Vivre et accompagner le parkinsonien au quotidien, point de vue du neurologue
Publié le 06 mai 2016 à 21:45Texte de la conférence donnée par Dr Amélie Leblanc le 1er avril 2016, devant 200 personnes, à l’invitation par le GP29 à Landivisiau.
Pour mieux vivre sa maladie ou accompagner au mieux un patient parkinsonien en tant qu’aidant, il paraît indispensable de connaître la physiopathologie de la maladie de Parkinson, ses signes cliniques, les traitements et leurs effets secondaires ainsi que les structures d’aides médico-sociales. C’était le but de la conférence du 1er avril dernier à Landivisiau.
La maladie de Parkinson représente la deuxième maladie neuro-dégénérative en France après la maladie d’Alzheimer. Elle touche ainsi 150 000 personnes chaque année en France. Elle débute en moyenne vers 60 ans, plus rarement avant 40 ans et touche autant les hommes que les femmes. Elle est désormais intégrée au plan des maladies neuro-dégénératives (PMND) 2014 – 2019 visant à améliorer sa prise en charge.
La maladie de Parkinson est secondaire à un dysfonctionnement des noyaux gris centraux, siège de la motricité automatique. Du point de vue anatomopathologique, on peut observer une dépigmentation de la substance noire siégeant dans le mésencéphale liée à la dégénérescence des neurones dopaminergiques. A un niveau plus microscopique on observe des corps de Lewy dans les neurones. De nombreuses structures non dopaminergiques sont également touchées par le processus neurodégénératif. Les causes de cette perte neuronale sont la plupart du temps inconnues même si la responsabilité des pesticides est maintenant établie et si des formes familiales sont décrites.
Signes cliniques
Il est désormais acquis qu’il existe une phase pré-motrice précédant sûrement de plusieurs années l’apparition des symptômes moteurs. Cette phase comporte des signes cliniques variés tels que les troubles olfactifs, la constipation ou les troubles du comportement en sommeil paradoxal. Une des hypothèses physiopathologique serait l’existence d’une progression ascendante des lésions depuis le système nerveux digestif jusqu’au bulbe olfactif et au tronc cérébral.
Les signes moteurs apparaissent quant à eux lorsque les neurones dopaminergiques ont diminué de 70%. Ils comportent le tremblement de repos, l’akinésie et l’hypertonie extra-pyramidale (rigidité) qui composent la triade parkinsonienne.
Les patients parkinsoniens peuvent aussi se plaindre de symptômes non moteurs divers qui pourraient être représentés comme la partie immergée d’un iceberg. Ces symptômes souvent moins bien connus que les signes moteurs peuvent parfois être déroutants pour le patient et son entourage.
La mobilité peut être limitée par un freezing et des chutes secondaires à des troubles de l’équilibre, de la posture ou à une hypotension orthostatique.
Les capacités de communication sont parfois diminuées par une dysarthrie avec hypophonie ou par une hypersalivation.
Le sommeil est souvent agité avec un trouble du comportement en sommeil paradoxal ou un syndrome des jambes sans repos.
Outre un syndrome anxio-dépressif fréquent, pouvant précéder le diagnostic, la maladie de Parkinson peut comporter d’autres signes psychiatriques au premier rang desquels les hallucinations visuelles, le trouble du contrôle des émotions ou l’apathie peuvent surprendre l’entourage.
A un stade évolué, des troubles cognitifs peuvent survenir avec notamment des troubles de l’attention, un ralentissement cognitif qui entraînent une altération de l’autonomie cognitive et comportementale à des niveaux variables.
Beaucoup d’autres signes sont en fait liés à l’atteinte du système nerveux autonome : hypersudation, troubles vésico-sphinctériens, troubles sexuels, troubles de l’accommodation visuelle.
Les patients peuvent aussi présenter des signes plus généraux tels que des douleurs ostéo-articulaires ou neuropathiques, une dermite séborrhéique, des troubles de la vision des contrastes, un syndrome respiratoire restrictif…
Traitements
Sur le plan thérapeutique, trois grandes voies sont employées. Le traitement médical est utilisé en première intention alors que le traitement chirurgical est réservé aux formes compliquées. Quant à la rééducation et la réadaptation, elles sont utiles à tous les stades de la maladie.
Le traitement médical repose sur le principe de la compensation du déficit dopaminergique avec une multitude de médicaments disponibles que l’on peut classer dans 3 grandes voies thérapeutiques : apport d’un précurseur exogène de la dopamine (Levodopa), stimulation directe des récepteurs de la dopamine (agonistes dopaminergiques), réduction du catabolisme de la dopamine (IMAO, ICOMT). Dans la mesure du possible, les neurologues tendent à apporter une stimulation dopaminergique la plus continue possible et s’appuient de plus en plus fréquemment sur des techniques de perfusion sous-cutanée (pompe à Apomorphine) ou intra-duodénale (pompe à Duodopa).
La stimulation cérébrale profonde destinée aux patients parkinsoniens peut avoir plusieurs cibles : noyau ventral intermédiaire médian du thalamus pour le tremblement, noyau sub-thalamique en cas de forme akinéto-hypertonique et globus pallidus interne si des dyskinésies invalidantes viennent compliquer le traitement oral. Dans tous les cas son principe est d’inhiber les neurones cibles en appliquant une stimulation électrique à haute fréquence par le biais d’électrodes intra-crâniennes reliées à un stimulateur sous-cutané. Du fait de la lourdeur de la procédure chirurgicale, cette technique nécessite une sélection rigoureuse des patients éligibles pour éviter de possibles complications post-opératoires et des effets secondaires de ce traitement.
La prise en charge rééducative repose essentiellement sur la kinésithérapie et l’orthophonie. Le kinésithérapeute s’attachera à pratiquer des étirements globaux ainsi qu’un travail à haute intensité contre résistance et de dissociation axiale. La technique d’orthophonie la plus efficace dans la maladie de Parkinson est la Lee Silverman Voice Treatment (LSVT) pour la dysarthrie mais les séances sont également utiles pour la micrographie ou les éventuels troubles de la déglutition. L’intervention d’un ergothérapeute peut être nécessaire pour aménager le domicile dans les stades avancés.
Afin d’améliorer de nombreux paramètres moteurs et non moteurs, il est maintenant recommandé aux patients une activité physique quotidienne à type de marche nordique, Taï Chi, Qi Kong, tango… Cette prise en charge non médicamenteuse nécessite un investissement personnel de la part du patient et parfois de l’aidant mais apporte des bénéfices parfois insoupçonnés.
Il est important de savoir que les traitements médicamenteux peuvent provoquer des effets secondaires moteurs et non moteurs afin de pouvoir les dépister et les prendre en charge précocement. Au niveau moteur, on voit apparaître des fluctuations d’efficacité motrice et des dyskinésies liées à une diminution d’efficacité après plusieurs années de traitement. Des effets secondaires non moteurs peuvent aussi survenir : signes digestifs (nausées, vomissements, sécheresse buccale), hypotension orthostatique, troubles psychiatriques (trouble du contrôle des impulsions avec développement d’addictions alimentaires, au jeu, sexuelles … , hallucinations visuelles, troubles du comportement), somnolence.
Pour mieux connaître la maladie.
Selon l’OMS, l’éducation thérapeutique du patient. (ETP) vise à aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. C’est une avancée dans la conception de la prise en charge des maladies chroniques dont fait partie la maladie de Parkinson, c’est pourquoi l’ETP prend sa place dans les actions à développer dans le PMND. Un projet est d’ailleurs en cours de rédaction par le service de neurologie du CHRU de Brest, en association avec l’association des parkinsoniens du Finistère et sera déposé à l’Agence Régionale de Santé (ARS) de Bretagne courant juin.
Les patients et leur entourage font souvent des démarches personnelles pour obtenir des informations complémentaires sur la maladie. Divers documents édités par des organismes d’Etat (Agence nationale de sécurité du médicament, Haute autorité de santé) ou des sites internet tels que le site du réseau Oniric http://www.neurobretagne-oniric.com sont à même d’apporter des informations fiables sur la maladie et les traitements.
Comment se faire aider ?
Si un problème médical ou social survient au cours de la prise en charge, le réseau de soins, médical, paramédical, et social qui s’est tissé autour du patient et de l’aidant doit être sollicité. Les associations de malades peuvent parfois apporter une aide complémentaire. Pour répondre aux questions plus sociales (aides financières, mise en place d’aides à domicile, aménagement du domicile) les structures sanitaires et sociales (CLIC = Centre Local d’Information et de Coordination, CCAS ou CDAS= Centre Communal ou Départemental d’Action Sociale, service APA = Allocation Personnalisée d’Autonomie, MAIA = Maisons pour l’Autonomie et l’Intégration des malades d’Alzheimer, Services d’aide à domicile, SSIAD = Services de Soins Infirmiers A Domicile) peuvent être sollicitées. Par ailleurs, des structures de répit existent afin d’éviter l’épuisement de l’aidant.
Pour conclure, il est important que le parkinsonien devienne l’acteur principal de sa prise en charge. Pour cela, l’ETP est d’un intérêt fondamental car elle a pour but d’induire une meilleure connaissance de la maladie et des traitements pour une meilleure gestion de la vie quotidienne. Le patient peut aussi s’impliquer dans sa prise en charge en pratiquant une activité physique quotidienne.
La place des aidants est maintenant reconnue et développée dans le PMND. L’accompagnement d’un patient au quotidien nécessite pour lui aussi une meilleure compréhension des symptômes de la maladie afin d’entretenir la plus grande autonomie possible.
Il est indispensable de mettre en place un réseau local centré sur le couple « patient-aidant » mais dans les situations difficiles, le recours aux structures d’aides et de répit peut être nécessaire.
Dr. Amélie Leblanc
Spécialiste des hôpitaux des armées
Service de neurologie et unité neuro-vasculaire
CHRU Cavale-Blanche, Brest
1 Commentaire Cliquer ici pour laisser un commentaire
Laisser un commentaire
Flux RSS des commentaires de cet article. Rétrolien URI
Propulsé par WordPress et le thème GimpStyle créé par Horacio Bella. Traduction (niss.fr).
Flux RSS des Articles et des commentaires.
Valide XHTML et CSS.
Docteur. Leblanc merci pour cet exposé bien détaillé et précis. Ma seule critique qui se porte sur le fait que vous vous en tenez qu’aux résultats scientifiques pour les posologies allopathiques de synthèse ‚alors que des pistes sont ouvertes depuis plusieurs années par des parkinsoniens eux mêmes, je m’explique : par une alimentation choisie, des compléments alimentaires indispensables dont les vitamines D et autres.
RESPECTUEUSES SALUTATIONS.
Commentaire by Leparigo — 25 mai 2016 #