Le mouvement du cormoran
Publié le 27 mars 2009 à 07:13Paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT N°36 – mars 2009
Un exposé de Mr. Hubert Colombel, psychomotricien et orthophoniste
Résumé par Jean Pierre Lagadec
Le 25 Janvier 2009, l’Association des Parkinsoniens des Côtes d’Armor, à l’initiative de son président Sylvain Bielle, organisait une réunion d’information pour ses adhérents à Paimpol (22).
Lors de cette réunion, Mr Hubert Colombel, psychomotricien et orthophoniste à Lannion (22), a fait un exposé sur le fonctionnement, les troubles et la rééducation de la déglutition, dans la maladie de Parkinson. Cet exposé est résumé dans le texte qui suit.
1. Fonctionnement de la déglutition
Après une première démarche (parfois laborieuse pour le Parkinsonien) consistant à porter l’aliment vers la bouche, la déglutition va se dérouler en 3 temps :
- le temps buccal (mouvements volontaires)
- le temps pharyngé (mouvements réflexes)
- le temps œsophagien (mouvements réflexes)
la figure ci-après donne une représentation des voies respiratoires et digestives.le temps buccal :
Il est géré par le système pyramidal (les mouvements sont volontaires). Ce temps buccal va se dérouler en plusieurs phases successives :- Tout d’abord, une phase bilabiale, pour saisir l’aliment par les lèvres et le porter au niveau des dents, ce qui suppose une bonne mobilité et tonicité des muscles des lèvres.
- Puis, une phase apicale (pointe de la langue ou apex). La langue fonctionne comme une « louche » pour venir récupérer l’aliment derrière les dents et amorcer le début de la formation du bolus, en cherchant à condenser l’aliment au niveau du palais. Cette action de louchage demande une bonne mobilité de la langue.
- Ensuite, une phase de mastication. En fonction de l’aliment, les mandibules sont mises en action pour écraser l’aliment, lui associer de la salive et préparer le bolus.
- Enfin, une phase de constitution du bolus. Grâce à l’élévation de la langue au palais, et à la compression en amont du bolus, une dépression s’exerce à l’arrière ce qui prépare le temps pharyngé qui va suivre. Cette phase demande du tonus pour exercer cette pression et déclencher le temps pharyngé.
Le temps pharyngé (réflexe) :
Le déplacement du bolus vers l’arrière de la bouche provoque une élévation du voile du palais, ce qui évite le reflux nasopharyngé en fermant l’accès aux voies nasales. Le temps pharyngé réflexe se déclenche lorsque le bolus arrive à la base de la langue. Le bolus est propulsé vers l’arrière par un coup de piston de la langue. Au même moment, se produit un mouvement d’ascension du larynx et un abaissement de l’épiglotte pour empêcher la fausse route de l’aliment vers la trachée. Simultanément, les sphincters de l’œsophage se relâchent pour permettre au bolus de glisser jusqu’à l’estomac.Le temps œsophagien (réflexe) :
Les muscles de l’œsophage se relâchent pour permettre la descente du bolus vers l’estomac.2. Les troubles de la déglutition (Dysphagie)
La déglutition fait appel à un ensemble de mouvements fins et complexes de la bouche, du pharynx et de l’œsophage. Une bonne déglutition implique une parfaite synchronisation entre le mouvement volontaire et les mouvements réflexes.
Chez le Parkinsonien, les troubles apparaissent dès l’atteinte de la sphère bucco-faciale (lèvres, bouche, pharynx…), dont les muscles perdent souplesse et tonicité.
Le Parkinsonien dysphagique peut être sujet :- aux fausses routes,
- à des reflux,
- à l’hypersiallorrhée
Les fausses routes
Dans ce cas, généralement en raison d’un mauvais réflexe pharyngé, l’aliment, au lieu d’emprunter la voie digestive vers l’œsophage, se dirige vers la voie respiratoire de la trachée. Il est alors le plus souvent refoulé avec ou sans toux. Mais, dans le cas de patients gravement atteints, les fausses routes peuvent provoquer des problèmes pulmonaires de plus en plus graves, voire le décès par asphyxie.Les reflux
Il s’agit, soit de remontée du bol alimentaire de l’estomac ou de l’œsophage, soit de reflux de débris alimentaires à partir de cavités latérales du pharynx. Ces reflux désagréables peuvent provoquer une perte de poids, voire une déshydratation.L’hypersiallorrhée
Elle est rarement due à un excès de salive par les glandes salivaires, mais le plus souvent à un trouble de déglutition. Normalement, la salive produite régulièrement est absorbée automatiquement, à raison de 2000 fois par jour. En cas de non absorption, la salive s’accumule dans la bouche et comme le patient a les lèvres entrouvertes et la tête baissée, finit par déborder et couler à la commissure des lèvres. C’est le « bavage ».Les troubles de la déglutition concernent environ 50% de Parkinsoniens. Environ 90% de ces dysphagiques ont une phase buccale perturbée. Plus de 90% n’arrivent pas à bien former le bolus et 30% ont tendance à avoir des fuites de liquide au niveau des lèvres. 80% ont tendance au bavage.
3. Rééducation de la déglutition
Compte tenu des risques dus aux troubles de la déglutition, la rééducation chez un orthophoniste est nécessaire et cela le plus tôt possible. Or actuellement, 5% des dysphagiques seulement bénéficieraient d’une rééducation.Le rôle de l’orthophoniste consiste :
- à établir pour le patient un bilan de la déglutition
- à proposer une démarche thérapeutique
- à proposer des exercices de rééducation
Bilan de la déglutition
Pour établir le bilan, l’orthophoniste utilisera tout d’abord les informations fournies par le patient sur ses difficultés (problèmes gestuels, fausses routes, la manière d’organiser ses repas, etc …).
Ensuite, il procédera à un examen clinique pour savoir comment le patient déglutit les liquides, les semi liquides et les solides, en notant la posture, la coordination des différentes phases de la déglutition.
Enfin il pourra prendre en compte des informations médicales, comme celles fournies par un examen par fibroscopie. Cet examen est indispensable pour détecter certaines fausses routes souvent silencieuses et peut fournir des informations précieuses sur le déroulement des différentes phases de la déglutition.
La cinéradiographie et la manométrie permettront aussi, si nécessaire, de préciser le bilan.Démarche thérapeutique
L’orthophoniste pourra alors engager une démarche thérapeutique avec le patient. Il pourra :- mettre le doigt sur le dysfonctionnement,
- expliquer le processus de déglutition verbalement et à l’aide de représentations visuelles (dessins, photos, vidéos)
- lui donner des conseils pour l’organisation des repas, le comportement à table, ainsi que pour le choix des aliments.
- travailler la perception et la réalisation des schèmes moteurs de la déglutition à partir d’exercices personnalisés. Par exemple, on pourra solliciter une réaction réflexe des phases pharyngée et œsophagienne.
- préparer des exercices à réaliser fréquemment à domicile.
Exemple d’exercice (le mouvement du cormoran)
Voici un exercice proposé en consultation par Mr Colombel à ses patients dysphagiques et qu’il leur conseille de faire à domicile. Mr Colombel a présenté une vidéo pour expliquer les mouvements qu’il a ensuite mimés devant l’assistance.
L’exercice a pour but, une fois le bolus correctement constitué, de favoriser le déclenchement du réflexe pharyngé. Les différents gestes sont les suivants :- inspiration
- blocage respiratoire (pour stimuler la fermeture des voies respiratoires)
- mouvement assez rapide et léger d’extension de la tête, pour aider notamment les liquides à glisser vers l’arrière (la zone pharyngo-laryngée),
- pression spontanée et forte du milieu de la langue sur le milieu du palais, menton légèrement fléchi, nuque étirée, épaules basses, tronc vertical, pieds à plat.
- secousse éventuelle de la tête au moment où la phase pharyngée s’installe en relevant le menton et en le rabaissant ensuite pour dynamiser l’action réflexe. C’est le « mouvement du cormoran », qui s’apparente à celui de l’oiseau marin, lorsqu’il ingurgite un gros poisson.
- toux accompagnant l’expiration pour dynamiser le mouvement. Le patient pourra orienter la tête en fonction de sensation de présence de résidus alimentaires et tousser deux à trois fois avant le bolus suivant.
Cet exercice répété au domicile, aussi bien pendant que hors des repas doit améliorer le déclenchement du réflexe pharyngé et doit être pratiqué en cas de risque de fausse route.
Enfin, à partir de son expérience de psychomotricien, Mr ColombeI recommande le mouvement du cormoran aux dysphagiques sujets au « bavage », la répétition de l’exercice pouvant permettre de retrouver le réflexe (mémoire procédurale).Rédigé par Jean Pierre Lagadec jpmo5@wanadoo.fr
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