Conférence du Professeur P. Derkinderen, Nantes le 22 avril 2017
Publié le 24 juin 2017 à 10:50Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°69
Après une présentation générale, la Présidente de l’ADPLA, Annick Le Brun, demande au professeur Pascal Derkinderen son ressenti au niveau du CHU du nouveau Plan des Maladies Neurodégénératives (PMND) qui a été remis à jour le 12 mai 2016.
Le Professeur précise qu’il s’agit avant tout d’une décision politique qui regroupe sous le même terme les anciens plans Alzheimer, Parkinson … L’intérêt principal est de créer une nouvelle dynamique. En attendant, le budget du plan Parkinson n’est pas épuisé. L’ARS verse 100 000 euros par an au CHU, plus les frais de gestion. Ceci a permis l’embauche d’une infirmière (spécialement affectée à la neurostimulation) et également de mieux encadrer l’éducation thérapeutique. Tout l’argent n’est pas utilisé et il y aurait possibilité de faire plus, jusqu’à envisager un médecin supplémentaire mais les sommes versées ne servent pas seulement pour le Parkinson, elles sont intégrées dans la gestion globale de l’hôpital.
Question : La recherche sur le tube digestif et la maladie de Parkinson.
Ce sujet soulève de nombreuses questions et avant d’y répondre, Pascal Derkinderen fait un petit historique pour mieux expliquer la complexité du problème. Dès les années 1980, des chercheurs américains et japonais analysent le tube digestif de malades parkinsoniens et ils constatent les mêmes lésions dans le cerveau et dans le tube digestif. Dans les neurones cérébraux et digestifs on note la présence des corps de Lewy. Ce sont de petits amas de protéines typiques de la maladie de Parkinson.
Entre 2003 et 2006, un allemand, Heiko Braak, anatomiste et professeur à l’université de Francfort, formule une hypothèse selon laquelle la maladie de Parkinson serait la conséquence d’une infection par une bactérie ou un virus dans le système digestif et la dégénérescence des neurones du cerveau ne serait qu’une conséquence ultime d’un long processus amorcé des années auparavant dans les intestins, la transmission se faisant par le noyau dorsal du nerf vague.
Mais plusieurs arguments viennent contredire cette hypothèse :
- Des américains ont eu l’idée astucieuse d’installer leur laboratoire près d’une cité de retraités aisés dont la plupart faisaient don de leur corps à la science. Thomas Beach a pu ainsi mener ses recherches et les observations menées sur les patients autopsiés n’ont pu prouver cette hypothèse ; la présence de corps de Lewy n’étant pas systématique dans le tube digestif.
- Alice Prigent a travaillé avec un laboratoire de Bordeaux sur des primates auxquels on avait injecté des corps de Lewy soit dans le cerveau soit dans les intestins. Il a été constaté que la maladie se diffusait vers le bas ou vers le haut mais pas systématiquement.
En conclusion, on reconnaît une migration de la maladie mais on n’en connaît pas encore les mécanismes. De son côté Michel Neunlist continue à travailler sur des biopsies (valeur d’un grain de riz) pour analyser les neurones intestinaux, un prélèvement de 2mm lors d’une coloscopie peut contenir jusqu’à 100 neurones. Actuellement, il recherche une méthode pour les congeler « à plat » afin de pouvoir faire les observations dans de meilleures conditions. D’autres études sont faites sur le microbiote, la flore intestinale, avec l’implantation locale de bactéries digestives. Les essais sur des souris ont montré un effet aggravant lorsque l’on leur transférait des bactéries d’une flore parkinsonienne.
Question : Les corps de Lewy sont principalement composés d’alpha-synucléine, que pensez-vous de toutes les pistes de recherche sur les neuroprotecteurs pour éviter ces amas de protéine ?
L’alpha-synucléine a été découverte en 1988 chez le poisson torpille. C’est une protéine composée de 140 acides aminés. En 1997, on découvre que l’alpha-synucléine est le principal constituant des corps de Lewy. L’alpha-synucléine est abondante dans le cerveau, on la trouve concentrée au niveau des terminaisons présynaptiques et joue un rôle dans la neurotransmission mais dans le cas de la maladie de Parkinson on la retrouve sous forme d’agrégats au niveau du cytoplasme ou dans les prolongements neuronaux que l’on appelle corps de Lewy.
En 2005, un laboratoire coréen met en évidence que l’alpha-synucléine peut être secrétée et libérée, possibilité de quitter les neurones. En 2008, suédois et américains procèdent à des greffes de cellules souches qui sont injectées dans le striatum, zone de projection des neurones dopaminergiques. Résultat : ces nouvelles cellules ont été infectées avec la présence de corps de Lewy.
Quant aux médecines naturelles, la phytothérapie : la Rhodiole (Rhodiola rosea), le Mucuna Pruriens (pois mascate), l’AtreMorine (complément nutritionnel à partir de la fève des marais), tous ces produits ne font pas mieux que les éléments synthétisés dans les médicaments antiparkinsoniens… sinon ça se saurait ! (Il semblerait qu’il y ait moins d’effets secondaires, note de la rédaction).
Une piste intéressante présente de grands espoirs : la vaccination thérapeutique qui consiste à agir sur la maladie déjà en cours dans le but de limiter ou d’arrêter la propagation de l’alpha-synucléine. L’immunothérapie passive consiste à administrer au patient des anticorps artificiels produits en laboratoire. Ces anticorps ont pour but de reconnaître et de s’attaquer à l’alpha-synucléine et d’en favoriser ainsi l’élimination par l’organisme. L’immunothérapie active vise à améliorer le système immunitaire afin qu’il puisse détecter les anomalies et produire des anticorps qui permettront l’élimination de la forme toxique de l’alpha-synucléine.
Les recherches sur les modèles animaux montrent que l’immunothérapie passive et active peuvent ralentir le processus de mort cellulaire qui caractérise la maladie de Parkinson et améliorer les symptômes moteurs. Chez l’homme, il faut confirmer que l’immunothérapie ne provoque pas d’effets indésirables majeurs et conduit à la présence, dans le sang, d’anticorps qui reconnaissent l’alpha-synucléine afin de déterminer si un tel vaccin peut avoir un effet protecteur qui permettrait de ralentir le processus de la maladie.
Questions diverses.
Lors du diagnostic, les neurologues utilisent de plus en plus le terme « syndromes parkinsoniens » et non « maladie de Parkinson ». Pourquoi ?
Certainement par mesure de prudence. L’examen clinique ne permet pas d’être plus précis : sur 100 cas, 70 seront de véritables maladies de Parkinson et les 30 autres vont développer autre chose.
L’examen du fond de l’œil peut-il être utilisé pour déceler la M P ?
Effectivement, il a été constaté, chez des malades parkinsoniens, une rétine plus sensible avec une perte d’épaisseur. Actuellement, on ne dispose d’aucun élément qui pourrait démontrer une corrélation entre les deux pathologies.
Nouveau médicament : le XadagoMD, en attente de reconnaissance du prix proposé.
Il se situe entre l’Azilect et le Mantadix. Le principe actif est un IMAO‑B (inhibiteur de la monoamine oxydase B), il bloque l’enzyme correspondante qui dégrade la dopamine. Il aide ainsi à maintenir le taux de dopamine dans le cerveau. De plus il augmente la synthèse et la libération de la dopamine.
Examen en cas de forme familiale.
La MP est reconnue comme une maladie complexe et multifactorielle c.-à‑d. que parmi ses causes il y a des prédispositions génétiques associées à d’autres facteurs acquis. La génétique joue un rôle de facteur de risque : le terrain génétique d’un individu le rendant plus sensible à des facteurs environnementaux et au vieillissement menant au déclenchement du processus de la maladie (présence et combinaison de plusieurs gènes).
En revanche, il existe un certain nombre de formes familiales avec hérédité dominante ou récessive : dans ces cas, la maladie se déclarant généralement avant 30 ans. Parmi elles, on trouve des formes familiales monogéniques, ce sont des formes rares dues à la présence d’un seul gène. Quel est l’intérêt de procéder à des tests génétiques lorsqu’un diagnostic précoce ne permet pas encore de prévenir, de retarder ou de ralentir la progression de la maladie ?
Azilect, qu’en est-il ?
On avait fondé de gros espoirs sur ce médicament qui ralentirait la maladie. Cela est vrai au début mais pas dans le temps. Il offre néanmoins un aspect protecteur et retarde la dégradation de la dopamine. De plus tout le monde ne réagit pas de la même manière, il serait bien supporté chez les 2/3 des patients. Il a également l’inconvénient de renforcer les dyskinésies et de donner des mots de tête.
Faut-il prescrire de la Dopa dès le début du traitement ?
Avant, on avait tendance à commencer le traitement par des agonistes et à réserver la Dopa pour plus tard. Maintenant, on opte pour combiner les deux car le patient peut bénéficier de leur action qui est complémentaire, ces médicaments agissant sur deux niveaux différents.
Douleur et Parkinson.
Les douleurs neurologiques représentent un sujet difficile à appréhender et à traiter. Il est reconnu que le seuil de la douleur est plus bas chez les patients parkinsoniens.
Modopar et addictions.
Pour ce qu’on appelle communément addiction, on utilise le terme « trouble du contrôle des impulsions ». Effectivement, pour se préserver, les laboratoires pharmaceutiques listent toutes les contre-indications des médicaments, des plus fréquentes aux plus rares. Pour les agonistes, le taux de troubles du contrôle des impulsions est de 5%, pour le Modopar, il n’est que de 1 pour 1000. Il faut toujours rester vigilant et noter toute modification du comportement et ne pas hésiter à en parler avec son médecin ou son neurologue. Mais tout le monde ne réagit pas de la même manière. Par exemple, le Mantadix est prescrit dans les cas de dyskinésies mais l’on rencontre des cas paradoxaux où le médicament va aggraver les dyskinésies.
Amiante et MP.
Pas de corrélation connue à ce jour. Par contre la MP a été reconnue comme maladie professionnelle ; l’exposition aux pesticides représentant un facteur de risque. Mais encore une fois, précisons que tout le monde ne réagit pas de la même manière et qu’avec la même exposition tous ne vont pas développer la maladie de Parkinson.
Cas de régression.
Ces derniers temps, on a parlé d’amélioration voire de régression de la maladie. Par exemple on a vanté les vertus du venin d’abeille mais au final pas de résultat probant.
Cancer et MP.
Sujet délicat. On note un taux plus élevé chez les patients parkinsoniens, spécialement les mélanomes à surveiller de près.
L’acupuncture.
L’acupuncture peut rendre service en tant que médecine complémentaire
Nicotinothérapie.
Il peut très bien y avoir une interaction entre la dopamine et la nicotine. La nicotine est reconnue comme stimulant intellectuel en augmentant la sécrétion des neurotransmetteurs mais son efficacité n’est pas prouvée. Les recherches menées par Gabriel Villafane à l’hôpital Henri-Mondor à Créteil pêchent par un manque de fiabilité dans la méthode de recueil des données qui, de fait, ne sont pas exploitables pour en tirer des conclusions pertinentes (malgré des résultats constatés probant, note de la rédaction).
Rédigé par Guy Seguin et transmis par Annick Lebrun ass.adpla@wanadoo.fr
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je signale juste ma présence m’abstiens de tout commentaire précis direct mais ce qui est dit dans le dernier paragraphe sur la nicotinothérapie relève sans doute aussi de…je ne sais quoi dont on sait tout mais dont ne veut rien alors la pêche pourquoi pas mais il y en a qui savent des raisons que la raison ne peut ignorer à moins de .…que cela est embrouillé
Commentaire by saint genez isabelle — 27 juin 2017 #