Ne pas être qu'un "patient" ...

Encart 1 : Fondements neurobiologiques de l’activité physique

[Encart à l’ar­ticle Le Mouve­ment comme trai­te­ment chez le patient parkin­so­nien. De l’empirisme aux premières preuves scien­ti­fiques !]

Outre les aspects muscu­laires et cardio­vas­cu­laires connus depuis une bonne dizaine d’années (effets favo­rables sur la fonc­tion cardiaque, les vais­seaux, les fibres muscu­laires lentes –endu­rance– ainsi que sur les fibres muscu­laires rapides –puis­sance), la litté­ra­ture inter­na­tio­nale ne s’intéresse que depuis peu aux bases fonda­men­tales de l’effet de l’activité physique au niveau neuro­bio­lo­gique, parti­cu­liè­re­ment dans le système nerveux central.

Trois grands axes de recherche sont développés :

  • la neuro­trans­mis­sion,
  • la neuro­plas­ti­cité,
  • la protec­tion neuronale.

A. En ce qui concerne la neurotransmission
Histo­ri­que­ment, ce sont d’abord les neuro­trans­met­teurs Gaba et séro­to­nine qui ont été propo­sés comme relais céré­bral de l’activité physique en raison de leur effet inhi­bi­teur et anxio­ly­tique reconnu par ailleurs pour l’activité physique. Cepen­dant, par la suite, c’est la taurine (80) qui a été mise en évidence comme acide aminé dont le taux plas­ma­tique augmen­tait dans les efforts d’endurance avec, secon­dai­re­ment un passage intra­cé­ré­bral pouvant entraî­ner une anxio­lyse et en tout cas, une dimi­nu­tion du « craving » proté­geant les alcoo­liques contre la rechute. 

Ensuite, on a évoqué une sécré­tion d’endorphine pour expli­quer les aspects relaxants, voire eupho­riques de l’activité physique assez intense mais aussi les aspects de sevrage rencon­trés chez certains spor­tifs inten­sifs (profes­sion­nels) qui arrêtent bruta­le­ment leur acti­vité. Plus récem­ment, de nouveaux indices laissent à penser que le ressenti psycho­phy­sique favo­rable des spor­tifs provien­drait davan­tage de la synthèse de substances canna­bi­noïdes par le cerveau. Spar­ling (73) a en effet assez récem­ment démon­tré que la course d’endurance active la produc­tion par l’organisme d’un endo­can­na­bi­noïde… La physio­lo­gie paraît donc bien complexe et non encore tota­le­ment préci­sée actuellement.

Par ailleurs, un modèle animal de l’exercice physique (course dans une roue, chez le rat) démontre un effet d’épargne sur la libé­ra­tion de neuro­trans­met­teurs (58) suggé­rant ainsi un effet inhi­bi­teur, donc calmant.

B. En ce qui concerne la neuroplasticité
Outre l’effet bien connu, en reva­li­da­tion, de la stimu­la­tion des affé­rences (massage/​mobilisation), l’activité spor­tive semble bien entraî­ner aussi la stimu­la­tion de facteurs neuro­tro­phiques céré­braux parti­cu­liè­re­ment le brain deri­ved neuro­tro­phic factor (BDNF) et le glial deri­ved neuro­tro­phic factor (GDNF) et autres facteurs neuro­tro­phiques,… agis­sant parti­cu­liè­re­ment comme neuro­mo­du­la­teur entre autres sur la plas­ti­cité et sur la protec­tion neuro­nale, avec même la possi­bi­lité d’un effet de neuro­ge­nèse, par recru­te­ment de neurones nouvel­le­ment formés dans plusieurs aires céré­brales telles que l’hippocampe : ceci pour­rait aussi expli­quer un effet favo­rable sur la mémoire… Ceci a déjà été mis en évidence chez le rat par l’équipe du Pr Meeu­sen à Bruxelles (VUB) (58). Cepen­dant, cet effet semble bien suivre une courbe « dose-​réponse » en « S » avec un plafon­ne­ment après par exemple une distance équi­va­lente pour l’homme de 7 – 8 km/​j, ce qui est assez rassu­rant compte tenu qu’il est connu que trop d’activité physique (au-​delà d’environ 7h/​semaine) peut être nocif à la santé (37).

Des infor­ma­tions récentes ont été publiées permet­tant d’envisager les expli­ca­tions neuro­bio­lo­giques à l’origine de l’amélioration des sché­mas moteurs par la répé­ti­tion des mouve­ments justi­fiant ainsi la prise en charge kiné­si­thé­ra­peu­tiques et de gymnas­tique pour autant bien sûr qu’elle se consacre à cet aspect de répé­ti­tion des mouve­ments, parti­cu­liè­re­ment diffi­ciles à réali­ser par le patient, y compris les transferts.
Un des meilleurs exemples actuel­le­ment dispo­nibles dans la litté­ra­ture concerne en fait la réédu­ca­tion de l’hypophonie du parkin­so­nien par exer­cices logo­pè­diques à voix forte selon la méthode de Lee Silver­man (52). En effet, cet auteur a pu démon­trer que lors d’exercices logo­pè­diques répé­tés à raison d’une heure par jour, 4 jours par semaine pendant 4 semaines, non seule­ment la phona­tion mais aussi la lecture à haute voix et la conver­sa­tion se sont amélio­rées dans un groupe restreint de cinq parkin­so­niens ! De plus, au plan méta­bo­lique estimé par l’étude du débit sanguin céré­bral mesuré par une tech­nique à l’eau marquée à l’oxygène 15, on observe une réduc­tion des acti­va­tions du cortex moteur et prémo­teur mais par ailleurs, l’apparition d’activités dans l’insula anté­rieure droite, la tête des noyaux caudés, le puta­men et le cortex préfron­tal dorso­la­té­ral démon­trant une réor­ga­ni­sa­tion fonc­tion­nelle des ganglions de la base avec récu­pé­ra­tion d’un profil d’activités semblable à celui retrouvé chez des volon­taires sains ! 

Au plan molé­cu­laire, c’est l’épigénétique qui semble bien être en cause (51,53) c’est-à-dire la sensi­bi­lité du génome à l’environnement et donc, par exemple : à la répé­ti­tion de certains mouve­ments qui amène dès lors des modi­fi­ca­tions méta­bo­liques (facteurs neuro-​trophiques, protéines spéci­fiques, kinases,…) engen­drant des chan­ge­ments fonc­tion­nels et struc­tu­raux (= plas­ti­cité) intra­nu­cléaires, intra­cy­to­plas­miques et membra­naires expli­quant les modi­fi­ca­tions géné­ra­le­ment favo­rables (et recher­chées par la reva­li­da­tion ) des acti­vi­tés neuro­nales. Il existe donc une certaine plas­ti­cité géno­mique qui serait à la base des modi­fi­ca­tions neuro­plas­tiques bien connues et décrites de longue date par Kandel (53).

Une autre hypo­thèse consiste en l’effet favo­rable de l’exercice physique sur l’afflux d’oxygène dans les gyri dentés de l’hippocampe, lieu reconnu pour une neuro­ge­nèse limi­tée pouvant conti­nuer toute la vie à partir d’un pool de cellules souches. Ceci pour­rait expli­quer l’effet favo­rable du sport à la fois au plan cogni­tif mais aussi dans la dépres­sion (131890).

3. En ce qui concerne la protec­tion neuronale
Zigmund (90) et d’autres (,77) font état de travaux sur divers modèles animaux permet­tant d’élaborer l’hypothèse que les neurones dopa­mi­ner­giques pour­raient être proté­gés par l’augmentation de facteurs trophiques céré­braux tels que le GDNF et ceci, entre autres suite à une stimu­la­tion par l’exercice physique. Ceci est à la base du concept que l’exercice physique entraîne une rela­tive protec­tion contre les mala­dies neurodégénératives.

De plus, des études récentes concer­nant la reva­li­da­tion motrice (kiné­si­thé­ra­pie, logo­pé­die…) démontrent que la répé­ti­tion des mouve­ments améliore la capa­cité céré­brale à réali­ser ces mouve­ments via une orga­ni­sa­tion meilleure ou une réor­ga­ni­sa­tion après une lésion, de la plas­ti­cité céré­brale par le (re-)modelage au long cours des contacts inter­neu­ro­naux (9,52, 90). La répé­ti­tion régu­lière, quasi jour­na­lière, d’exercices spéci­fiques (88) entre­tient le bon fonc­tion­ne­ment de ces réseaux neuro­naux corres­pon­dant ainsi à un effet protec­teur ! (cfr Figure 2).

Dès lors, il faudrait conce­voir, en réflé­chis­sant à une bonne métho­do­lo­gie spéci­fique (9), des études visant à déter­mi­ner si une inter­ven­tion physique (gymnas­tique spéci­fique par exemple) précoce et régu­lière (dès le diag­nos­tic) influence le décours de la mala­die selon le concept à la mode du « disease-​modifying effect » !

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