la nico­ti­no­thé­ra­pie permet de préve­nir et de trai­ter des mala­dies neuro­lo­giques. Mais la méthode fait débat.

La nico­tine amélio­re­rait la mémoire, la concen­tra­tion et la motricité.
La décou­verte peut lais­ser scep­tique, mais c’est le très sérieux maga­zine améri­cain Disco­ver qui révèle, dans son édition de mars, les bien­faits de la nico­tine, cette molé­cule contro­ver­sée conte­nue dans la ciga­rette et qui serait respon­sable de l’ad­dic­tion au tabac. D’après la revue scien­ti­fique, la nico­tine stimu­le­rait l’ap­pren­tis­sage, aide­rait à la concen­tra­tion et, plus éton­nant encore, permet­trait de trai­ter et de préve­nir des mala­dies neuro­lo­giques comme celle de Parkin­son ou la schizophrénie.

L’ef­fi­ca­cité de la nico­tine pour la préven­tion et le trai­te­ment de Parkin­son, cette mala­die neuro­dé­gé­né­ra­tive qui perturbe les mouve­ments et se carac­té­rise par des trem­ble­ments, a déjà – et depuis plus de quarante ans – été prou­vée par plusieurs études. La première fut menée par Harold Kahn, un épidé­mio­lo­giste améri­cain, qui, en 1966, avait démon­tré que, sur 300 000 vété­rans améri­cains, les fumeurs avaient certes onze fois plus de risques de mourir que les autres, mais égale­ment trois fois moins de risques de contrac­ter la mala­die de Parkin­son. Cette décou­verte fut ensuite confir­mée en 1971 par une étude sur les fumeurs de Balti­more, puis en 1979 par les travaux d’une neuro­bio­lo­giste fran­çaise recon­nue aux États-​Unis, Marie-​Françoise Ches­se­let. La scien­ti­fique a mis en avant l’ac­tion de la nico­tine sur la produc­tion de dopa­mine, un neuro­trans­met­teur essen­tiel pour boos­ter l’at­ten­tion et contrô­ler ses mouvements.

Amélio­rer ses capa­ci­tés cérébrales
La nico­tine favo­ri­se­rait la sécré­tion de dopa­mine, qui se libère dans le stria­tum, une partie du cerveau impli­quée dans la motri­cité, ce qui expli­que­rait son effi­ca­cité sur les patients atteints de troubles moteurs, comme ceux provo­qués par la mala­die de Parkin­son. D’ailleurs, le traitement-​phare de la mala­die, le L‑Dopa, a, comme son nom l’in­dique, pour effet de pallier l’in­suf­fi­sance de dopa­mine. La cure expose toute­fois les patients à une dyski­né­sie, un effet secon­daire qui provoque des mouve­ments incon­trô­lés des mains ou de la tête. En atten­dant de tester offi­ciel­le­ment la nico­ti­no­thé­ra­pie sur de véri­tables malades, Maryka Quik, une neuros­cien­ti­fique améri­caine, a réalisé en 2007 une expé­rience sur des primates atteints de Parkin­son — une partie sous L‑Dopa et une autre non trai­tée. Après leur avoir admi­nis­tré de la nico­tine, elle a pu consta­ter une dimi­nu­tion de moitié des trem­ble­ments sur tous les sujets, mais égale­ment une baisse de 35 % de la dyski­né­sie des primates sous L‑Dopa.

La molé­cule permet­trait égale­ment de soigner d’autres patho­lo­gies. Les scien­ti­fiques connais­saient déjà les bien­faits de la nico­tine alimen­taire – conte­nue à faible dose dans les poivrons ou les tomates – sur la concen­tra­tion et la mémoire, mais certains cherchent aujourd’­hui à démon­trer que le trai­te­ment nico­ti­nique favo­ri­se­rait, de la même manière, l’at­ten­tion et la mémoire. En 2008, Paul Newhouse, direc­teur d’un centre de méde­cine cogni­tive, a publié les résul­tats d’une étude menée sur 15 personnes atteintes de troubles de l’at­ten­tion, auxquelles de la nico­tine a été admi­nis­trée. À l’is­sue des analyses, il appa­raît clai­re­ment que la nico­tine aide les patients à inhi­ber une pulsion et à mémo­ri­ser une image. Paul Newhouse va plus loin, puis­qu’il a égale­ment mené l’ex­pé­rience sur des patients sans troubles sur lesquels, après trai­te­ment nico­ti­nique, il relève une amélio­ra­tion de 15 % de l’at­ten­tion et de la mémoire visuelle. 

Consom­mer de la nico­tine permet­trait donc à toute personne d’amé­lio­rer ses capa­ci­tés céré­brales et de la prému­nir contre des patho­lo­gies d’ordre moteur. L’ex­plo­ra­tion des possi­bi­li­tés de la nico­ti­no­thé­ra­pie va jusqu’à envi­sa­ger des effets posi­tifs sur la mala­die d’Alz­hei­mer. L’es­poir se fonde sur la manière dont agit la nico­tine dans le cerveau : elle améliore en réalité la commu­ni­ca­tion entre les neurones et les cellules gliales, sur lesquelles elle se fixe, et permet ainsi la libé­ra­tion d’une molé­cule, la sérine, favo­ri­sant la circu­la­tion de l’in­flux nerveux dans l’hip­po­campe, un centre essen­tiel de la mémoire dans le cerveau. Les travaux d’étude sur cette possi­bi­lité en sont toute­fois à leurs balbu­tie­ments, surtout frei­nés par la méfiance de l’opi­nion publique et d’une partie de la médecine.

Polé­mique
Spon­ta­né­ment assi­mi­lée au taba­gisme et à la dépen­dance qu’elle entraîne, la nico­tine admi­nis­trée en cure crée la contro­verse. L’as­so­cia­tion de la nico­tine et de la ciga­rette empêche de promou­voir cette théra­pie. Pour­tant, la distinc­tion est évidente. La ciga­rette, et son mélange de nombreuses substances nocives, tue ; la nico­tine ne tue pas. Reste donc le problème de la dépen­dance. En 2009, une décou­verte avait disculpé la molé­cule : la nico­tine seule ne serait pas addic­tive, et la créa­tion d’un état de dépen­dance des fumeurs serait en fait liée à l’as­so­cia­tion de cinq autres produits chimiques dans la ciga­rette. Le résul­tat avéré de cette étude donne de la crédi­bi­lité à la nico­ti­no­thé­ra­pie et d’ailleurs, dans toutes les expé­riences réali­sées et préci­tées, aucun état de dépen­dance n’a jamais été constaté. Mais des études scien­ti­fiques contraires appa­raissent sans cesse et il est impos­sible d’as­seoir ferme­ment un résul­tat, surtout dans un domaine aussi sensible.

Il reste toute­fois prouvé qu’à haute dose et sur une période de plus de huit mois la consom­ma­tion de nico­tine par voie trans­der­mique – patch – a des effets béné­fiques sur le plan moteur, sur les troubles de la mémoire, et permet­trait même une rémis­sion globale de symp­tômes tels que la dysto­nie, la dyski­né­sie ou les trem­ble­ments. La nico­ti­no­thé­ra­pie présente égale­ment de nombreux avan­tages : elle n’im­plique aucune chirur­gie, restant donc un trai­te­ment non inva­sif, elle s’ad­mi­nistre très simple­ment – par appo­si­tion d’un patch sur la peau –, elle permet une libé­ra­tion rapide et prolon­gée de la molé­cule cura­tive dans le sang, elle stimule la produc­tion de dopa­mine, dont l’im­por­tance est essen­tielle pour la motri­cité, et elle consti­tue un trai­te­ment à moindre coût. Aupa­ra­vant, le terme de « nico­ti­no­thé­ra­pie » n’était employé que pour dési­gner le sevrage par patch des fumeurs. L’ex­ten­sion de ce proto­cole à des patho­lo­gies lourdes et son utili­sa­tion théra­peu­tique alter­na­tive pour des mala­dies neuro­lo­giques et psychia­triques sont un motif de contro­verse. Quelques asso­cia­tions, comme le Groupe Parkin­son Ile-​de-​France (GPIDF), demandent une recon­nais­sance de la nico­ti­no­thé­ra­pie pour trai­ter la maladie.

Des patients, suivis par des méde­cins qui promeuvent cette méthode, affirment l’ef­fi­ca­cité du trai­te­ment et confirment les vertus cura­tives de la nico­tine, dont ils regrettent qu’elles entrent en conflit avec les idées reçues. Ils estiment que passer au-​delà de la confu­sion autour de cette molé­cule serait une bonne nouvelle pour l’avan­cée de la recherche. Une recon­nais­sance de la théra­pie leur ouvri­rait le rembour­se­ment du traitement.
Le Point.fr — Publié le 16/​04/​2014 à 12:59 — Modi­fié le 16/​04/​2014 à 19:19
Trans­mis par Renée Duffant

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