Cinéma et théâtre au chevet de la relation médecin patient.
Publié le 08 octobre 2017 à 10:24Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°70
L’enseignement au « savoir-être » médecin à travers la mise en scène de vraie-fausse » consultation, se diffuse peu à peu dans les facultés de médecine. Grâce à cette technique, de plus en plus de facultés forment les futurs médecins à la relation avec le patient.
Œil rivé à la caméra, le jeune homme se concentre sur la scène jouée par les comédiens. L’instant est grave : le médecin annonce à une femme, jeune encore, qu’elle doit subir une chimiothérapie avant son opération d’un cancer du sein. Elle refuse, obstinément : « Ce n’est pas le cancer qui va me tuer, c’est la chimio ». Le médecin s’emporte.
Contrairement aux apparences, nous ne sommes pas sur le plateau du dernier film de Thomas Lilti, le réalisateur d’Hippocrate et de Médecin de campagne. Derrière la caméra, Mathieu, interne en médecine générale à la faculté Pierre & Marie Curie à Paris. Il inaugure avec sept autres étudiants l’option « médecine, théâtre et vidéos », créée cette année.
L’ambition de ce séminaire n’est pas de révéler des vocations artistiques mais de former de futurs médecins à la relation avec le patient. Transformés en cinéastes pour l’occasion, ils ont imaginé, écrit, joué puis réalisé quatre films mettant en scènes des situations médicales particulières. Au programme :
- l’annonce difficile d’un diabète de type 1 à une jeune fille.
- le refus de soins d’une femme atteinte d’ un cancer du sein.
- un patient se plaignant de symptômes sans causes apparentes.
- une consultation pour une demande d’IVG.
Ces films illustrent comment : l’attitude, les paroles et les silences du médecin lors d’une consultation, influent sur la relation avec le patient.
« Par exemple, dans le film sur la demande de l’IVG, deux ou trois phrases terribles sont assénées. Et nous avons tous, un jour ou l’autre, prononcé ce genre de phrases. Or la première consultation va conditionner le vécu de l’acte », explique le Dr Gilles Lazimi, l’un des enseignants du séminaire. A travers ces exemples, les futurs médecins apprennent à cultiver l’écoute et l’empathie, cette capacité à comprendre ce qui se passe dans la tête de l’autre. « Au cours de nos études, on nous répète qu’il faut être empathique … mais sans nous expliquer comment faire. Pendant les stages, c’est toujours l’aspect technique du métier qui prime », souligne Delphine. La formation des médecins donne en effet la priorité à la recherche des symptômes dans le but d’établir un diagnostic et ensuite de choisir le traitement.
Résultat, les étudiants se retrouvent le plus souvent confrontés à des situations humaines difficiles, sans jamais y avoir été préparés. Comme le raconte Marine, une autre participante « A 20 ans, aux urgences, je me suis retrouvée seule face à une femme de 50 ans suicidaire. J’étais dépassée » Comment alors ne pas être tenté de mettre en place des mécanismes de défense comme refuser de laisser à la place à l’émotion, se cantonner aux traitements …
« Nous avons tous un moment ou un autre perdu notre sensibilité, notre humanité. Mais comment rester empathique à 3 heures du matin aux urgences, lorsqu’un patient vous agresse verbalement ? », s’interroge Delphine.
Apprentissage des gestes techniques :
Pour le Dr Samuel Leroy, qui propose des cours de communication médicale aux étudiants de la faculté de Rouen dès la deuxième année, l’empathie est une fenêtre ouverte sur le monde. « Lorsque votre fenêtre est grande ouverte, si vous vivez une expérience traumatisante, souvent dès votre premier stage, vous la fermez. Nous sommes là pour apprendre aux futurs médecins à manier cette fenêtre, à en moduler l’ouverture », explique l’enseignant. A Rouen, les étudiants sont confrontés à des patients simulés, joués par des acteurs dès la deuxième année.
Cet enseignement au « savoir-être » médecin à travers la mise en scène de « vrai-fausse » consultation demeure facultatif. Il diffuse cependant peu à peu dans les facultés. A l’image de l’apprentissage des gestes techniques, l’idée de « jamais la première fois » avec le malade s’imposera-t-elle dans le domaine de la relation médecin-malade ?
La question reste posée car la méthode a un coût. Pourtant, cette pédagogie réaliste est pertinente, comme l’ont démontré plusieurs études. « Ce dispositif d’enseignement est apprécié des étudiants et leur permet d’en tirer un bénéfice » concluaient en 2006 les chercheurs de l’université de Lausanne qui propose un apprentissage avec patient simulé à tous les étudiants de quatrième année. A Paris, les huit futurs médecins se sentent aujourd’hui mieux armés. « Je suis plus sereine face à certaines situations », explique Naryanne en dernière année. Reste maintenant à toucher le maximum d’étudiants. C’est aussi l’objectif des films qui sont diffusés lors des cours de troisième cycle.
Article d’Anne Prigent relevé dans le Figaro Santé du 20 08 17 par Françoise Vignon
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