Évolution Intracérébrale de la MALADIE de PARKINSON
Publié le 07 mai 2006 à 09:56
LE PARKINSONIEN INDEPENDANT N°24 – mars 2006
EVOLUTION
INTRACEREBRALE
De
la MALADIE de PARKINSON
La
THEORIE de H. BRAAK*
Depuis
quelques années, 1996 exactement, H. Braak et son équipe de l’ Institute
for Clinical Neuroanatomy de Francfort en Allemagne a émis une hypothèse
concernant l’évolution de l’atteinte intracérébrale de la Maladie
de Parkinson.
Progressivement
étayée par de nombreuses observations des chercheurs du monde entier,
cette hypothèse prévaut largement dans l’explication de l’étiopathogénie
de cette maladie et est élevée maintenant au rang de « théorie » avec six stades d’évolution.
Elle
est à la base de la compréhension de l’extension progressive intracérébrale
de la MP.
La maladie démarre tout doucement et s’étend de façon très lente et progressive, atteignant peu à peu diverses zones qui ont une particularité en commun : celles d’être faites de neurones à axones longs, fins et peu ou pas myélinisés.
Seuls ces neurones et ces zones sont atteints dans la MP par les fameux corps de Lewy, ces agrégations de protéines intracellulaires constituées principalement de l’une d’entre elles appelée l’alpha-synucléine.
Premier
stade
En premier sont atteints
- le bulbe olfactif (ce qui explique les fréquents problèmes de perte partielle ou totale de l’odorat très préalables aux symptômes moteurs)
- le noyau dorsal du nerf vague, notre X° paire de nerf crânien.
Le nerf vague est un nerf très particulier, un complexe à lui tout seul, dont le neurotransmetteur est l’acétylcholine.
Ce nerf est à la fois moteur, sensitif, sensoriel et végétatif, puisqu’il régule encore de façon autonome le fonctionnement de bon nombre de nos régulations vitales et de nos viscères, sans notre commandement conscient, au niveau thoracique et abdominal : Régulation tensionnelle, rythme cardiaque, respiration, reins et surrénales (qui sécrètent l’adrénaline), phonation, thyroïde, pancréas, intestin.…Tout cela dépend de lui.
Cette
atteinte explique de nombreux signes non moteurs de notre maladie, en particulier les problèmes d’hypotension et de certains troubles du rythme cardiaque, les anomalies de la voix et de la déglutition, la constipation… et très probablement aussi une grande partie de la fatigue anormale et chronique que nous ressentons.
Deuxième
stade
Le deuxième stade évolutif voit
- l’extension de l’atteinte du nerf vague, ainsi que de zones situées légèrement
au-dessus, - le Locus Cœruleus (noyau bleu),
- les noyaux du raphé inférieur et
- d’une partie de la formation réticulée magnocellulaire
Le
Locus Cœruleus, dont la neurotransmission se fait par la noradrénaline, est lui aussi un monde complexe puisqu’il contribue aux fonctions cognitives, d’éveil, d’initiation et de maintien du comportement :
c’est encore lui qui, en état d’éveil, module le réveil et le traitement des informations sensorielles et participe à de très nombreux processus dans le maintien de l’attention, des circuits de mémorisation et d’une fonction majeure, celle de l’adaptabilité cérébrale aux variations des conditions de vie, plus communément appelé le « stress ».
Son dysfonctionnement implique une grande variété de troubles psychopathologiques,
troubles de l’attention, de la mémoire, du sommeil et de l’état de veille, de l’affectivité ainsi que de la régulation adaptative ou stress.
Le pourcentage des neurones noradrénergiques du Locus Cœruleus détruits dans la Maladie de Parkinson est plus élevé que celui des neurones dopaminergiques du Locus Niger.
Les autres zones atteintes dans ce stade ont, quant à elles, un rôle très important dans la régulation des signaux sensitifs venus de nos viscères et des signaux moteurs qui s’y rendent, permettant ainsi d’adapter l’action des neurones moteurs de l’organisme à chaque situation les préparant à l’action. De nouveau se retrouve là, encore et toujours, la régulation adaptative de notre organisme aux facteurs dits de stress.
Troisième
stade
Ce stade voit l’atteinte et la destruction neuronale massive de nouvelles zones, toujours sus-jacentes, dont
- l’amygdale,
principalement dans sa partie centrale, - plusieurs ganglions magnocellulaires cholinergiques dont le ganglion de Meynert
- et d’une partie appelée la pars compacta du Locus Niger.
Le noyau central de l’amygdale entretient des connections directes avec plusieurs systèmes de neuromodulateurs, participant ainsi à l’éveil émotionnel localisé et la régulation comportementale.
Son rôle est important dans toutes les manifestations de la peur conditionnée en particulier ce qui concerne l’inhibition de l’action2* (quand la fuite ou la lutte nous apparaissent impossible, la soumission et l’acceptation du statu quo demeurent alors bien souvent la dernière alternative pour assurer sa survie), les réponses du système nerveux végétatif (voir le nerf vague), la suppression de la douleur, la sécrétion des neurohormones du stress et enfin dans la potentialisation des réflexes.
Il a par ailleurs été montré qu’il existait aussi une atteinte des neurones du noyau basolatéral de l’amygdale et que la proportion de neurones contenant des corps de Loewy était presque doublée dans les cas de MP avec hallucinations visuelles, suggérant que le dysfonctionnement de cette zone contribuerait plus particulièrement à ces anomalies cliniques.
Le ganglion de Meynert, groupe cellulaire fournissant la majeure innervation
cholinergique pour le cortex cérébral et l’amygdale, joue apparemment un rôle majeur dans les fonctions cérébrales relevant des émotions et dans l’éveil cortical.
Le Locus Niger dans sa pars compacta comporte des neurones dopaminergiques, atteints puis détruits dans la maladie de Parkinson ce qui entraîne la perturbation des influx avec le striatum.
En relation avec d’autres structures du système nerveux central, la voie nigrostriatale est impliquée dans la régulation de la phase de préparation et de la phase d’exécution de la succession d’actions motrices planifiées des mouvements volontaires ainsi que dans la régulation des mouvements involontaires.
L’activation
énergétique est un mécanisme de base sous-tendu par les systèmes dopaminergique de la pars compacta du Locus Niger et cholinergique du Noyau de Meynert.
Diagnostic
MP
C’est
vraisemblablement à ce niveau, entre les stades 3 et 4, que l’aggravation des atteintes entraînant des symptômes plus nets fait passer la personne atteinte du stade moteur pré clinique au stade clinique.
QUATRIEME
STADE
Ce stade est celui de l’atteinte du cortex temporal antéromédian, zone impliquée dans le transfert des données des aires associatives sensorielles au cortex préfrontal via les entrées du système limbique.
Le néocortex est spécialisé dans l’analyse précise des informations sensorielles venant des yeux, des oreilles et de la peau. La coopération entre le néocortex et les centres limbiques permet de traiter ces informations de façon sélective.
CINQUIEME
ET SIXIEME STADES
Ces stades voient l’extension maximale des processus neurodégénératifs avec une substance noire devenue pâle, sans mélano neurone.
Du mesocortex temporal, les lésions atteignent le néocortex dans son ensemble, d’abord dans les aires associatives sensorielles préfrontales puis pré motrices et enfin dans les aires primaires.
L’atteinte du système autonome, limbique et somatomoteur est majeure.
Texte
écrit par Anne FROBERT, 14 avril 2005
(*)Professors H. et E. Braak
Department of Clinical Neuroanatomy,
The J.W. Goethe University, Frankfurt, Germany.
Human Brain Anatomy and Pathology
(**)le système inhibiteur de l’action (SIA) (ou « Behavioral Inhibitory System » (BIS) en anglais) a été mis en évidence par Henri Laborit au début des années 1970. Il est associé au système septo-hippocampal, à l’amygdale et aux noyaux de la base. Il reçoit des inputs du cortex préfrontal et envoie ses outputs à travers les fibres noradrénergiques du locus Cœruleus et par les fibres sérotoninergiques du raphé médian. Certains reconnaissent d’ailleurs un rôle majeur à la sérotonine dans ce système. C’est l’étude des conséquences pathologiques de cette inhibition de l’action qui a permis de comprendre à quel point un stress chronique peut devenir destructeur pour l’être humain.
Quelques articles de H. et E. BRAAK & coll.
Braak H., Braak E., Yilmazer D., de Vos RA, Jansen EN, Bohl J.
Pattern of brain destruction in Parkinson’s and Alzheimer’s diseases.
J
Neural 1996 ; 103(4):455 – 90.
Braak H, Braak E.
Pathoanatomy of Parkinson’s disease.
J Neural 2000 Apr.; 247 Suppl. 2 : II3-10.
Braak H., Del Tredici K., Bratzke H., Hamm-Clement J., Sandmann-Keil D., Rub U.
Staging of the intracerebral inclusion body pathology associated with idiopathic Parkinson’s disease (preclinical and clinical stages).
J Neural 2002
Oct.; 249 Suppl. 3 : III/1 – 5.
Braak H., Rub U, Gai WP, Del Tredici K.
Idiopathic Parkinson’s disease : possible routes by which vulnerable neuronal types may be subject to neuroinvasion by an unknown pathogen.
J Neural 2003 May ; 110(5):517 – 36.
Braak H., Ghebremedhin E., Rub U., Bratzke H., Del Tredici K.
Stages
in the development of Parkinson’s disease-related pathology.
Cell Tissue Res. 2004 Oct.; 318(1):121 – 34
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