Ne pas être qu'un "patient" ...

Maladie de Parkinson : le traitement les rend accro au sexe

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°61

C’est un effet secon­daire poten­tiel des trai­te­ments anti­par­kin­so­niens, aux consé­quences drama­tiques dans une vie de couple, que des psychiatres et neuro­logues décrivent dans le numéro daté de mars 2015 de la revue La Presse Médi­cale. Le Dr Pierre Grand­ge­nevre et ses collègues du CHRU de Lille se sont inté­res­sés à l’impact de l’hypersexualité sur l’entourage d’un patient atteint de mala­die de Parkin­son. Résul­tat d’une inca­pa­cité à résis­ter aux impul­sions, ce trouble du compor­te­ment sexuel, affecte, selon les études, entre 2,6% et 7,2% des patients atteints de mala­die de Parkinson.

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Des psychiatres ont proposé à des hommes souf­frant de mala­die de Parkin­son, et chez lesquels des neuro­logues avaient décou­vert ou suspecté une hyper­sexua­lité, de les rencon­trer en présence de leur conjointe. Sept patients ont accepté, dont six étaient accom­pa­gnés de leur compagne.

Les entre­tiens ont montré que les malades parkin­so­niens n’avaient pas systé­ma­ti­que­ment conscience de présen­ter une hyper­sexua­lité. Ce chan­ge­ment dans le compor­te­ment sexuel était géné­ra­le­ment mini­misé, voire nié, par les patients. Pour trois patients sur sept, la modi­fi­ca­tion de compor­te­ment n’était pas vécue comme problé­ma­tique. Surtout, cette étude a le mérite de souli­gner les consé­quences dévas­ta­trices de ce trouble dans la vie de la conjointe du malade. L’hypersexualité peut en effet engen­drer des compli­ca­tions psychia­triques, notam­ment un état dépres­sif, des idées suici­daires, un état de stress post-​traumatique, dans l’entourage immé­diat du malade parkin­so­nien devenu sexuel­le­ment hyperactif. 

Malgré le faible effec­tif de patients évalués dans cette étude, les descrip­tions de certains cas permettent de cerner les diffé­rentes expres­sions que peut revê­tir l’hypersexualité. Attardons-​nous sur le cas d’un malade de 53 ans et de sa femme du même âge. L’augmentation de la libido, s’accompagnant d’une modi­fi­ca­tion du compor­te­ment sexuel, est appa­rue rapi­de­ment à la mise en route du trai­te­ment anti­par­kin­so­nien, selon la conjointe. 

Elle rela­tait « une augmen­ta­tion des envies sexuelles de son époux, se mani­fes­tant par des solli­ci­ta­tions perma­nentes, à des moments inadap­tés de la jour­née. Elle a décou­vert des films et revues à carac­tère porno­gra­phique au sein de la maison, ce qui n’était pas le cas aupa­ra­vant. Devant l’absence de réponse systé­ma­tique aux avances de son mari, elle a expli­qué que celui-​ci avait déve­loppé un senti­ment de méfiance à son égard. Son mari était alors persuadé qu’elle le trom­pait avec un autre homme puisqu’elle refu­sait souvent ses demandes de rela­tion sexuelle », relatent les auteurs. Ils soulignent que, dans ce couple en perpé­tuel conflit au sujet de la sexua­lité, la situa­tion était deve­nue telle­ment insup­por­table pour l’épouse que celle-​ci avait menacé son mari de porter plainte pour harcè­le­ment sexuel s’il ne chan­geait pas de comportement. 

Un autre cas clinique, parti­cu­liè­re­ment doulou­reux, concerne un malade de 69 ans et sa conjointe de 63 ans avec laquelle il vivait depuis 47 ans. Celle-​ci s’est trou­vée contrainte d’exercer un chan­tage au suicide lors des refus de l’acte sexuel. Elle avait été violée à plusieurs reprises par son mari, alors même que ce dernier ne perce­vait pas les consé­quences néga­tives de la modi­fi­ca­tion de son compor­te­ment. « Son mari dormait avec un couteau au milieu du lit et s’en servait comme moyen de pres­sion en mena­çant de la tuer puis de se suici­der si elle repous­sait ses demandes sexuelles  », précisent les auteurs. Cette femme était terro­ri­sée lorsqu’elle subis­sait de force un rapport sexuel par un mari incon­trô­lable qui la mena­çait de mort. Elle était constam­ment sur ses gardes, présen­tait des troubles du sommeil, faisait des cauche­mars et allait parfois jusqu’à s’enfermer de crainte d’avoir à subir les assauts nocturnes de son mari. 

Des inter­ve­nants médi­caux, pour­tant contac­tés par les conjointes, à plusieurs reprises, « n’avaient pas pris la mesure des modi­fi­ca­tions de compor­te­ments, notam­ment sexuels, des patients », notent les auteurs. Ils les justi­fiaient en mettant en avant l’amélioration des symp­tômes moteurs de la mala­die de Parkin­son et une dimi­nu­tion d’autres signes impu­tables à la mala­die, comme l’apathie.

Lors des entre­tiens, les méde­cins ont eu la surprise d’apprendre que 2 des 7 patients avaient réussi à se faire pres­crire, de manière évidem­ment inap­pro­priée, un médi­ca­ment destiné à lutter contre les troubles de l’érection (Viagra®) par leur méde­cin géné­ra­liste visi­ble­ment peu informé de la possible surve­nue de troubles du compor­te­ment sexuel impu­table à un trai­te­ment antiparkinsonien. 

La fréquence de l’hypersexualité est « proba­ble­ment sous-​estimée », estiment les auteurs, les soignants étant réti­cents à poser des ques­tions concer­nant un secteur de la vie intime des patients. Ce trouble du compor­te­ment sexuel doit pour­tant être repéré « le plus préco­ce­ment possible afin de propo­ser une stra­té­gie de soins adap­tés », insistent les auteurs. Il importe en effet de modi­fier le trai­te­ment dopa­mi­ner­gique utilisé en cas de surve­nue de troubles du compor­te­ment ayant un impact sur la qualité de vie du patient et de sa conjointe. 

Les méde­cins lillois font remar­quer que tous les patients rencon­trés dans leur étude étaient des hommes. Ils se demandent si le thème de l’hypersexualité serait moins évoqué lorsque le malade est une femme. Et de conclure : « les consé­quences de l’hypersexualité sont-​elles [alors] moins problé­ma­tiques ? Les mani­fes­ta­tions de l’hypersexualité sont-​elles [dans ce cas] diffé­rentes ? ».

L’hypersexualité, un trouble du contrôle des impulsions
Le trai­te­ment de la mala­die de Parkin­son a pour effet secon­daire poten­tiel d’induire des troubles du contrôle des impul­sions (TCI). La plupart des cas rappor­tés (90 %) dans la litté­ra­ture concernent les agonistes dopa­mi­ner­giques, médi­ca­ments qui stimulent la fabri­ca­tion de dopa­mine pour rempla­cer celle que les neurones détruits par la mala­die ne fabriquent plus. Au total, 14% des patients parkin­so­niens ont un TCI. On peut obser­ver une addic­tion aux jeux d’argent («  jeu patho­lo­gique  ») (5%), une hyper­sexua­lité (3,5%), des achats compul­sifs (5,7%), une bouli­mie (4,3%). De fait, 3,9 % des patients présentent plusieurs types de TCI.

Les modi­fi­ca­tions du compor­te­ment sexuel peuvent avoir des consé­quences judi­ciaires pour le patient quand il commet des actes de frot­teu­risme (propen­sion à toucher la poitrine ou les organes géni­taux d’une autre personne de manière à ce que la chose paraisse acci­den­telle, dans une foule par exemple), d’exhibitionnisme, de zoophilie.

Enfin, dans certains pays, il est déjà arrivé que des patients soient jugés et incar­cé­rés pour des compor­te­ments sexuels dange­reux. D’où la néces­sité pour les méde­cins de déli­vrer une infor­ma­tion exhaus­tive sur les risques poten­tiel­le­ment graves liés au trai­te­ment, aux patients et à leur entou­rage, au moment de l’instauration du trai­te­ment, mais aussi de recher­cher des troubles du contrôle des impul­sions lors du suivi des patients traités.

Marc Gozlan, jour­na­liste à Sciences et Avenir le 15 mars 2015
Lu par Renée Dufant

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