La Maladie de Parkinson — Conférence du docteur Anne FROBERT
Publié le 24 juin 2004 à 21:17paru dans Le Parkinsonien Indépendant n° 17 — juin 2004
Saint Nazaire le 17 avril 2004
Docteur en médecine, spécialisée en gynécologie-obstétrique et principalement en chirurgie gynécologique, Anne FROBERT est diagnostiquée « parkinsonienne » à son 42ème anniversaire, cela à la suite d’une « sorte de paralysie de la main droite et de douleurs persistantes ».
J’essaie, de part ma double appartenance, c’est-à-dire au monde des personnes porteuses de la maladie et à celui des médecins, de trouver les moyens pour mieux se comprendre et se faire comprendre, mieux expliquer les problèmes des uns et des autres. Par contre même si je commence à bien connaître la maladie, je ne suis pas neurologue et ne prétends en aucun cas l’être ni tout savoir sur la maladie de Parkinson (MP).
Les porteurs de maladies chroniques décident de faire les efforts nécessaires pour se prendre en charge, être des collaborateurs efficaces à l’ensemble des thérapeutes, pour devenir des partenaires à la gestion de leur propre maladie.
Intervenir devant vous aujourd’hui, c’est aussi une démonstration immédiate et probante du fait que la maladie de Parkinson n’atteint pas précocement les fonctions supérieures dites cognitives et n’est pas la maladie uniquement de personnes particulièrement âgées comme le pense souvent le grand public non averti.
Quelle que soit notre âge et nos symptômes, nous avons tous une maladie de Parkinson : est ce la même maladie pour tous ? Sans doute pas tout à fait : pluri symptomatiques, il y a autant d’aspects de la maladie que de patients. Cependant des traits communs font qu’actuellement le même mot de « maladie de Parkinson » est utilisé.
Rappel sur la maladie de Parkinson (M.P.)
C’est une affection dégénérative du système nerveux central, de cause initiale inconnue et sans traitement pouvant actuellement stabiliser définitivement ou guérir les personnes atteintes.
Elle est liée à la disparition des neurones de la voie nigro-striée, qui jouent un rôle fondamental dans la commande des mouvements volontaires et qui, de plus, interviennent dans de nombreux contrôles neuropsychiques : la MP trouble de très nombreuses régulations et n’est pas seulement la maladie neuromusculaire du tremblement des doigts de la main.
En France, la prévalence est de 1 pour 1000 habitants dans la population globale ; cette prévalence augmente de manière exponentielle après l’âge de 50 ans ; elle est de 1.5 pour 100 au-delà de 65 ans. Le sexe ratio est de 1.
En moyenne, elle débute vers 55/57 ans mais on estime à 10% les patients atteints entre 25 et 40 ans. Il existe de rares cas avant 25 ans.
La MP n’a actuellement pas de causes connues, elle est dite idiopathique. Hormis certaines formes familiales à début précoce, elle n’est pas héréditaire. Par contre, les recherches actuelles permettent de dire qu’il existe des facteurs géniques de prédispositions, une vulnérabilité anormale et génétiquement déterminée des neurones dopaminergiques à des facteurs environnementaux variés (entre autres, certains pesticides ou solvants).
Physiopathologie :
La dégénérescence des neurones dopaminergiques touche principalement, dans le cerveau, le « locus niger » où se trouve le corps des neurones et le « striatum » où se trouvent leurs terminaisons. Les signes cliniques de la MP n’apparaissent que lorsque 70% a 80% des neurones sont détruits.
Les manifestations cliniques s’expliquent par les connexions fonctionnelles entre le locus niger et le striatum : la dopamine, fabriquée par ces neurones, est l’initiateur et le régulateur de l’exécution de l’ordre moteur. Elle est sécrétée et libérée dans l’espace entre deux cellules nerveuses : l’espace inter-synaptique.
Sur le plan moteur, le locus niger contrôle un centre sous-jacent : le noyau sous-thalamique qui lui sécrète de l’acétylcholine. Celle-ci a pour effet de faire contracter le muscle.
Lorsque cela fonctionne correctement, la dopamine va réguler en la bloquant la sécrétion d’acétylcholine et ainsi régler le tonus du muscle aussi bien au repos qu’à l’exécution d’un exercice volontaire. Par contre en cas de manque :
— au repos, la contraction des muscles, provoquée par l’acétylcholine, rapide et discontinue, provoque le tremblement ou une raideur importante par tonus excessif ou hypertonie.
— Au mouvement, l’absence de régulation provoque un ralentissement dans l’exécution des mouvements volontaires : c’est la lenteur parkinsonienne ou bradykinésie qui peut aller jusqu’à l’absence mouvement, l’akinésie.
Selon le professeur POLLAK : « La maladie de Parkinson est une maladie non seulement motrice, mais neuropsychiatrique : les complications psychiques observées sous traitement dopaminergique émergent comme le résultat d’une balance parfois subtile entre l’effet direct de ces traitements, la personnalité préalable du patient atteint et les lésions cérébrales dues à la maladie. »
Ceci explique non seulement la très grande variété des symptômes de la MP mais aussi leur caractère parfois « insolite et aberrant » pour le patient ou son entourage.
Les différents signes cliniques :
— Le tremblement au repos disparaît lors du mouvement volontaire et du maintien de l’attitude. L’émotion et la concentration l’augmentent. Il prédomine sur la main.
— Bradykinésie et akinésie ou retard à la mise en route des mouvements volontaires : perte des mouvements automatiques. Cela se traduit par : la micrographie, la perte du ballant du bras lors de la marche, lenteur de certains gestes (se raser, se boutonner), visage inexpressif, figé, la dysarthrie parkinsonienne (parole lente, assourdie, monotone)
— Rigidité plastique d’origine extrapyramidale : douleurs cervicales, lombaires ou des membres supérieurs. Ce qui se traduit par : une marche perturbée (lente à petits pas) parfois accélérée (la festination) voire impossible (le freezing) ; une posture générale en flexion vers l’avant.
— L’acathésie : besoin impérieux de se lever et de marcher, fréquemment constatée lors de l’évolution.
Accessoires de ces différents signes typiques : l’instabilité posturale (risque de chutes), la fatigue, la « crampe de l’écrivain », le pied qui accroche, les douleurs (musculaires, des dystonies), les troubles du sommeil, les manifestations neuropsychiatriques (anxiété, dépression, hallucinations visuelles, confusion).
Différents troubles sont également associés à la MP, également provoqués par les médications : troubles intellectuels (concentration et mémoire immédiate, difficultés de planification, de synthèse) ; troubles de la paroles (articulation, phonation, ton et rythme) ; troubles digestifs, urinaires, sexuels (impuissance ou hypersexualité) ; troubles visuels ; hypotension artérielle.
Traitements médicamenteux disponibles
Rappel : la dopamine est secrétée et libérée dans l’espace inter-synaptique et telle une clé dans une serrure, elle va se fixer sur un récepteur dopaminergique du neurone suivant transmettant ainsi un message.
Le traitement consiste à remplacer le neurotransmetteur manquant suivant quatre formules complémentaires :
— Les précurseur de la dopamine : la Lévodopa ou L‑dopa commercialisée sous deux formes Modopar et Sinemet.
— Les inhibiteurs de la dégradation de la Dopamine : Amantadine, le Deprenyl pour la MAO‑B (monoamine oxydase B), le Tasmar ou le Comtan pour le COMT.
— Les agonistes dopaminergiques jouant le même rôle que la dopamine : par voie orale, les ergopeptines (Parlodel, Dopergine, Celance) ; en injection sous-cutanée l’Apomorphine.
— Le libérateur de dopamine : l’hydrochlorure d’amantadine.
Traitement chirurgical
L’équipe Benabib et Pollak à Grenoble a conçu dès 1993 une méthode thérapeutique ayant pour cible chirurgicale le noyau sous-thalamique : la stimulation électrique à l’aide d’électrodes implantée dans ce noyau qui permet de régler le degré d’inhibition des cellules cibles. Mais cette méthode ne concerne qu’entre 10% et 15% des malades parkinsoniens.
Recherches et essais en cours pour rétablir la sécrétion de dopamine
Pour y parvenir, les recherches s’orientent essentiellement dans plusieurs directions : la greffe de cellules embryonnaires , la greffe de cellules génétiquement modifiées et la thérapie génique qui consiste à introduire un gène codant la synthèse de la dopamine dans des neurones du striatum. Pour cela, il s’agit, à l’aide d’un vecteur – généralement un virus inactivé et génétiquement modifié – qui sert de cheval de Troie, d’introduire dans les neurones du striatum un gène portant un facteur neurotrophique ; c’est-à-dire qui stimule la survie des neurones.
Les progrès thérapeutiques des années à venir sont à attendre avant tout dans l’amélioration du traitement par la L‑dopa et la réduction de ses effets secondaires.
Les choses importantes qu’on ne vous dira jamais !
Il est fondamental de bien comprendre que la MP est un handicap intermittent qui gêne de façon plus ou moins marquée l’activité normale quotidienne.
Les « vrais choses » concernant la MP à expliquer à l’entourage et au public :
Les signes classiques :
— La rigidité et l’akinésie : Imaginez que vous êtes porteur en permanence d’une combinaison de plomb qui pèse et gêne chacun de vos mouvements et que, parfois, vous avez de plus l’impression de marcher contre le courant d’une rivière. C’est à peu près ce que l’on ressent lorsqu’on est en phase d’akinésie : le désir de bouger est là, et pourtant la main, le pied ne bouge pas ou à la vitesse d’un escargot.
— Le tremblement : ce n’est pas juste « sucrer les fraises ». Un mouvement simple reste possible (claquer une portière par exemple). Couper avec un couteau ou piquer avec une fourchette, boire ou manger deviennent presque impossible ou très gênant (verres renversés, tâches ou nappes maculées…).
— Marcher devient difficile, les chutes sont fréquentes. S’habiller, défaire des boutons, lire une feuille de papier tenue à la main, trier sa monnaie dans un porte-monnaie, etc.…
Tout doit être fait et refait sans cesse plusieurs fois : c’est mentalement, physiquement et psychologiquement épuisant ; sans compter tout ce qu’on évite de faire par peur de l’échec.
Les signes moins connus de tous :
— Variabilité dans le temps : être parkinsonien, c’est être handicapé de façon intermittente. A tel moment vous êtes « une statue » quelque temps plus tard vous danseriez la samba puis de nouveau vous êtes « coulé dans le béton armé ».
— Alternances des périodes « on » et « off ». Quant la personne atteinte est dans un bon moment, elle donne l’illusion (du moins au début de la maladie) que tout va bien : comme pour un bouton électrique on dit qu’il est sur ON. Lorsque le parkinsonien n’est plus correctement soulagé par les médicaments, il ressent alors une fatigue extrême et les signes moteurs (tremblement, akinésie, dyskinésie) sont au maximum : période OFF.
— Ceci peut également se produire plus particulièrement en cas de stress, d’émotion, de peur, d’agressions de toute sorte (bruit, foule) ou d’horaire à respecter !
— Variabilité dans le type de difficultés : plus les mouvements requièrent de complexités, d’enchaînements et de contrôles multiples, plus ils seront difficiles à réaliser. Il est plus facile de serrer une poignée de porte que d’enfiler une aiguille, de marcher que d’apprendre un pas de danse compliqué. Mais inversement, il est plus facile de monter un escalier que de faire un pas pour franchir une porte !
Fatigue et fatigabilité : La MP est épuisante car les moindres gestes, les moindres paroles ne sont plus sous « pilotage automatique »… Tout doit être pensé comme « si c’était la première fois ». Et c’est d’autant plus fatigant que la peur de ne pas y arriver est là, constante, une peur qui conduit le plus souvent à éviter les situations difficiles et à s’isoler des autres.
Le parkinsonien ne peut ni faire plusieurs actes en même temps, ni les réaliser sans une performance volontaire : installé à la terrasse d’un café, pour boire vous devez quitter des yeux votre interlocuteur et, concentré sur la tasse de café, vous ne pouvez plus répondre aisément ; votre visage se contracte ; vous paraissez soudain muré dans votre maladie.
L’ensemble de ces signes qui ne sont pas, heureusement, tous présents en permanence et pour tous, conduit l’immense majorité des parkinsoniens à s’isoler du monde extérieur et modifier son comportement ce qui déroute l’observateur : si on ne pense pas obligatoirement « comédie », on pense « paresse », manque de volonté ou « tête de mule ».
Du fait de la rigidité de son visage, de ses mimiques peu ou pas marquées, de son regard un peu figé, la personne atteinte de Parkinson paraît triste ou donne l’impression de « faire la gueule » !
Rappelez-vous que la personne atteinte de la maladie de parkinson ne fait pas exprès et que c’est bien plus difficile pour lui que vous ne le pensez, d’autant que votre regard impatienté ou agaçé le stresse vite ce qui va augmenter sa lenteur et ses troubles du comportement.
L’investissement intellectuel et psychoaffectif pour vivre avec la MP est très important. Parfois par trop de solitude ou d’isolement, trop de difficultés liées à la maladie, le malade cesse de s’adapter, abandonne le combat et toute joie de vivre.
La dépression, plus fréquente chez le parkinsonien, est liée à plusieurs phénomènes :
— Liée au phénomène chimique du manque de dopamine, elle est visible « en fin de dose » en période OFF.
— La multitude des « deuils » à faire dans les activités (perte d’autonomie, de son métier, de ses amis quelque fois de son partenaire…)
— De plus l’estime de soi et la confiance en soi sont rapidement altérées dans cette maladie où l’on ne peut pas compter sur soi-même.
Cela étant, il est inutile de penser qu’un parkinsonien est par essence dépressif et il n’y a pas lieu de lui administrer systématiquement des médicaments spécifiques. La psychothérapie, quant cela s’avère nécessaire, fait des merveilles ainsi que toutes les techniques permettant une relaxation que ce soit le yoga, la sophrologie, etc.…
Les troubles du sommeil : classiquement le parkinsonien dort peu la nuit et somnole dans la journée. Cette somnolence diurne est plus liée à la fatigue du travail musculaire et aux effets secondaires des médicaments qu’à l’insomnie nocturne. Pour autant, l’insomnie est plus une notion qualitative : il s’agit d’un manque de sommeil nocturne qui gêne le sujet et a des conséquences négatives sur lui.
Médecins ou spécialistes ? Sans l’ombre d’une hésitation et sans la moindre intention de froisser les généralistes, il faut impérativement être suivi par un spécialiste en neurologie, l’idéal étant un neurologue spécialisé dans la MP. En effet, le généraliste ne peut suivre tous les détails de cette maladie et de son traitement qui est en constant changement pour s’adapter au patient et introduire de nouvelles drogues. Cela n’empêche pas de voir son généraliste entre deux consultations et ainsi lui permettre de parfaire ses connaissances.
Il faut établir un partenariat avec le corps médical car nul ne connaît mieux que le parkinsonien SA maladie, nul mieux que le neurologue ne connaît LA maladie de Parkinson
Les cocktails médicamenteux : La réponse à la dopamine exogène s’estompe à la longue et des effets secondaires très gênant, des mouvements anormaux répétés en crise et souvent violents, les dyskinésies, altèrent fortement la qualité de vie des patients. C’est pourquoi de essais sont en cours sur des molécules agonistes pour lesquelles on espère l’absence de dyskinésies secondaires ainsi que sur d’autres médicaments qui pourraient supprimer ce très gros problème
Le neurologue va donc essayer un « cocktail » équilibré pour diminuer les doses de L‑dopa au profit d’agonistes ce qui va multiplier le nombre de « pilules » à prendre à des horaires bien spécifiques et qu’il faut impérativement respecter. En effet, tout retard de quelques dizaines de minutes peut aboutir à quelques heures très difficiles d’akinésie, de tremblement ou de dyskinésie qui gênent tous les mouvements et ne cèdent plus malgré les prises.
Le rôle de l’entourage : il est essentiel et difficile. Il est évident pour tout le monde qu’il faut, autant que possible, laisser le malade effectuer le maximum d’activité, même s’il est lent ; mais à l’inverse il ne faut tomber dans l’indifférence. De nombreux moments sont déconcertant tant pour le patient que pour l’entourage.
En 2001, Novartis Pharma a réalisé, avec France Parkinson, une enquête pour juger des conséquences sur la vie et la santé des conjoints. Elle fait apparaître de réelles difficultés et le manque de structures d’accueil « temporaires » permettant de les aider dans leurs rôles et les soulager.
Il y a des malades exigeants voire tyranniques, comme il y a des conjoints qui bousculent leur « malade » et leur font payer, heure après heure, l’aide qu’ils leur apportent à contrecœur. Mais il est impératif de dire et redire les difficultés bien réelles de leur entourage, pour que les malades en deviennent bien conscients
La maladie est un fait, un aléa de la vie, et c’est la regarder bien en face et lucidement que d’en cerner tous les aspects et les conséquences, que d’en parler « en équipe » pour trouver des solutions adéquates pour tous.
Résumé proposé par Jean GRAVELEAU, réalisé à partir des notes de Anne FROBERT
Éditorial du numéro 17 — Le Parkinsonien Indépendant
Publié le 15 juin 2004 à 12:00Le Parkinsonien Indépendant — n° 17 — juin 2004
L’été revient avec le risque associé de « canicule » !
Comment en est-on arrivé à ce paradoxe qu’un été chaud devienne un « risque majeur » pour lequel la météo, les services de santé, et même tous les salariés (puisqu’un jour férié va disparaître du calendrier), soient mis à contribution pour ne pas répéter les errements de l’an passé ?
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