Patients et Cellules Souches (Stem Cells)
Publié le 07 mai 2006 à 08:47Article issu de Le Parkinsonien indépendant — n° 24 — mars 2006
Conférence des 15 & 16 décembre 2005 à Bruxelles
Organisée par l’E.F.N.A.(*) et la Commission Européenne
Nous avons eu le plaisir d’être invitée à participer à cette conférence, unique en son genre puisqu’elle s’était donnée comme objectif de faire entendre la parole des patients directement concernés par la recherche médicale dans le domaine des « cellules souches », domaine très « discuté » pour ses implications éthiques fondamentales.
Ce sont plus de 450 personnes venues de 34 pays qui ont écouté mais aussi, et surtout, participé aux débats. L’assistance était composée de 65% de « patients », pour la plupart représentant des associations, et 35% venus d’horizons divers : chercheurs, institutionnels, pouvoirs publics.
Par contre, il n’y avait aucun député européen, un seul s’était excusé et un autre était représenté par son « attaché parlementaire » ; cela a été vivement regretté par l’assistance. D’autant plus que le débat a porté, entre autre, sur la nécessité ou non d’une position européenne commune en matière d’éthique pour la recherche scientifique.
Cinq ateliers se sont succédés sur un rythme soutenu durant ces deux jours, magistralement « managés » par le présentateur de télévision CBE, Martyn LEWIS. Ils comportaient une rapide présentation du thème sous forme d’une vidéo suivi de l’intervention d’un panel de personnes représentatives. Après cette courte introduction, la parole était donnée à la salle et les réponses apportées par le panel.
Nous avons eu également la possibilité d’exprimer nos choix par le biais d’un vote électronique qui nous était proposé régulièrement. Avant le début de chaque atelier était ainsi exprimé l’opinion de l’assistance.
Atelier 1 : l’histoire des Cellules Souches :
Est-ce que nous soutenons la recherche sur l’embryon ? OUI 71%, NON 11%, sans avis 18%
Ce chiffre monte à 91% de vote favorable si l’on interroge les patients seuls.
Le débat s’est très rapidement situé sur les différentes procédures pour obtenir ces cellules et sur leurs implications en matière d’éthique. Tout d’abord quelques précisions quant aux méthodes utilisées :
* Elles peuvent être trouvées chez l’adulte ce qui pose, à priori, peu de difficultés puisqu’elles concernent directement le patient en cause. Mais elles sont moins nombreuses et plus difficiles à multiplier.
* Elles existent par contre en très grand nombre dans le sang du cordon ombilical. Cette procédure impose que soient recueillis ces cordons lors des naissances, pratique encore peu courante.
* La procédure la plus prometteuse se situe au tout début de la conception : les embryons de 5/6 jours appelés blastocystes(**). Ces blastocystes peuvent donc être issues soit d’une fécondation in vitro – les embryons dit « surnuméraires », ceux qui ne sont plus utilisés après la grossesse –, soit issues d’interruption volontaire de grossesse, soit d’un clonage thérapeutique.
C’est cette dernière technique qui pose le problème éthique le plus important suivant que l’on considère les blastocystes comme un simple amas cellulaire ou comme un être vivant en devenir. C’est ici que s’affrontent les diverses positions philosophiques ou religieuses.
Un premier constat s’impose à l’assemblée : le manque d’informations et d’explications au public, les débats demeurant essentiellement au niveau des élites intellectuelles, politiques ou morales.
Atelier 2 : La science rejoint la Médecine
Savez-vous si les cellules souches peuvent guérir un cancer ? OUI 63% NON 37%
Les cellules souches font l’objet d’essais de thérapies pour soigner des cancers sévères tel que la leucémie, ou dans le cadre de diabète, de traumatismes pour réparer un dommage. On peut provoquer le développement de cellules souches pour renouveler le sang ou la peau par exemple.
Mais il n’existe pas encore de thérapie : les résultats des essais sont encourageant mais il faut prévenir le rejet du greffon et on constate leur diminution dans le temps. S’il est plus facile de s’attaquer à la maladie de Parkinson du fait de sa simplicité – la perte des neurones dopaminergiques – il faudra au moins une dizaine d’années pour envisager les essais sur les cellules humaines
Réactions de plusieurs interlocuteurs : « Ce n’est pas éthique de ne pas faire la recherche sur les embryons puisqu’on laisserait des malades sans réponse au nom de la défense d’amas cellulaires qui n’ont aucune chance de devenir des êtres vivants en particulier dans le cadre des embryons surnuméraires ».
Atelier 3 : La vision des patients
En tant que malade, avons-nous une place reconnue dans la recherche ?
OUI : 15% NON : 67% SO : 18%
Est-ce qu’il existe des blocages pour que l’on informe le public sur ces recherches ? Sans aucun doute car est très présent à l’esprit des décideurs ce qui se passe pour les O.G.M.. Il faut être très prudent dans la recherche : la sécurité est primordiale.
Pour les Parkinsoniens par exemple, il faut faire quasiment du « sur mesure » propre à chaque individu ; une approche multidisciplinaire est indispensable.
Pour autant l’éthique ne doit pas empêcher la recherche.
Atelier 4 : Recherche sur les cellules souches et Société.
Qu’est ce qui influence le plus le débat ?
La religion : 47% la Politique : 32% les Médias : 10%. politique, histoire, loi : 5%
Pour les opposants à la recherche sur les embryons :
Les malades refuseraient-ils un traitement issu d’un embryon ? OUI 24%, NON 75%
Refuseraient-ils un médicament issu de cette recherche ? OUI 15%, NON 81%
Il apparaît nécessaire l’instauration d’un débat démocratique sur le sujet : le public manque d’information sur le sujet. Comment mettre les patients dans le coup d’un vrai débat ?
On peut constater que la place des religions est essentielle dans ce débat. Des représentants des principales religions exposent leur point de vue synthétique :
* Pour la religion juive, l’embryon précoce ne devient un être humain qu’à partir du 40ème jour après la conception. La recherche sur les cellules souches ne pose donc pas de difficulté éthique pour elle.
* Pour la représentante des musulmans, la religion n’a pas le monopole de l’éthique. Il n’y a pas vie humaine avant un certain délai. Par ailleurs, il est tout à fait justifié d’aider une « vie existante » par une « vie potentielle ».
* Pour le représentant des protestants, il n’y a pas une opposition forte à la position des catholiques. Il faut être à l’écoute des positions de chacun avec la limite précise qu’il ne faut pas créer d’embryons pour la recherche ; mais, par contre, il parait judicieux d’utiliser les embryons « surnuméraires » plutôt que de les détruire.
* Pour l’église catholique, le principe est très strict : Il y a « être humain » en devenir dès la conception. Par ailleurs, il ne peut pas être question d’utiliser un être humain – et donc les embryons surnuméraires par exemple – comme moyen ou médicament pour un autre humain.
Le constat apparaît donc qu’une position unanime est impossible à envisager sinon sur un consensus soit trop rigide soit trop dilué et donc inutilisable.
Certains intervenants soulignent toutefois qu’il reste l’utilisation du sang de cordon ombilical qui a priori ne poserait pas de difficulté et l’activation des cellules souches à l’intérieur de l’individu lui-même.
D’autres font le rapprochement avec la contraception et soulignent l’ambiguïté des positions scientifiques et éthiques.
Quel statut juridique pour l’embryon : un être ou une chose ?
Atelier 5 : politiques et médias en Europe
Les débats sont-ils équilibrés ? OUI : 14% NON : 72% SO : 14%
Qui influence le plus le débat ? Les hommes politiques : 18% ; les médias : 82%.
Cet atelier a été très perturbé par une panne générale de sonorisation et donc également de traduction. La prise de parole n’en a pas été facilitée (ce qui est le comble pour le thème de cet atelier) ni les échanges qui se sont essentiellement traduits par quelques monologues.
Atelier 6 : les perspectives d’avenir pour les patients
L’Europe peut-elle faire avancer le débat ? OUI : 73% NON : 27%
Il est indispensable que la Recherche soit encadrée pour éviter toute dérive potentielle d’autant que d’autres pays – la Chine, la Corée du Sud – avancent dans le domaine et qu’une concurrence économique va se faire jour prochainement : pourrons-nous refuser aux malades l’utilisation de thérapies ou de médicaments produits de la recherche sur les cellules souches y compris issues des embryons ?
Conclusion :
L’assemblée vote sur la recherche pour les cellules souches :
OUI à 82% au lieu de 71% au début NON 12% au lieu de 11% SO 6% au lieu de 18%
Les patients de l’assemblée se disent favorable à la recherche sur les cellules souches pour 97% au lieu des 91% du début.
L’assemblée estime que la recherche débouchera sur des résultats concrets dans :
10 ans pour 61% au-delà de 20 ans pour 35% au-delà de 30 ans pour 4%
Marie BACKER, présidente de l’E.F.N.A. et présidente de l’E.P.D.A., conclut les débats :
Cette rencontre montre tout l’intérêt suscité par cette recherche qui ouvre de grands espoirs pour nombre de maladies.
Elle souligne combien les malades et leurs représentants souhaitent être partie prenante des débats et s’impliquer de manière plus efficiente dans la recherche.
Leurs intérêts les amènent à dépasser les clivages politiques, éthiques et religieux qui pourraient freiner les progrès de la médecine.
Il est enfin apparu une réelle soif de connaissance et d’information.
En tant qu’invitée exceptionnelle, Rasheeda ALI est venue lire les encouragements de Mohamed ALI, son père atteint de la maladie de Parkinson, qui souhaite le développement de ces recherches et de la place à réserver aux malades dans le débat.
Par Jean GRAVELEAU graveleau.jean2@wanadoo.fr
(*)EUROPEAN FEDERATION of NEUROLOGICAL ASSOCIATIONS, organisation présidée par : Mary G. BAKER présidente de l’E.P.D.A. (European Parkinson’s Disease Association)
(**)Blastocyste : stade du développement embryonnaire précoce (de 5 à 7 jours chez l’homme) au cours duquel coexistent les cellules périphériques, à l’origine du placenta, et des cellules de la masse interne, qui forme le bouton embryonnaire. Le blastocyste est issu de la segmentation de l’embryon au stade « morula » (16 cellules identiques), et comporte une centaine de cellules constituant la masse interne lorsqu’on prélève les cellules au 6ème jour
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