Ne pas être qu'un "patient" ...

Le point sur les « cellules souches » — Trois articles divergents mais complémentaires

Extrait de Le Parkin­so­nien Indé­pen­dant n°22 – septembre 2005

1-« Déce­vantes cellules souches » 
Le Nouvel Observateur.28 avril /​ 4 mai 2005 par Fabien Gruhier

« On a cru qu’elles allaient venir à bout de tous nos maux. Hélas les cher­cheurs constatent que les merveilles consta­tées en éprou­vette ne se repro­duisent pas dans un corps humain ».

« Le bel enthou­siasme se serait-​il évanoui ? Voila cinq ans, un défer­le­ment de publi­ca­tions scien­ti­fiques lais­sait espé­rer que l’on allait bien­tôt pouvoir répa­rer à la carte nos organes défaillants et nos tissus endom­ma­gés. Ceci en utili­sant les cellules souches adultes, plus ou moins indif­fé­ren­ciées, que l’on ne cessait de décou­vrir un peu partout dans l’organisme. …Ayant conservé une certaine souplesse leur permet­tant, en cas de besoin, de donner nais­sance à des cellules spécia­li­sées de rempla­ce­ment. Grâce à elles, on allait donc faire repous­ser les neurones … et soigner les mala­dies dégé­né­ra­tives jusqu’ici incu­rables. Le tout sans inter­ven­tion lourde, puisqu’il s’agirait simple­ment de multi­plier in vitro ces cellules souches, de les diffé­ren­cier dans le modèle désiré, puis de les injec­ter là où elles seraient utiles. Les cellules de la moelle osseuse semblaient se prêter parti­cu­liè­re­ment bien à l’exercice : chez l’animal on a prouvé qu’elles conser­vaient un poten­tiel « multi-​tissulaire » compa­rable à celui des cellules souches de l’embryon, dites ES.


« Malheu­reu­se­ment, « cinq après, la révo­lu­tion concep­tuelle ne s’est pas produite », consta­tait le 5 avril Laure Coulom­bel, direc­trice de recherche à l’INSERM, lors d’une séance spéciale tenue par l’Académie natio­nale de Méde­cine, inti­tu­lée : Répa­ra­tion tissu­laire et cellules souches ». C’est que, résume la spécia­liste, « beau­coup d’observations ont été trop hâti­ve­ment inter­pré­tées ». On a extra­polé des obser­va­tions surpre­nantes faites sur la souris, voire sur la droso­phile, en espoirs de théra­peu­tiques appli­cables à l’homme. …En effet, les cellules vivantes se prêtent, au labo, à des trans­for­ma­tions qui « n’ont pas d’équivalent in vivo », dit Laure Coulom­bel. Ainsi, « fabri­quer in vitro des neurones, c’est une chose, mais répa­rer une lésion du système nerveux, c’en est une autre… » Tout ce bouillon­ne­ment scien­ti­fique autour des cellules souches adultes …a néan­moins produit des obser­va­tions très impor­tantes. …Seule certi­tude : le plus souvent, là où elles se trouvent, elles paraissent jouer leur rôle natu­rel, à savoir régé­né­rer le foie, la peau, les globules rouges, les fibres muscu­laires après un claquage, ou les os après une frac­ture. C’est déjà beau­coup, et rien n’interdit d’espérer qu’un jour on saura profi­ter davan­tage de leur capa­cité régé­né­ra­trice par une stimu­la­tion in situ. … »

« Les espoirs de répa­ra­tion tissu­laire semblent donc désor­mais repo­ser sur des cellules souches véri­ta­ble­ment pluri­po­tentes, capables d’être trans­for­mées à volonté en n’importe quel type de cellules spécia­li­sées. « La recherche d’une cellule souche univer­selle est comme la quête du Graal, passion­nante mais incer­taine », dit Hélène Gilgen­krantz, de l’institut Cochin. Or il faut recon­naître que, pour le moment, la seule source certaine de telles cellules est l’incontournable embryon humain. En l’état des connais­sances biolo­giques, il se trouve : 1) dans le clonage théra­peu­tique pour en tirer des cellules ES, mais cette tech­nique est inter­dite à peu près partout. 2) dans le recours aux embryons surnu­mé­raires, consé­cu­tifs à des fécon­da­tions in vitro. …De tels embryons sont stockés par dizaine de milliers dans de nombreux pays. Jusqu’ici, seuls Israël, les Etats-​Unis et l’Australie ont auto­risé leur utili­sa­tion scien­ti­fique, via la culture de précieuses lignées de cellules ES. En France, grâce à la dernière mouture (6 août 2004) de la loi bioé­thique, il est désor­mais possible d’importer des lignées ES prove­nant de pays qui en permettent l’exportation. »…

« Toute­fois, échau­dés par les espoirs préma­tu­rés que susci­tèrent les cellules souches adultes, les cher­cheurs s’efforcent main­te­nant de désa­mor­cer les promesses miro­bo­lantes : jusqu’à nouvel ordre, il s’agit exclu­si­ve­ment de recherche fonda­men­tale. Toute pers­pec­tive théra­peu­tique est repous­sée à un avenir lointain. »…

Fabien GRUHIER

2-« Clonage théra­peu­tique : la percée coréenne »
Le Nouvel Obser­va­teur 26 mai/​1 juin 2005 par Michel de Pracontal 

L’équipe de Woo Suk Hwang semble avoir trouvé la manière de créer effi­ca­ce­ment les embryons qui permettent ensuite d’obtenir des cellules souches capables, en théo­rie, de répa­rer n’importe quel tissu endom­magé. L’avenir de la biomé­de­cine se joue en Asie.

…« Les biolo­gistes du monde entier saluent la réus­site de l’équipe coréenne qui vient de démon­trer la faisa­bi­lité du clonage théra­peu­tique, le Graal de la méde­cine actuelle (Science du 20 mai 2005). Il s’agit de créer, par une tech­nique analogue à celle qui a fait naître la brebis Dolly en 1996, un embryonn ayant les mêmes gènes que le patient. Dans le cas du clonage repro­duc­tif, l’embryon est réim­planté dans l’utérus d’une mère porteuse pour donner un nouvel indi­vidu. Au contraire, lors du clonage théra­peu­tique, on met l’embryon en culture pour qu’il produise des cellules souches. Le rêve des biolo­gistes est d’utiliser ces cellules pour régé­né­rer le tissu endom­magé, comme si l’on faisait une greffe cellu­laire. Avan­tage : comme les cellules gref­fées ont les mêmes gènes que celles du patient, cette greffe ne pose aucun problème de rejet. »

« Mais ce beau concept se heur­tait, jusqu’à l’année dernière, à un obstacle majeur : aucune équipe n’avait réussi à produire par clonage une lignée de cellules souches embryon­naires humaines. En septembre 2004, l’équipe coréenne annon­çait une première réus­site, mais bien mince : une seule lignée obte­nue à partir de 200 essais. Qui plus est, l’expérience était réali­sée de telle manière que l’on n’était même pas certain qu’il s’agissait d’un véri­table clonage ! Le manque d’efficacité se doublait d’un grave problème éthique : on comprend aisé­ment que s’il faut des centaines d’ovules par lignée, la pénu­rie de donneuses risque d’aboutir à une marchan­di­sa­tion du don d’ovule. »

« Toutes ces critiques sont balayées par les nouveaux résul­tats. L’équipe de Hwang a réalisé onze lignées de cellules souches portant les signa­tures géné­tiques de onze patients diffé­rents, et en utili­sant dix fois moins d’ovules que dans l’expérience de 2004 ! Dans neuf cas, il a suffit d’un seul don pour obte­nir une lignée (une donneuse four­nit en moyenne une dizaines d’ovules). Ce succès remar­quable est dû, d’une part au fait que les cher­cheurs ont fait appel à des donneuses jeunes ; d’autre part, à une série d’améliorations tech­niques du procédé de trans­fert de noyau qui est à la base du clonage…De plus, les premiers essais confirment que les lignées de cellules souches peuvent bien se diffé­ren­cier en tissus spécifiques… »

…« Le progrès accom­pli par les scien­ti­fiques coréens conduit si près de l’application théra­peu­tique qu’il faut redou­bler de prudence et de vigi­lance éthique », estime pour sa part Hervé Chnei­weiss, direc­teur d’un labo­ra­toire de neuro­bio­lo­gie au Collège de France. A l’évidence, la démarche des coréens est orien­tée dans une pers­pec­tive théra­peu­tique à rela­ti­ve­ment courte échéance. Tous les spécia­listes en sont convain­cus : la course aux cellules souches et au clonage théra­peu­tique ne peut que s’accélérer. Et cela, en dépit des obstacles éthiques qu’elle rencontre dans de nombreux pays… »

… « Aujourd’hui, aucun pays euro­péen, y compris la Grande Bretagne, ne peut riva­li­ser dans ce domaine avec la Corée, et les Chinois sont aussi dans la course, quoique moins avan­cés. Si les Etats-​Unis et l’Australie conti­nuent de préfé­rer Dieu à la science, l’avenir de la biomé­de­cine se jouera en Asie. »

Michel De Pracontal

3-« Des cellules souches contre la mala­die de Parkinson »
Le Monde 15 juin 2005 par Jean-​Yves Nau 

« Est-​on à l’aube d’une nouvelle étape dans l’histoire du trai­te­ment de l’affection neuro­dé­gé­né­ra­tive décrite pour la première fois en 1817, par le docteur James parkin­son ? Les derniers résul­tats d’une équipe de cher­cheurs fran­çais et alle­mands, publiés dans le prochain numéro de la revue spécia­li­sée Nature Neuros­ciences, le laisse penser. Ils viennent, en effet confir­mer, après d’autres, les nouveaux espoirs nour­ris par l’usage des cellules souches dans le trai­te­ment d’affection neuro­dé­gé­né­ra­tives aujourd’hui incurables…

« L’équipe du docteur Pierre Marie Lledo (CNRS, insti­tut Pasteur de Paris, unité Percep­tion et Mémoire), travaillant en colla­bo­ra­tion avec celle du docteur Magda­lena Götz (univer­sité de Munich), explique comment elle a réussi à obte­nir, chez la souris, la trans­for­ma­tion de cellules souches neuro­nales du cerveau adulte en neurones capables de sécré­ter la dopamine… »

« Comme de nombreux neuro­bio­lo­gistes, ces cher­cheurs s’intéressent au bulbe olfac­tif, struc­ture céré­brale présente chez tous les mammi­fères. On sait, depuis une dizaine d’années, que cette struc­ture essen­tielle dans la percep­tion senso­rielle et la repré­sen­ta­tion des odeurs est le siège d’une produc­tion constante de nouveaux neurones à partir de cellules souches, et ce y compris chez l’homme de plus de 70 ans. Chez la souris, où la mesure a pu être faite, on estime que 80 000 neurones sont produits quoti­dien­ne­ment, soit le rempla­ce­ment d’environ 1% de ceux qui sont impli­qués dans le système olfactif. »

« Parce qu’elle était contraire à toutes les certi­tudes en matière de physio­lo­gie céré­brale, cette réalité n’a pas été accep­tée faci­le­ment, souligne le docteur Lledo. Ces nouveaux neurones proviennent de cellules souches présentes au cœur du cerveau, dans la zone sous ventri­cu­laire. En 2003, nous avions démon­tré qu’elles donnaient bien nais­sance à de véri­tables neurones capables de s’intégrer et d’établir de nouvelles connexions céré­brales. Une propriété prou­vant que le cerveau adulte n’est nulle­ment figé et qu’il est doté de facul­tés d’adaptation. De nouvelles pers­pec­tives fondées sur l’utilisation de cette plas­ti­cité neuro­nale à des fins théra­peu­tiques sont alors apparues. »

« …Ils avaient ensuite iden­ti­fié chez la souris adulte une molé­cule natu­rel­le­ment secré­tée dans le bulbe olfac­tif et qui attire les neurones imma­tures. Parve­nues jusqu’à cette molé­cule, appe­lée ténas­cine, les jeunes cellules commencent à se diffé­ren­cier en neurones et parviennent à matu­rité (Le Monde du 27 mars 2004).

« Ces résul­tats enri­chis­saient nota­ble­ment les connais­sances sur la complexité des méca­nismes céré­braux assu­rant le câblage des réseaux et les proces­sus mnésiques, tout en four­nis­sant un nouvel éclai­rage sur les fonc­tions répa­ra­trices du système nerveux central. Ils permet­taient égale­ment d’avancer dans la mise au point de stra­té­gies expé­ri­men­tales visant, sché­ma­ti­que­ment, à détour­ner des neurones nouvel­le­ment formés depuis leur zone germi­na­tive vers des régions lésées dans le but de les régé­né­rer. Il restait à s’assurer que les néo neurones ainsi recru­tés étaient fonc­tion­nels et capables de produire de la dopamine.

« Après plusieurs expé­riences infruc­tueuses, c’est cette démons­tra­tion qu’apportent aujourd’hui les équipes des docteurs Lledo et Götz. Les cher­cheurs sont, en effet, parve­nus, chez la souris, à obte­nir la diffé­ren­cia­tion de cellules souches neuro­nales en neurones produc­teurs de dopa­mine (neurones dits dopa­mi­ner­giques). En d’autres termes, ils ont réussi à orien­ter la matu­ra­tion de la tota­lité des néoneu­rones en neurones dopa­mi­ner­giques et ce dans une zone très précise du cerveau, le stria­tum, siège des lésions à l’origine de la mala­die de Parkin­son. Ce résul­tat a été obtenu en déclen­chant, au sein du stria­tum, l’expression de ténas­cine (qui a attiré les jeunes neurones issus des cellules souches) après avoir injecté dans les cellules souches un facteur de trans­crip­tion grâce auquel ces neurones ne se sont diffé­ren­ciés qu’en neurones dopaminergiques. »

« Travaillant avec l’équipe du profes­seur Bernard Biou­lac (CNRS Bordeaux), les cher­cheurs pasto­riens ont d’ores et déjà commencé à tester leur approche de reco­lo­ni­sa­tion en neurones dopa­mi­ner­giques du stria­tum sur des macaques porteurs de lésions simi­laires à celles des victimes de la mala­die de Parkinson. »

« Sans vouloir faire naître de faux espoirs chez les malades, nous pensons que ces travaux pour­raient, à terme, contri­buer à élabo­rer de nouvelles stra­té­gies théra­peu­tiques permet­tant de choi­sir le destin cellu­laire des neurones nouvel­le­ment formés, puis de les détour­ner depuis leur zone germi­na­tive vers les régions à répa­rer, explique le docteur Lledo. Si nous parve­nons à détour­ner les neurones par la ténas­cine et à forcer leur destin, les cellules souches chez l’adulte consti­tue­ront un réel et substan­tiel espoir thérapeutique ».

Jean Yves Nau

Lu et résumé pour vous par Jean GRAVELEAU

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