La parole du malade, un outil diagnostic parfois négligé !
Publié le 29 décembre 2016 à 18:21Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°67
Deux médecins plaident pour que l’écoute de ce que le patient a à dire sur ses symptômes et sa souffrance redevienne un pivot de l’acte médical.
« Si vous écoutez attentivement le patient, il vous donnera le diagnostic », suggérait Sir William Osler, médecin canadien de la fin du XIXe siècle. « Rien ne remplace l’écoute attentive, et le médecin doit entendre tout ce que le patient a à dire », opine le Dr Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologique au Conseil de l’ordre des médecins. « Un patient pardonnera une erreur de diagnostic mais pardonnera difficilement au médecin de ne pas l’écouter. »
Las, l’écoute est trop souvent « considérée comme une demande de confort » regrette Anne Révah-Lévy, professeur de pédopsychiatrie et chef de service à l’hôpital d’Argenteuil. Avec Laurence Verneuil, professeur de dermatologie et chef de service au CHU de Caen, elle signe « Docteur, écoutez ! » (Albin Michel) Autour de témoignages de patients et soignants, les deux médecins plaident pour « ce rouage essentiel du soins ».
A l’heure de la démocratie sanitaire et près de quinze ans après la consécration de la décision médicale partagée par la loi du 4 mars 2002, le temps passé à écouter le patient est pourtant lentement grignoté.
Et les études s’empilent qui démontrent que la voix du patient n’est pas assez écoutée : en 1984, l’analyse de 74 consultations de ville montrait que seuls 23% des patients étaient invités à exposer la totalité de leurs symptômes. Ceux-ci seraient interrompus par le médecin au bout d’une vingtaine de secondes, selon les études. Dans une publication de 2006, sur chaque consultation de 20 minutes, les médecins estimaient avoir écouté leurs patients en moyenne 9 minutes ; la réalité était plus proche d’une minute. La parole du médecin ne semble pas mieux préservée, avec 6,6 interruptions par heure de travail, entre coups de fil intempestifs, biper et autres demandes administratives urgentes !
Moins d’écoute, plus de médicaments
Et pourtant, dit Anne Révah-Levy, « regarder l’écoute comme l’unité élémentaire du système vaudrait mieux pour les patients, les médecins et les finances de la Sécurité Sociale : ceux qui écoutent le moins sont aussi ceux qui prescrivent le plus de médicaments, font le plus d’examens complémentaires et revoient le plus leurs patients à quatre semaines » La bonne observance du traitement aussi pâtit d’une mauvaise relation.
« On dit que le médecin est un remède en soi, mais comme tout remède il peut y avoir des effets secondaires, note Florian Ferreri, psychiatre à l’hôpital St-Antoine (Paris). Un effet iatrogène (conséquence néfaste liée à un acte médical, NDLR) est possible lorsque la relation soignant-soigné est conduite de façon maladroite, notamment lorsque l’écoute est absente. »
« Aller trop vite est source d’erreurs », affirme le Dr Benoît Labenne, généraliste au Raincy (Seine St-Denis) qui met un point d’honneur à accorder en moyenne 20 minutes à chacun de ses patients. « Je fais toujours le tour du dossier pour vérifier que mon patient est à jour dans ses vaccins, ses dépistages. Ce n’est pas parce que quelqu’un vient pour une grippe qu’il n’a que la grippe. Si pour un mal de dos vous prescrivez un antidouleur sans même examiner le patient, vous pouvez passer à côté d’un infarctus. Parfois, lors de l’examen, le patient fond en larmes et vous annonce qu’il divorce ou à des problèmes au boulot. Il peut alors avoir besoin d’une prise en charge psychologique, et vous ne l’auriez pas su si vous aviez fait une ordonnance standardisée sans l’examiner » A ceux qui râlent contre les délais de rendez-vous d’une dizaine de jours, « j’explique que je préfère les faire attendre que de mal les soigner. Le médecin doit savoir dire non. Je ne vais pas bâcler mon travail, me retrouver au tribunal et me jeter par la fenêtre parce que les ministres de la Santé ont mal géré la pénurie de médecins ! »
Médecins « en grande souffrance »
Du fait de l’absence de valorisation de l’écoute, les médecins aussi peuvent être « en grande souffrance, ajoute Anne Révah-Lévy. Ce n’est pas un hasard si les plus écoutants sont aussi plus souvent victimes de Burn-out. Car leur éthique et leurs valeurs sont disqualifiées. » En cause, le manque de temps et un système hospitalier qui « engloutit le médecin sous les contraintes », estime Anne Révah-Lévy. L’écoute explique-t-elle, est le moins rentable des actes médicaux pratiqués à l’hôpital. « Mais les médecins doivent se l’imposer et l’imposer à leurs collègues », plaide-t-elle même si en ville, « à 23 euros la consultation, les médecins n’ont parfois pas d’autre solution que de les multiplier ». Benoît Labenne a pourtant « réussi à trouver un équilibre financier. Et je prends moi-même les rendez-vous, ce qui me permet de réguler les urgences et les demandes qui peuvent attendre », explique cet ancien urgentiste. « Le temps d’écoute est grignoté par toutes les techniques dont on dispose », glisse également le Pr Feroudja.
« Il y a cette idée qu’avec la technique, on peut savoir ce qui se passe dans le corps du patient quasiment sans le voir, regrette Anne Révah-Lévy. Le patient a un savoir sur ce qu’il vit, qui doit servir de base au savoir du médecin. La mission du médecin est de prendre le patient en charge de manière globale, pas seulement pour le soigner mais aussi pour le soulager et le consoler. Des techniques simples permettent d’améliorer l’écoute, mais leur enseignement est très hétérogène : chaque faculté de médecine décide de ce qu’elle fait, il n’y a aucune vision transversale de cette première étape du soin. »
Quant aux patients, souligne-t-elle, « eux aussi doivent revendiquer cet espace-là ». Le Dr Ferreti met en garde contre une « dérive qui consisterait en la rencontre entre un client et un fournisseur : le malade a entendu parler d’un traitement et le médecin lui prescrit ». « La relation confiance se construit à deux, ajoute Stéphane Oustric, médecin et professeur de médecine générale à Toulouse. Le patient ne peut être juste un consommateur. Il doit, lui aussi, mériter la confiance de son médecin. »
Article de Soline Roy relevé dans le Figaro
Lu par Françoise Vignon
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je souscris 100%
Commentaire by saint genez isabelle — 11 février 2017 #
Tout est parfait dans ce qui est dit
Ne reste qu’à mettre en pratique…
Commentaire by Isabelle Saint Genez — 7 janvier 2017 #