Ne pas être qu'un "patient" ...

Proches : améliorer la situation des proches

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°75

Solli­ci­ta­tion des proches de parkinsoniens
Dans le cadre d’une étude, la Dre méd. Helene Lisit­ch­kina a analysé la charge qui pèse sur les parte­naires de personnes atteintes de la mala­die de Parkin­son. Dans ce but, elle a ques­tionné 50 proches de manière approfondie.

La mala­die de Parkin­son a une évolu­tion chro­nique et touche prin­ci­pa­le­ment les personnes âgées. Elle se carac­té­rise par une atteinte progres­sive de l’autonomie au quoti­dien et de la qualité de vie des personnes concer­nées. Leurs proches sont eux aussi affec­tés par des réper­cus­sions néga­tives. L’entourage aidant – en parti­cu­lier la compagne ou le compa­gnon de vie – est confronté à diffé­rents défis et contraintes. Le tableau clinique de la mala­die est carac­té­risé par une atteinte progres­sive des séquences de mouve­ment. Diffé­rents problèmes psycho­lo­giques comme les dyspho­ries dépres­sives ou les troubles du sommeil, ainsi que d’autres symp­tômes non moteurs comme l’incontinence urinaire, peuvent impo­ser un fardeau supplémentaire.

En défi­ni­tive, l’expérience quoti­dienne d’un centre Parkin­son le montre, le parte­naire aidant subit des pres­sions qui sont au centre des préoc­cu­pa­tions. Dans ce contexte, j’ai réalisé il y a une dizaine d’années au sein du centre Parkin­son de Zihl­schlacht une étude portant sur l’identification systé­ma­tique de la charge pesant sur les proches avec le Prof. Dr méd. Hans-​Peter Ludin et l’ancien médecin-​chef, le Dr méd. Clemens Gutk­necht. Au total, 50 conjoints(es) de patient(e)s parkinsonien(ne)s hospitalisé(e)s (38 femmes et 12 hommes) ont été interrogé(e)s à l’aide d’un ques­tion­naire conçu spécia­le­ment à cet effet dans le cadre d’un entre­tien de 90 minutes. L’âge moyen des conjoint(e)s était de 68 ans (33 – 83 ans), celui des personnes concer­nées de 71 ans (50 – 81 ans). Le diag­nos­tic de Parkin­son avait été établi en moyenne 13 ans aupa­ra­vant (± 5,2 ans) et au moment de l’entretien, le degré de gravité de la mala­die était modéré à sévère (3,8 sur l’échelle de Hoehn et Yahr). La quasi-​totalité des couples étaient mariés. Leur union datait en moyenne de 39 ans (8 – 54 ans). Aucun des patients n’était actif au moment de la collecte des données. En revanche, dix parte­naires étaient encore en acti­vité. 88 % des personnes inter­ro­gées ressen­taient un poids psycho­lo­gique, 78 % une pres­sion tempo­relle et 62 % un stress physique.

Facteurs de poids psychologique
40 proches inter­ro­gés ont iden­ti­fié comme étant la cause de leur fatigue mentale diffé­rents symp­tômes moteurs de leur parte­naire malade. L’immobilité figure en tête de liste, les trem­ble­ments en queue de pelo­ton. Pour 39 des 50 proches inter­ro­gés, prin­ci­pa­le­ment de sexe fémi­nin, les problèmes psycho­lo­giques de leur parte­naire étaient à l’origine du stress psycho­lo­gique, en parti­cu­lier les dépres­sions et le ralen­tis­se­ment cogni­tif. Les diffi­cul­tés à commu­ni­quer, décou­lant notam­ment de l’élocution indis­tincte et de la voix basse des parkinsonien(ne)s, pesaient sur la moitié des personnes inter­ro­gées, les femmes étant plus affec­tées que les hommes, 66 % des personnes inter­ro­gées ont mentionné les problèmes sexuels au sein du couple. Un(e) répondant(e) sur trois consi­dé­rait ces troubles comme pénibles, les femmes davan­tage que les hommes. L’hyposexualité et l’impuissance ont été fréquem­ment citées. Près de la moitié des personnes inter­ro­gées avaient peur de l’avenir et consi­dé­raient comme un problème le fait que le ou la parte­naire souffre d’une mala­die incurable. 

Facteurs de stress physique
L’assistance immé­diate dans la vie quoti­dienne était perçue comme physi­que­ment pénible par la moitié des personnes inter­ro­gées. Les troubles de la marche, le ralen­tis­se­ment des mouve­ments, les troubles de l’équilibre et du sommeil, ainsi que les problèmes d’incontinence du ou de la parte­naire parkinsonien(ne) moti­vaient ce besoin de soutien. Les proches de sexe mascu­lin se sentaient un peu plus solli­ci­tés sur le plan physique que leurs homo­logues de sexe féminin.

Lors de la toilette et de l’habillage, les proches soute­naient parfois leur parte­naire plus que néces­saire (selon leur propre appré­cia­tion), car celui ou celle-​ci exécu­tait ces tâches trop lente­ment ou maladroi­te­ment. Toujours d’après l’évaluation des proches, l’autonomie de leur parte­naire était réduite par une dépres­sion et une léthar­gie dans 10 des 50 cas. 

Facteurs de pres­sion temporelle
Les hommes inter­ro­gés ressen­taient davan­tage la pres­sion du temps que leurs homo­logues fémi­nins. En moyenne, 3,3 heures étaient passées aux soins du ou de la parte­naire parkinsonien(ne). Les proches de sexe mascu­lin y consa­craient un peu plus de temps. La prépa­ra­tion de la prise ponc­tuelle de médi­ca­ments et l’assistance nocturne étaient aussi chro­no­phages. Les proches dispo­saient en moyenne de 13,8 heures de liberté par semaine. Un tiers a déploré l’imprévisibilité de la charge tempo­relle, et donc du temps libre. 

Chan­ge­ments d’habitudes de vie
12 des 50 proches ont signalé avoir des problèmes finan­ciers en raison de la mala­die de leur conjoint(e), mais ils ne mena­çaient leur exis­tence que dans un cas (selon l’appréciation subjec­tive). Près de la moitié des répon­dants n’avait pas eu de vacances depuis long­temps. 20 d’entre eux ont indi­qué avoir perdu des contacts sociaux en raison de la mala­die. 14 proches, presque exclu­si­ve­ment des femmes, se sentaient isolés. Un tiers des hommes et deux tiers des femmes ont constaté un chan­ge­ment de rôles dans le couple. Par exemple, plus de la moitié se sentait surchar­gée par le fait de devoir prendre davan­tage de déci­sions. Les proches de sexe mascu­lin se sentaient parti­cu­liè­re­ment acca­blés par la néces­sité d’assumer de nouvelles tâches au foyer.

Ques­tions concer­nant les pers­pec­tives d’avenir
42 des 50 personnes inter­ro­gées se deman­daient ce qu’elles allaient faire au fil de la progres­sion de la mala­die, si les efforts requis pour assu­rer les soins deve­naient insup­por­tables. Dans ce cas, 14 proches pour­raient comp­ter sur l’aide de tiers, 11 recour­raient à une aide-​soignante privée et 33 devraient orga­ni­ser un héber­ge­ment dans un établis­se­ment médico-​social. Quatre personnes inter­ro­gées avaient déjà inscrit leur parte­naire dans une insti­tu­tion par mesure de précaution.

33 des 50 proches inter­ro­gés seraient déles­tés d’un lourd fardeau s’ils pouvaient être déchar­gés de la respon­sa­bi­lité de leur parte­naire pendant au moins une jour­née par semaine. Seuls sept proches avaient recours à un foyer de jour pour leur conjoint(e). Une personne inter­ro­gée sur trois avait déjà demandé une assis­tance profes­sion­nelle. Près de la moitié était membre d’un groupe de patients. Parmi les autres, sept aime­raient rejoindre un tel groupe si l’occasion se présen­tait près de leur domicile.

Résumé
Dans le cadre de notre étude, diffé­rents aspects de la solli­ci­ta­tion des parte­naires ont été mis en évidence. Cette charge, sous toutes ses formes, peut entraî­ner des chan­ge­ments signi­fi­ca­tifs d’habitudes de vie, voire mener à des conflits au sein du couple. L’assistance de profes­sion­nels est un enjeu impor­tant pour l’avenir.

Dre Méde­cin. Helene Lisitchkina.
Parkin­son Suisse N°130 Septem­ber 2018
Lu par Jean Grave­leau

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