Et si nous parlions de génétique ?
Publié le 18 octobre 2007 à 10:16Paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT N°28 – mars 2007
Jusqu’à un passé récent, la maladie de Parkinson était décrite comme un exemple de maladie neurodégénérative non héréditaire. Durant ces dix dernières années, ce point de vue a changé. Les experts reconnaissent désormais que l’origine de la maladie de Parkinson est complexe, multifactorielle, c’est à dire que parmi ses causes il y a des prédispositions génétiques associées à d’autres facteurs acquis.
Cela ne veut pas dire que la maladie de Parkinson est actuellement considérée comme une maladie héréditaire. Dans la plupart des cas, la génétique joue plutôt le rôle de ce que les médecins appellent un facteur de risque. C’est à dire, le terrain génétique de certains individus les rend plus sensibles à des facteurs d’environnement et au vieillissement, menant au déclenchement du processus pathologique propre à cette maladie.
Les facteurs génétiques responsables ne sont pas encore clairement identifiés mais il est évident qu’ils sont multiples. Il s’agit de l’effet combiné de différents gènes qui finalement détermine le risque de développer la maladie de Parkinson.
En revanche, durant ces dernières années, un certain nombre de formes familiales dites monogéniques de maladie de Parkinson a été identifié. Ce sont des formes rares qui sont la conséquence d’une anomalie d’un seul gène, dont l’effet est tellement fort qu’il suffit à lui seul à donner la maladie.
Les chercheurs ont isolé plusieurs mutations responsables de formes monogéniques de maladie de Parkinson. Leur découverte a permis d’identifier certains mécanismes cellulaires qui caractérisent la maladie de Parkinson, quelle soit la forme classique ou une des formes monogéniques.
Certaines formes familiales monogéniques de maladie de Parkinson sont à hérédité dominante : ce sont les cas clairement perçus comme étant héréditaires. La maladie est transmise des parents à l’enfant et si une personne en est atteinte, c’est qu’un de ses parents et grands-parents aussi souffrait de cette affection.
Le risque de transmission d’une maladie dominante est de 50 %. Par contre, d’autres formes de maladie de Parkinson héréditaires montrent une hérédité récessive : les personnes atteintes apparaissent comme des cas isolés ou sporadiques, ou bien l’histoire familiale révèle dans la même génération des frères ou sœurs atteints. Dans ce cas, il faut avoir reçu la mutation en double dose, donc de chaque parent, et les parents sont donc des porteurs sains de la maladie.
Les formes héréditaires de maladie de Parkinson, surtout les récessives, ont tendance à entraîner un début beaucoup plus précoce que la forme classique. La majorité des patients qui développent une maladie de Parkinson avant l’âge de trente ans présente en fait une forme héréditaire récessive de l’affection. Chez les patients qui commencent la maladie plus tard la fréquence des cas héréditaires monogéniques diminue fortement. Ceci dit, il y a toujours des exceptions et des sujets qui développent la maladie à soixante ans ou plus, peuvent parfois (rarement) aussi être atteints d’une forme héréditaire.
À part cette différence d’âge d’apparition des premiers symptômes et avec quelques exceptions, le tableau clinique des formes héréditaires et la réponse aux médicaments, notamment à la lévodopa, sont similaires dans les cas classiques (sporadiques) et génétiques de maladie de Parkinson.
Les formes héréditaires de la maladie de Parkinson sont classées selon une nomenclature approuvée par un consensus international, et chaque forme est indiquée par le sigle PARK suivi d’un numéro croissant. Actuellement, il y a onze formes de maladie de Parkinson héréditaires répertoriées qui sont nommées de PARK 1 à PARK 11. Cela souligne l’importante hétérogénéité de ces formes génétiques, et illustre que la dégénérescence des cellules de la substance noire (et le manque de dopamine cérébral qui en résulte) peut être la conséquence d’anomalies génétiques bien différentes, toutes aboutissants au même résultat.
Une forme de Parkinson héréditaire est la PARK 1, et dans cette forme le gène muté est celui de l’alpha-synucléine, protéine présente de manière très abondante dans les cellules nerveuses et en particulier dans les neurones dopaminergiques.
La mutation du gène de l’alpha-synucléine provoque soit un excès de production de cette protéine ou la production d’une forme anormale d’alpha-synucléine. Dans les deux cas, la protéine a tendance à précipiter sous forme d’agrégats dans la cellule.
Ces agrégats semblent avoir un effet toxique. La cellule tente donc de les éliminer en mobilisant des systèmes de dégradation des protéines, ce qui entraîne l’apparition de corps de Loewy : inclusions caractéristiques visibles au microscope, et présentes dans les cellules nerveuses des sujets atteints de la maladie de Parkinson, pas seulement les cas rares de PARK1, mais aussi les cas « classiques » sporadiques, à début tardif.
Il est possible que toutes les formes de maladie de Parkinson soient liées à l’accumulation d’agrégats de protéine dans les cellules nerveuses et la découverte de PARK 1 a permis d’identifier et de préciser ces processus cellulaires.
Dans d’autres formes, comme PARK 2 — forme récessive — et PARK 5 — forme dominante, l’accumulation d’agrégats cellulaires de protéines est également important, mais dans les cas de PARK 2 et PARK 5, la mutation génétique ne concerne pas l’alpha-synucléine.
Il s’agit ici plutôt de mutations qui perturbent les mécanismes cellulaires complexes qui permettent de dégrader et d’éliminer les protéines intracellulaires. En effet, les protéines des cellules doivent être renouvelées constamment ce qui implique leur dégradation et élimination quand elles sont » usées » Dans les neurones qui produisent la dopamine, cette usure est particulièrement intense, car le métabolisme de la dopamine entraîne la formation de radicaux libres. Ces radicaux libres, qui sont des dérivés de l’oxygène réagissent avec les composantes de la cellule, et les abîment en les oxydant.
Quand les mécanismes de dégradation et d’élimination des cellules sont altérés et moins efficaces comme dans les cas de PARK 2 et PARK 5, l’accumulation de protéines altérées et d’agrégats protéiques toxiques finissent par intoxiquer les cellules nerveuses, et provoquer la mort cellulaire.
Dans les formes récessives comme PARK 6 et PARK 7, ainsi que la forme dominante PARK 8, les mutations génétiques altèrent d’autres voies métaboliques cellulaires. En ce qui concerne la forme PARK 6, la mutation génétique cible la mitochondrie, structure cellulaire responsable de la production d’énergie.
La découverte de ces formes héréditaires de la maladie a permis de développer des tests génétiques pour poser un diagnostic moléculaire chez des patients présentant des formes de Parkinson familiales. Il est évident que ces patients ne représentent qu’une petite minorité des patients. L’indication d’un test génétique est limitée aux patients dont les premiers symptômes furent précoces, et à ceux chez qui une histoire familiale de maladie de Parkinson peut être mise en évidence.
Le traitement de ces formes génétiques ne diffère pas du traitement de la maladie de Parkinson classique à l’heure actuelle.
Malheureusement, un diagnostic précoce ne permet pas encore de prévenir, de retarder ou de ralentir la progression de la maladie. Toutefois, il est possible que dans certaines formes génétiques on puisse développer dans un avenir proche des traitements spécifiques.
La connaissance des processus pathologiques entraînant la dégénérescence cellulaire cérébrale permettra vraisemblablement de développer des traitements ciblés qui changeront l’évolution inexorable de la maladie de Parkinson avec les traitements actuels.
En effet, alors que les traitements d’aujourd’hui sont efficaces, ils restent symptomatiques et ne ralentissent pas la progression de la maladie de Parkinson.
Prof. Massimo PANDOLFO
Service de neurologie, Hôpital Erasme, ULB.
Source : Parkinson Magazine. Publication trimestrielle de l’Association Parkinson belge.
http://users.belgacom.net/association.parkinson/
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J’ai toujours vu ma grand-mère paternelle dans son lit, tremblante. Elle a eu 11 enfants dont 3 ont fini avec la maladie, mais qq’uns sont encore vivants et en santé. Il y a eu de la démence et mon père est décédé avec Alzheimer. Maintenant, du côté de ma mère, 3 des 8 enfants (dont 1 décédée) ayant des problèmes de santé correspondent au Parkinson. // Nous sommes inquiets !
Commentaire by L.J. Morel — 4 janvier 2017 #
Bonsoir à vous,
bien que cet article aie quelques années, je cherche des informations concernant l’hérédité dans la MP;ma mère (elle est en train d’en mourir dans des conditions très difficiles)et sa soeur en sont atteintes et je suis prête à participer à la recherche dans ce domaine. Nous sommes une fratrie de trois enfants (deux filles et un garçon)et si ça peut faire évoluer ou aider, je le ferais sans hésiter. Je ne sais pas si des « tests » sont disponibles pour les proches des malades atteints, mais dans tous les cas, je suis à votre disposition. C’est une maladie complexe et très difficile à accompagner, à vivre…jusqu’à en mourir.
Merci à vous de votre réponse
Commentaire by morel — 3 juin 2013 #