Une journée particulière…
Publié le 18 décembre 2002 à 18:23paru dans Le Parkinsonien indépendant n°11 — décembre 2002
« Malade, accompagnant … la parole est à vous »
Le 12 octobre dernier, l’association A.D.P.L.A. organisait une rencontre – la troisième du genre – pour permettre à chacun d’exprimer son point de vue sur la vie avec « Parkinson » :
« Quelle place la maladie nous laisse-t-elle prendre dans la société ? »
Ce sont près de 50 personnes qui se sont retrouvées pour échanger leur point de vue en ateliers, animés par deux représentantes de « Psycho 44 » et des bénévoles de l’association, puis en regroupement sous le regard et l’analyse de Maryvonne ROGINSKI, psychologue à Rennes.
Les « groupes de parole » se sont constitués avec d’un côté les « jeunes » malades et les malades de plus de 10 ans et de l’autre les accompagnants des « jeunes » et des anciens. Cette séparation, voulue par les organisateurs, a permis l’expression la plus libre possible du vécu des uns et des autres.
Une grille de questions a été proposée aux participants :
La communication :
— Avons-nous besoin de le dire ?
— Avons-nous informé notre entourage, nos collègues de travail, notre employeur ?
— Quel regard ressentons-nous (subjectivement), supportons-nous objectivement) ?
Les activités :
— Est-ce que nous travaillons encore ? A‑t-on aménagé notre poste de travail ?
— Est-ce que nous participons à des activités de loisir, des engagements associatifs ?
— Avons-nous limité nos sorties ? Si oui, dans quel domaine ?
Notre vie a‑t-elle changé ? :
— Parkinson nous accompagne tous les jours : sommes-nous différents ?
— Notre partenaire a‑t-il changé depuis l’arrivée de cet indésirable compagnon ?
Bien sûr, il ne s’agissait là que d’un fil conducteur pour aider l’expression de tous.
Atelier des « jeunes Parkinsoniens »
Regroupant une douzaine de malades de moins de 10 ans, il a permis l’expression, souvent teintée d’émotion, de nouveaux arrivants qui, pour bon nombre d’entre eux, ont encore une activité professionnelle.
Ce qui les a frappés, tous, c’est l’annonce brutale du diagnostic arrivant après des recherches souvent longues des causes de leurs handicaps (douleurs des articulations, difficultés à écrire ou à se mouvoir, etc…).
Le médecin, sans doute par méconnaissance ou par difficulté à trouver l’expression juste, n’hésite pas à annoncer sans précaution particulière – c’est du moins ce que les malades disent – le diagnostic qui « condamne » !
Certes, il est nécessaire d’utiliser les mots justes – l’un des participants faisait état, au contraire et à son grand regret, de l’absence d’information – mais il faut aussi savoir tout ce que cela provoque comme traumatismes :
— Qu’est ce qu’on fait de cette information ?
— Que va-t-on devenir ?
— Quelles évolutions pour la maladie et le malade ?
— Que dire à ses proches ? A son entourage ? A son employeur ?
Tous disent avoir vécu une période plus ou moins longue de « dépression », de « refus d’admettre ». C’est le « trou noir », l’impression de « destruction ».
Suivant l’expression de plusieurs, il est difficile d’avouer sa maladie comme s’il s’agissait d’être coupable de cette maladie vis à vis des autres !
Face à la difficulté d’avoir une vie sociale normale – « J’ai l’impression d’avoir une pancarte dans le dos », disait l’un d’eux – l’entourage est très important, l’aide de quelqu’un indispensable : il est difficile de vivre seul cette maladie.
Et pourtant, le regard de l’autre nous rend vulnérable : on se sent diminué d’autant plus que les symptômes sont de plus en plus prégnants. Ils sont interprétés par la société de manière incorrecte : alcoolisme, débilité, … « Pour être mieux perçu, je prends ma canne ! »
Atelier des accompagnants des « jeunes »
Leur premier constat fait état d’une majorité très importante de femmes, épouses ou compagnes, comme s’il y avait plus d’hommes touchés que de femmes ! Pourtant les statistiques ne vont pas dans ce sens. Mais peut-être y a‑t-il une explication à rechercher dans la manière des uns et des autres d’aborder la maladie ?
Suivant le caractère de chacun, les attitudes sont différentes :
— Certains ont tendance à « s’approprier » la maladie : « depuis notre maladie ! »
— D’autre prennent le sujet « maladie » avec de l’humour, pour se ressourcer.
— Quelle est notre rôle : sommes-nous conjointe ou infirmière ?
— Quelle place personnelle nous reste-t-il dans ce rapport à trois avec « Parkinson » ?
La relation d’amour est indispensable pour accepter, supporter, vivre avec ce compagnon supplémentaire.
Il faut que le malade comprenne le besoin de « souffler », de « lâcher la bride » de sa compagne : elle a le droit de vivre en dehors.
Pour survivre, on vit le moment présent, au jour le jour. Mais il est aussi indispensable d’avoir du recul.
Une aide psychologique apparaît indispensable à certains pour surmonter les difficultés journalières.
Pour les enfants, la situation est difficile à appréhender : on a du mal à admettre et à voir son parent décliner d’autant plus que les enfants sont tournés vers l’avenir avec optimisme alors que le malade est plutôt pessimiste sur le futur.
Une question : Être malade ou Avoir la maladie ? La différence est importante pour la manière d’appréhender la maladie et d’accompagner le malade.
Atelier des malades de plus de dix ans.
Le groupe réunissait 13 malades également répartis entre hommes et femmes.
Là aussi, est revenue la brutalité de l’annonce du diagnostic qui reprend les mêmes termes que le groupe des « jeunes » : cela a été vécu comme un traumatisme et demeure, même plus loin dans le temps, comme une date de rupture.
Il a fallu se protéger tant qu’on a pu vis à vis de l’extérieur en particulier dans le cadre professionnel.
A quoi ça sert de « dire » puisque ça se voit ?
— On évite ainsi les questions embarrassantes.
— On a des difficultés à s’exprimer cumulées à des difficultés physiques.
— L’importance du regard de l’autre face à nos difficultés.
Est-ce que les autres me regardent comme je me l’imagine ?
— Les symptômes sont propres à les inciter à interpréter les agissements du malade différemment de ce qu’il est.
— Le regard de l’autre augmente les troubles physiques.
— Les enfants ont un regard interrogatif.
Il y a beaucoup moins de sorties, de plus en plus de repli sur soi malgré les envies qui existent toujours. Et puis la grande fatigue est omniprésente. On peut faire de moins en moins de choses : les difficultés physiques entraînent des gênes et une perte d’autonomie.
Cette dépendance accrue entraîne une prise de pouvoir du conjoint que l’on a du mal à admettre. Ainsi, il devient impossible de conduire un véhicule et cette perte d’autonomie est très difficile à supporter. Mais pour autant, il ne faut pas trop entreprendre pour éviter les situations d’échec.
Suivant les tempéraments, la difficulté de plus en plus grande à s’exprimer est insupportable et l’on a tendance à s’isoler, ce qu’il faut éviter à tout prix.
Des mots difficiles à entendre : « dégénérescence », « Parkinson », que l’on relie trop facilement à « sénescence », « Alzheimer ».
Atelier des accompagnants des « plus de dix ans » de maladie
Là aussi, l’annonce brutale du diagnostic est ressentie comme un traumatisme : Une réelle difficulté à accepter « l’inacceptable », une perte de confiance dans le médecin.
Les premières années sont ressenties, avec le recul, comme positives puis de plus en plus difficiles avec l’arrivée des difficultés. Au début, le conjoint ne réalise pas vraiment parce que la vie continue comme par le passé. Mais au bout de 20 ans, les problèmes physiques se cumulent avec des problèmes psychologiques.
Le plus difficile c’est de voir l’autre souffrir sans pouvoir faire quelque chose pour le soulager.
Et progressivement, la vie sociale diminue. Le malade devient exigeant parce que trop « materné » au début : une impression « d’esclavage » s’installe ; le malade utilise la maladie pour prendre le conjoint dans ses filets. Mais en cas de maladie de l’accompagnant, le malade reprend un peu de son autonomie !
On a peur de laisser son « Parkinsonien » sortir seul du fait des risques de chutes. Ne plus conduire entraîne une diminution de son statut et pourtant la conduite devient dangereuse. Des conflits surgissent que les deux conjoints regrettent ensuite
Le parkinsonien doit protéger son conjoint : il faut pouvoir prendre des vacances, avoir un temps indispensable de repos.
Inversement, il faut que le conjoint le stimule en permanence, le faire sortir de son isolement parce qu’il a tendance à se mettre en position de retrait et qu’il a difficulté à prendre des initiatives.
C’était l’intérêt des vacances organisées, il y a quelque temps, par l’association.
Les nuits sont difficiles : sommeil écourté, se lever pour accompagner le malade.
Présence continuelle du conjoint auprès du malade, perte de repères, agressivité du mari qui commande sans prendre de responsabilité, difficulté à admettre le déambulateur.
Autant de difficultés cumulées qu’il faut traiter si l’on veut continuer à être pleinement efficace et ne pas perdre son propre équilibre.
Heureusement, c’est différent suivant les personnes et l’on est souvent ce que l’on était avant la maladie : les traits de caractères en sont seulement accentués.
Des réflexions complémentaires lors du regroupement
- Plus passe le temps, mieux j’accepte ma maladie.
— Nous sommes les meilleurs médecins pour nous-mêmes : il faut savoir se connaître pour se soigner correctement et informer son neurologue. — Dans certains cas, la présence du conjoint est indispensable parce que le malade n’est pas toujours à même d’exprimer clairement son ressenti.
Rester soi-même le plus possible, c’est une vrai mise à l’épreuve parce qu’avec le temps il change, devient plus irritable, plus triste. Il n’a plus d’envie.
Stimuler c’est une arme à double tranchant parce qu’on risque de casser la volonté du malade et la relation avec lui si l’on va trop loin.
Il manque de réels soutiens psychologiques pour le malade et le conjoint et de lieux adaptés pour permettre au couple de souffler. On a besoin de structures d’accueil de jour et de personnels pouvant assurer des gardes de nuit.
La formation des médecins et des personnels soignants laisse apparaître des lacunes pour ne pas dire des absences de connaissances de la maladie.
Eléments de synthèse de Maryvonne Roginski
Le traumatisme de l’annonce :
— Les médecins ne savent pas annoncer les « mauvaises nouvelles »
— On préfère les « précautions » de langage
— Mais ça ne change rien à la violence de la « mauvaise nouvelle »
— Il faut alors être entouré par les siens ou par un soutien psychologique
Ce que dévoile la maladie :
— Elle touche au mythe de « l’éternelle » jeunesse
— Elle annonce la perte d’autonomie
— Se faire aider ou se gouverner soi-même : un choix propre à chacun
L’accompagnement :
— Les besoins des uns ne sont pas ceux des autres
— Les demandes ne sont pas synchrones
— La maladie n’est pas constante suivant les moments de la journée
— Les accompagnants doivent se trouver des soutiens
Le malade est avant tout un « être social » or la tendance médicale est de ne considérer que l’aspect « malade » du patient et de ne répondre qu’avec une prescription médicale, ce qui est la base de sa formation.
L’aide et le soutien à chacun dans cette épreuve passent par des techniciens mais aussi par les bénévoles qui savent écouter, d’où le rôle essentiel des associations.
Éditorial du numéro 11 — Le Parkinsonien Indépendant
Publié le 15 décembre 2002 à 12:00Le Parkinsonien Indépendant — n° 11 — décembre 2002
La perte brutale d’un être cher est une épreuve que l’on ne peut pas imaginer sans l’avoir personnellement subie : c’est un gouffre qui s’ouvre sous vos pieds et l’on ne sait plus à quoi, à qui se raccrocher.
Et l’entourage se sent impuissant à soulager la peine immense qui vous envahit.
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