Ne pas être qu'un "patient" ...

Évolution Intracérébrale de la MALADIE de PARKINSON


LE PARKINSONIEN INDEPENDANT
N°24 – mars 2006

EVOLUTION
INTRACEREBRALE

De
la MALADIE de PARKINSON

La
THEORIE de H. BRAAK
*

Depuis
quelques années, 1996 exac­te­ment, H. Braak et son équipe de l’ Institute
for Clini­cal Neuroa­na­tomy de Franc­fort en Alle­magne a émis une hypothèse
concer­nant l’évo­lu­tion de l’at­teinte intra­cé­ré­brale de la Maladie
de Parkin­son.

Progres­si­ve­ment
étayée par de nombreuses obser­va­tions des cher­cheurs du monde entier,
cette hypo­thèse prévaut large­ment dans l’ex­pli­ca­tion de l’étiopathogénie
de cette mala­die et est élevée main­te­nant au rang de « théo­rie » avec six stades d’évo­lu­tion.

Elle
est à la base de la compré­hen­sion de l’extension progres­sive intracérébrale
de la MP.

La mala­die démarre tout douce­ment et s’étend de façon très lente et progres­sive, attei­gnant peu à peu diverses zones qui ont une parti­cu­la­rité en commun : celles d’être faites de neurones à axones longs, fins et peu ou pas myéli­ni­sés.

Seuls ces neurones et ces zones sont atteints dans la MP par les fameux corps de Lewy, ces agré­ga­tions de protéines intra­cel­lu­laires consti­tuées prin­ci­pa­le­ment de l’une d’entre elles appe­lée l’alpha-synucléine.

Premier
stade

En premier sont atteints 

  1. le bulbe olfac­tif (ce qui explique les fréquents problèmes de perte partielle ou totale de l’odo­rat très préa­lables aux symp­tômes moteurs) 
  2. le noyau dorsal du nerf vague, notre X° paire de nerf crânien.

Le nerf vague est un nerf très parti­cu­lier, un complexe à lui tout seul, dont le neuro­trans­met­teur est l’acétyl­cho­line.

Ce nerf est à la fois moteur, sensi­tif, senso­riel et végé­ta­tif, puisqu’il régule encore de façon auto­nome le fonc­tion­ne­ment de bon nombre de nos régu­la­tions vitales et de nos viscères, sans notre comman­de­ment conscient, au niveau thora­cique et abdo­mi­nal : Régu­la­tion tension­nelle, rythme cardiaque, respi­ra­tion, reins et surré­nales (qui sécrètent l’adré­na­line), phona­tion, thyroïde, pancréas, intestin.…Tout cela dépend de lui.

Cette
atteinte explique de nombreux signes non moteurs de notre mala­die, en parti­cu­lier les problèmes d’hy­po­ten­sion et de certains troubles du rythme cardiaque, les anoma­lies de la voix et de la déglu­ti­tion, la consti­pa­tion… et très proba­ble­ment aussi une grande partie de la fatigue anor­male et chro­nique que nous ressen­tons.

Deuxième
stade

Le deuxième stade évolu­tif voit 

  1. l’ex­ten­sion de l’at­teinte du nerf vague, ainsi que de zones situées légèrement
    au-dessus, 
  2. le Locus Cœru­leus (noyau bleu), 
  3. les noyaux du raphé infé­rieur et 
  4. d’une partie de la forma­tion réti­cu­lée magnocellulaire

Le
Locus Cœru­leus
, dont la neuro­trans­mis­sion se fait par la nora­dré­na­line, est lui aussi un monde complexe puisqu’il contri­bue aux fonc­tions cogni­tives, d’éveil, d’initiation et de main­tien du comportement :
c’est encore lui qui, en état d’éveil, module le réveil et le trai­te­ment des infor­ma­tions senso­rielles et parti­cipe à de très nombreux proces­sus dans le main­tien de l’attention, des circuits de mémo­ri­sa­tion et d’une fonc­tion majeure, celle de l’adaptabilité céré­brale aux varia­tions des condi­tions de vie, plus commu­né­ment appelé le « stress ».

Son dysfonc­tion­ne­ment implique une grande variété de troubles psychopathologiques,
troubles de l’attention, de la mémoire, du sommeil et de l’état de veille, de l’affectivité ainsi que de la régu­la­tion adap­ta­tive ou stress.

Le pour­cen­tage des neurones nora­dr­éner­giques du Locus Cœru­leus détruits dans la Mala­die de Parkin­son est plus élevé que celui des neurones dopa­mi­ner­giques du Locus Niger.

Les autres zones atteintes dans ce stade ont, quant à elles, un rôle très impor­tant dans la régu­la­tion des signaux sensi­tifs venus de nos viscères et des signaux moteurs qui s’y rendent, permet­tant ainsi d’adapter l’action des neurones moteurs de l’organisme à chaque situa­tion les prépa­rant à l’action. De nouveau se retrouve là, encore et toujours, la régu­la­tion adap­ta­tive de notre orga­nisme aux facteurs dits de stress.

Troi­sième
stade

Ce stade voit l’atteinte et la destruc­tion neuro­nale massive de nouvelles zones, toujours sus-​jacentes, dont 

  1. l’amygdale,
    prin­ci­pa­le­ment dans sa partie centrale, 
  2. plusieurs ganglions magno­cel­lu­laires choli­ner­giques dont le ganglion de Meynert
  3. et d’une partie appe­lée la pars compacta du Locus Niger.

Le noyau central de l’amygdale entre­tient des connec­tions directes avec plusieurs systèmes de neuro­mo­du­la­teurs, parti­ci­pant ainsi à l’éveil émotion­nel loca­lisé et la régu­la­tion compor­te­men­tale.

Son rôle est impor­tant dans toutes les mani­fes­ta­tions de la peur condi­tion­née en parti­cu­lier ce qui concerne l’inhibition de l’action2* (quand la fuite ou la lutte nous appa­raissent impos­sible, la soumis­sion et l’acceptation du statu quo demeurent alors bien souvent la dernière alter­na­tive pour assu­rer sa survie), les réponses du système nerveux végé­ta­tif (voir le nerf vague), la suppres­sion de la douleur, la sécré­tion des neuro­hor­mones du stress et enfin dans la poten­tia­li­sa­tion des réflexes.

Il a par ailleurs été montré qu’il exis­tait aussi une atteinte des neurones du noyau baso­la­té­ral de l’amygdale et que la propor­tion de neurones conte­nant des corps de Loewy était presque doublée dans les cas de MP avec hallu­ci­na­tions visuelles, suggé­rant que le dysfonc­tion­ne­ment de cette zone contri­bue­rait plus parti­cu­liè­re­ment à ces anoma­lies cliniques.

Le ganglion de Meynert, groupe cellu­laire four­nis­sant la majeure innervation 
choli­ner­gique
pour le cortex céré­bral et l’amygdale, joue appa­rem­ment un rôle majeur dans les fonc­tions céré­brales rele­vant des émotions et dans l’éveil corti­cal.

Le Locus Niger dans sa pars compacta comporte des neurones dopa­mi­ner­giques, atteints puis détruits dans la mala­die de Parkin­son ce qui entraîne la pertur­ba­tion des influx avec le stria­tum.

En rela­tion avec d’autres struc­tures du système nerveux central, la voie nigros­tria­tale est impli­quée dans la régu­la­tion de la phase de prépa­ra­tion et de la phase d’exécution de la succes­sion d’actions motrices plani­fiées des mouve­ments volon­taires ainsi que dans la régu­la­tion des mouve­ments invo­lon­taires.

L’activation
éner­gé­tique est un méca­nisme de base sous-​tendu par les systèmes dopa­mi­ner­gique de la pars compacta du Locus Niger et choli­ner­gique du Noyau de Meynert.

Diag­nos­tic
MP

C’est
vrai­sem­bla­ble­ment à ce niveau, entre les stades 3 et 4, que l’aggravation des atteintes entraî­nant des symp­tômes plus nets fait passer la personne atteinte du stade moteur pré clinique au stade clinique.

QUATRIEME
STADE

Ce stade est celui de l’atteinte du cortex tempo­ral anté­ro­mé­dian, zone impli­quée dans le trans­fert des données des aires asso­cia­tives senso­rielles au cortex préfron­tal via les entrées du système limbique.

Le néocor­tex est spécia­lisé dans l’analyse précise des infor­ma­tions senso­rielles venant des yeux, des oreilles et de la peau. La coopé­ra­tion entre le néocor­tex et les centres limbiques permet de trai­ter ces infor­ma­tions de façon sélec­tive.

CINQUIEME
ET SIXIEME STADES

Ces stades voient l’extension maxi­male des proces­sus neuro­dé­gé­né­ra­tifs avec une substance noire deve­nue pâle, sans mélano neurone.

Du meso­cor­tex tempo­ral, les lésions atteignent le néocor­tex dans son ensemble, d’abord dans les aires asso­cia­tives senso­rielles préfron­tales puis pré motrices et enfin dans les aires primaires.

L’atteinte du système auto­nome, limbique et soma­to­mo­teur est majeure.

Texte
écrit par Anne FROBERT, 14 avril 2005

(*)Profes­sors H. et E. Braak
Depart­ment of Clini­cal Neuroanatomy,
The J.W. Goethe Univer­sity, Frank­furt, Germany.
Human Brain Anatomy and Pathology

(**)le système inhi­bi­teur de l’action (SIA) (ou « Beha­vio­ral Inhi­bi­tory System » (BIS) en anglais) a été mis en évidence par Henri Labo­rit au début des années 1970. Il est asso­cié au système septo-​hippocampal, à l’amygdale et aux noyaux de la base. Il reçoit des inputs du cortex préfron­tal et envoie ses outputs à travers les fibres nora­dr­éner­giques du locus Cœru­leus et par les fibres séro­to­ni­ner­giques du raphé médian. Certains recon­naissent d’ailleurs un rôle majeur à la séro­to­nine dans ce système. C’est l’étude des consé­quences patho­lo­giques de cette inhi­bi­tion de l’ac­tion qui a permis de comprendre à quel point un stress chro­nique peut deve­nir destruc­teur pour l’être humain.

Quelques articles de H. et E. BRAAK & coll.

Braak H., Braak E., Yilma­zer D., de Vos RA, Jansen EN, Bohl J. 

Pattern of brain destruc­tion in Parkin­son’s and Alzhei­mer’s diseases. 

J
Neural
1996 ; 103(4):455 – 90.

Braak H, Braak E. 

Pathoa­na­tomy of Parkin­son’s disease. 

J Neural 2000 Apr.; 247 Suppl. 2 : II3-​10.

Braak H., Del Tredici K., Bratzke H., Hamm-​Clement J., Sandmann-​Keil D., Rub U. 

Staging of the intra­ce­re­bral inclu­sion body patho­logy asso­cia­ted with idio­pa­thic Parkin­son’s disease (precli­ni­cal and clini­cal stages). 

J Neural 2002
Oct.; 249 Suppl. 3 : III/​1 – 5.

    Braak H., Rub U, Gai WP, Del Tredici K. 

Idio­pa­thic Parkin­son’s disease : possible routes by which vulne­rable neuro­nal types may be subject to neuroin­va­sion by an unknown pathogen. 

J Neural 2003 May ; 110(5):517 – 36.

Braak H., Ghebre­med­hin E., Rub U., Bratzke H., Del Tredici K. 

Stages
in the deve­lop­ment of Parkin­son’s disease-​related pathology. 

Cell Tissue Res. 2004 Oct.; 318(1):121 – 34

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