Ne pas être qu'un "patient" ...

Et si nous parlions de génétique ?

Paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT N°28 – mars 2007

Jusqu’à un passé récent, la mala­die de Parkin­son était décrite comme un exemple de mala­die neuro­dé­gé­né­ra­tive non héré­di­taire. Durant ces dix dernières années, ce point de vue a changé. Les experts recon­naissent désor­mais que l’ori­gine de la mala­die de Parkin­son est complexe, multi­fac­to­rielle, c’est à dire que parmi ses causes il y a des prédis­po­si­tions géné­tiques asso­ciées à d’autres facteurs acquis.

Cela ne veut pas dire que la mala­die de Parkin­son est actuel­le­ment consi­dé­rée comme une mala­die héré­di­taire. Dans la plupart des cas, la géné­tique joue plutôt le rôle de ce que les méde­cins appellent un facteur de risque. C’est à dire, le terrain géné­tique de certains indi­vi­dus les rend plus sensibles à des facteurs d’en­vi­ron­ne­ment et au vieillis­se­ment, menant au déclen­che­ment du proces­sus patho­lo­gique propre à cette maladie.

Les facteurs géné­tiques respon­sables ne sont pas encore clai­re­ment iden­ti­fiés mais il est évident qu’ils sont multiples. Il s’agit de l’ef­fet combiné de diffé­rents gènes qui fina­le­ment déter­mine le risque de déve­lop­per la mala­die de Parkinson.

En revanche, durant ces dernières années, un certain nombre de formes fami­liales dites mono­gé­niques de mala­die de Parkin­son a été iden­ti­fié. Ce sont des formes rares qui sont la consé­quence d’une anoma­lie d’un seul gène, dont l’ef­fet est telle­ment fort qu’il suffit à lui seul à donner la maladie.

Les cher­cheurs ont isolé plusieurs muta­tions respon­sables de formes mono­gé­niques de mala­die de Parkin­son. Leur décou­verte a permis d’iden­ti­fier certains méca­nismes cellu­laires qui carac­té­risent la mala­die de Parkin­son, quelle soit la forme clas­sique ou une des formes monogéniques.

Certaines formes fami­liales mono­gé­niques de mala­die de Parkin­son sont à héré­dité domi­nante : ce sont les cas clai­re­ment perçus comme étant héré­di­taires. La mala­die est trans­mise des parents à l’en­fant et si une personne en est atteinte, c’est qu’un de ses parents et grands-​parents aussi souf­frait de cette affection.

Le risque de trans­mis­sion d’une mala­die domi­nante est de 50 %. Par contre, d’autres formes de mala­die de Parkin­son héré­di­taires montrent une héré­dité réces­sive : les personnes atteintes appa­raissent comme des cas isolés ou spora­diques, ou bien l’his­toire fami­liale révèle dans la même géné­ra­tion des frères ou sœurs atteints. Dans ce cas, il faut avoir reçu la muta­tion en double dose, donc de chaque parent, et les parents sont donc des porteurs sains de la maladie.

Les formes héré­di­taires de mala­die de Parkin­son, surtout les réces­sives, ont tendance à entraî­ner un début beau­coup plus précoce que la forme clas­sique. La majo­rité des patients qui déve­loppent une mala­die de Parkin­son avant l’âge de trente ans présente en fait une forme héré­di­taire réces­sive de l’af­fec­tion. Chez les patients qui commencent la mala­die plus tard la fréquence des cas héré­di­taires mono­gé­niques dimi­nue forte­ment. Ceci dit, il y a toujours des excep­tions et des sujets qui déve­loppent la mala­die à soixante ans ou plus, peuvent parfois (rare­ment) aussi être atteints d’une forme héréditaire.

À part cette diffé­rence d’âge d’ap­pa­ri­tion des premiers symp­tômes et avec quelques excep­tions, le tableau clinique des formes héré­di­taires et la réponse aux médi­ca­ments, notam­ment à la lévo­dopa, sont simi­laires dans les cas clas­siques (spora­diques) et géné­tiques de mala­die de Parkinson.

Les formes héré­di­taires de la mala­die de Parkin­son sont clas­sées selon une nomen­cla­ture approu­vée par un consen­sus inter­na­tio­nal, et chaque forme est indi­quée par le sigle PARK suivi d’un numéro crois­sant. Actuel­le­ment, il y a onze formes de mala­die de Parkin­son héré­di­taires réper­to­riées qui sont nommées de PARK 1 à PARK 11. Cela souligne l’im­por­tante hété­ro­gé­néité de ces formes géné­tiques, et illustre que la dégé­né­res­cence des cellules de la substance noire (et le manque de dopa­mine céré­bral qui en résulte) peut être la consé­quence d’ano­ma­lies géné­tiques bien diffé­rentes, toutes abou­tis­sants au même résultat.

Une forme de Parkin­son héré­di­taire est la PARK 1, et dans cette forme le gène muté est celui de l’alpha-​synucléine, protéine présente de manière très abon­dante dans les cellules nerveuses et en parti­cu­lier dans les neurones dopaminergiques.

La muta­tion du gène de l’alpha-​synucléine provoque soit un excès de produc­tion de cette protéine ou la produc­tion d’une forme anor­male d’alpha-​synucléine. Dans les deux cas, la protéine a tendance à préci­pi­ter sous forme d’agré­gats dans la cellule.

Ces agré­gats semblent avoir un effet toxique. La cellule tente donc de les élimi­ner en mobi­li­sant des systèmes de dégra­da­tion des protéines, ce qui entraîne l’ap­pa­ri­tion de corps de Loewy : inclu­sions carac­té­ris­tiques visibles au micro­scope, et présentes dans les cellules nerveuses des sujets atteints de la mala­die de Parkin­son, pas seule­ment les cas rares de PARK1, mais aussi les cas « clas­siques » spora­diques, à début tardif.

Il est possible que toutes les formes de mala­die de Parkin­son soient liées à l’ac­cu­mu­la­tion d’agré­gats de protéine dans les cellules nerveuses et la décou­verte de PARK 1 a permis d’iden­ti­fier et de préci­ser ces proces­sus cellulaires.

Dans d’autres formes, comme PARK 2 — forme réces­sive — et PARK 5 — forme domi­nante, l’ac­cu­mu­la­tion d’agré­gats cellu­laires de protéines est égale­ment impor­tant, mais dans les cas de PARK 2 et PARK 5, la muta­tion géné­tique ne concerne pas l’alpha-synucléine.

Il s’agit ici plutôt de muta­tions qui perturbent les méca­nismes cellu­laires complexes qui permettent de dégra­der et d’éli­mi­ner les protéines intra­cel­lu­laires. En effet, les protéines des cellules doivent être renou­ve­lées constam­ment ce qui implique leur dégra­da­tion et élimi­na­tion quand elles sont  » usées  » Dans les neurones qui produisent la dopa­mine, cette usure est parti­cu­liè­re­ment intense, car le méta­bo­lisme de la dopa­mine entraîne la forma­tion de radi­caux libres. Ces radi­caux libres, qui sont des déri­vés de l’oxy­gène réagissent avec les compo­santes de la cellule, et les abîment en les oxydant.

Quand les méca­nismes de dégra­da­tion et d’éli­mi­na­tion des cellules sont alté­rés et moins effi­caces comme dans les cas de PARK 2 et PARK 5, l’ac­cu­mu­la­tion de protéines alté­rées et d’agré­gats protéiques toxiques finissent par intoxi­quer les cellules nerveuses, et provo­quer la mort cellulaire.

Dans les formes réces­sives comme PARK 6 et PARK 7, ainsi que la forme domi­nante PARK 8, les muta­tions géné­tiques altèrent d’autres voies méta­bo­liques cellu­laires. En ce qui concerne la forme PARK 6, la muta­tion géné­tique cible la mito­chon­drie, struc­ture cellu­laire respon­sable de la produc­tion d’énergie.

La décou­verte de ces formes héré­di­taires de la mala­die a permis de déve­lop­per des tests géné­tiques pour poser un diag­nos­tic molé­cu­laire chez des patients présen­tant des formes de Parkin­son fami­liales. Il est évident que ces patients ne repré­sentent qu’une petite mino­rité des patients. L’in­di­ca­tion d’un test géné­tique est limi­tée aux patients dont les premiers symp­tômes furent précoces, et à ceux chez qui une histoire fami­liale de mala­die de Parkin­son peut être mise en évidence.

Le trai­te­ment de ces formes géné­tiques ne diffère pas du trai­te­ment de la mala­die de Parkin­son clas­sique à l’heure actuelle.

Malheu­reu­se­ment, un diag­nos­tic précoce ne permet pas encore de préve­nir, de retar­der ou de ralen­tir la progres­sion de la mala­die. Toute­fois, il est possible que dans certaines formes géné­tiques on puisse déve­lop­per dans un avenir proche des trai­te­ments spécifiques.

La connais­sance des proces­sus patho­lo­giques entraî­nant la dégé­né­res­cence cellu­laire céré­brale permet­tra vrai­sem­bla­ble­ment de déve­lop­per des trai­te­ments ciblés qui chan­ge­ront l’évo­lu­tion inexo­rable de la mala­die de Parkin­son avec les trai­te­ments actuels.

En effet, alors que les trai­te­ments d’au­jourd’­hui sont effi­caces, ils restent symp­to­ma­tiques et ne ralen­tissent pas la progres­sion de la mala­die de Parkinson.

Prof. Massimo PANDOLFO
Service de neuro­lo­gie, Hôpi­tal Erasme, ULB.

Source : Parkin­son Maga­zine. Publi­ca­tion trimes­trielle de l’Association Parkin­son belge.
http://users.belgacom.net/association.parkinson/

2 Commentaires Cliquer ici pour laisser un commentaire

  1. J’ai toujours vu ma grand-​mère pater­nelle dans son lit, trem­blante. Elle a eu 11 enfants dont 3 ont fini avec la mala­die, mais qq’uns sont encore vivants et en santé. Il y a eu de la démence et mon père est décédé avec Alzhei­mer. Main­te­nant, du côté de ma mère, 3 des 8 enfants (dont 1 décé­dée) ayant des problèmes de santé corres­pondent au Parkin­son. /​/​ Nous sommes inquiets !

    Commentaire by L.J. Morel — 4 janvier 2017 #

  2. Bonsoir à vous,
    bien que cet article aie quelques années, je cherche des infor­ma­tions concer­nant l’hé­ré­dité dans la MP;ma mère (elle est en train d’en mourir dans des condi­tions très difficiles)et sa soeur en sont atteintes et je suis prête à parti­ci­per à la recherche dans ce domaine. Nous sommes une fratrie de trois enfants (deux filles et un garçon)et si ça peut faire évoluer ou aider, je le ferais sans hési­ter. Je ne sais pas si des « tests » sont dispo­nibles pour les proches des malades atteints, mais dans tous les cas, je suis à votre dispo­si­tion. C’est une mala­die complexe et très diffi­cile à accom­pa­gner, à vivre…jusqu’à en mourir.
    Merci à vous de votre réponse

    Commentaire by morel — 3 juin 2013 #

Laisser un commentaire

XHTML: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Flux RSS des commentaires de cet article.

Propulsé par WordPress et le thème GimpStyle créé par Horacio Bella. Traduction (niss.fr).
Flux RSS des Articles et des commentaires. Valide XHTML et CSS.