Développement d’un nouveau modèle d’étude de la maladie de Parkinson
Publié le 29 octobre 2007 à 07:12Paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT N°30 – septembre 2007
Développement d’un nouveau modèle d’étude de la maladie de Parkinson : le rat transgénique alpha-synucléine.
La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative caractérisée par la perte progressive et massive des neurones dopaminergiques de la partie compacte de la substance noire. Actuellement, les mécanismes de la maladie restent méconnus. Dans la majorité des cas, la maladie est due à une combinaison de facteurs environnementaux comme une exposition à des pesticides associée à une susceptibilité génétique.
Cependant dans moins de 10 % des cas, la maladie de Parkinson est une pathologie héréditaire. Actuellement, une dizaine de gènes ont été associés à la maladie de Parkinson parmi lesquels il y a celui de l’alpha-synucléine. Ce gène présente des mutations responsables d’une forme dominante de la maladie. Trois mutations de ce gène ont été découvertes chez des familles de patients. Le mécanisme par lequel les mutations de l’α‑synucléine entraînent la mort des neurones dopaminergiques n’est pas élucidé. Il est donc nécessaire de continuer les recherches sur les modèles animaux.
Différents modèles ont déjà été développés notamment des modèles de lésions chimiques. Ainsi au laboratoire, le rat lésé à la 6‑hydroxydopamine est utilisé pour étudier la maladie de Parkinson. Cependant, ce type de modèles ne peut pas mimer le caractère progressif de la mort neuronale observée chez les patients. C’est pourquoi, nous proposons de développer un nouveau modèle de la maladie de Parkinson.
Notre modèle est un rat transgénique qui va exprimer l’α‑synucléine humaine doublement mutée. En effet, la construction que nous avons utilisée pour créer notre rat contient le gène humain de l’α‑synucléine avec deux des trois mutations connues chez l’Homme. Ce gène est placé sous le contrôle du promoteur de la tyrosine hydroxylase de rat, enzyme de la synthèse de la dopamine. Ainsi nous espérons que le transgène sera exprimé dans les structures dopaminergiques du cerveau de notre rat, telles que la substance noire.
Le but de l’étude est de développer et de caractériser différentes lignées de ce rat afin d’obtenir un modèle qui se rapprochera le plus possible de la maladie humaine. La construction d’animaux transgénique est un travail difficile. L’expression du transgène peut varier entre les animaux fondateurs qui, chacun, donneront une lignée. Nous souhaitons développer un rat qui va présenter tous les signes de la maladie de Parkinson, c’est-à-dire, les symptômes moteurs caractéristiques, l’altération des fonctions olfactive et gustative, les troubles cognitifs ainsi que les pertes cellulaires associées. A long terme, nous souhaitons tester de nouvelles stratégies thérapeutiques et notamment la greffe de cellules souches (mésenchymateuses, neurales).
Pour le moment, nous sommes dans la phase de caractérisation de notre modèle. Nous développons actuellement trois lignées de ce rat transgénique.
La première lignée compte aujourd’hui cinq générations et présentent des résultats très encourageants. Les premières expériences que nous avons réalisées sont des immunohistochimies sur des coupes de cerveaux. Ces expériences consistent à marquer, par l’intermédiaire d’anticorps, notre transgène. Nous pouvons alors cartographier l’expression de l’α‑synucléine humaine mutée dans le cerveau de nos rats. Ainsi, nous avons observé une forte expression de l’α‑synucléine humaine, dans un premier temps (à trois mois) au niveau des bulbes olfactifs. Puis chez les rats plus âgés, nous retrouvons une expression de plus en plus importante au niveau de la substance noire, la principale structure du cerveau atteinte dans la maladie de Parkinson, et au niveau du locus coeruleus, une autre zone du cerveau atteinte plus tardivement chez les patients. Un double marquage de l’α‑synucléine humaine et de la tyrosine hydroxylase de rat a permis de démontrer une colocalisation de l’α‑synucléine humaine mutée dans les neurones dopaminergiques au niveau des bulbes olfactifs et de la substance noire.
La forte expression du transgène au niveau des bulbes olfactifs est à mettre en relation avec une altération de la fonction olfactive de nos rats avec l’âge. Or, l’un des premiers signes observés chez les patients est une perte de l’olfaction. Notre rat présente donc les premiers symptômes de la maladie de Parkinson. Pour évaluer la fonction olfactive de nos rats, nous avons mis au point différents tests. Tout d’abord, à l’âge d’une semaine, nous testons tous les nouveaux nés de notre élevage pour savoir si nos rats présentent une altération de la fonction olfactive dès la naissance. Pour cela, nous avons mis au point un test basé sur la reconnaissance par le raton de l’odeur de sa mère. Pour cela, nous avons un dispositif à deux tiroirs (Fig 1). D’un côté, nous remplissons le tiroir avec de la sciure propre et de l’autre, avec de la sciure de la cage de la portée. Puis nous plaçons le raton au milieu du dispositif et nous observons son comportement sur deux minutes. À une semaine, les rats sont encore aveugles et vont donc se déplacer uniquement grâce à leur odorat. Tous nos rats, transgéniques et témoins, ont le même comportement. Ils passent la majorité du temps de l’expérience au dessus du tiroir contenant la sciure de leur cage et reconnaissent donc les odeurs de leur portée et notamment celle de leur mère. Nos rats ne présentent donc pas de troubles de la fonction olfactive à la naissance ce qui est encourageant puisque nous souhaitons que le rat développe la maladie avec le temps.

Ensuite nous avons testé la fonction olfactive de nos rats adultes. À l’âge adulte, les rats ne sont plus aveugles et vont donc se servir de leur vue pour se déplacer. Il nous faut alors mettre au point un test qui permet d’observer une réaction des rats vis-à-vis de l’odeur. Nous avons réalisé un premier test avec de l’acide acétique, une odeur répulsive. Pour cela, nous présentons au rat un morceau de papier filtre imbibé d’acide acétique à 40 % et nous observons les réactions du rat. S’il perçoit l’odeur, il va naturellement faire un mouvement de recul, s’il ne la perçoit pas, il va rester le museau au contact avec le papier filtre. Nous pouvons ainsi comparer les rats témoins avec les rats transgéniques. Nous avons pu observer que les rats transgéniques ne font pas de mouvement de recul à chaque fois que nous présentons le papier filtre imbibé d’acide acétique. Ils ont donc une altération de leur fonction olfactive. Cependant, après quelques mois, tous nos rats transgéniques et témoins se sont habitués au test. En effet, lorsque nous présentions le papier filtre imbibé d’acide acétique, les rats coupaient leur respiration pendant quelques secondes, ce qui ne permet plus de faire une différence entre les rats transgéniques et les rats témoins.
Nous avons donc mis au point un nouveau test basé sur la perception d’une odeur non plus répulsive mais attractive. Dans ce test, nous plaçons le rat dans une cage d’un mètre sur un mètre avec dans un des quatre coins un morceau de papier filtre imbibé d’eau et dans le coin opposé un autre papier filtre imbibé d’une solution de lait de coco (Fig 2). Ensuite nous observons pendant deux minutes le comportement du rat. Grâce à un système de capteurs, nous pouvons enregistrer les déplacements du rat. Nous comparons alors le temps passé du côté du papier filtre imbibé de la noix de coco par rapport à celui passé du côté du papier filtre imbibé d’eau. Nous avons ainsi observé une différence entre les rats transgéniques et les rats témoins. En effet, alors que les rats témoins passent la majorité du temps de l’expérience du côté de la noix de coco, les rats transgéniques explorent toutes les zones de la cage indifféremment. Ce test permet de mettre en évidence une altération de la fonction olfactive chez les rats transgéniques à l’âge adulte dès six mois.

En parallèle, des tests moteurs et neurologiques sont effectués tous les mois. Les animaux passent tous dans différents tests tels que le rotarod (cylindre tournant à vitesse constante ou accélérée qui permet d’évaluer la coordination motrice des rats), le stepping test (pour tester l’initiation du mouvement), le test d’entrée dans la cage, etc. Aucun trouble moteur n’a pour le moment été détecté chez nos rats transgéniques. Cependant les rats testés les plus âgés n’ont que 15 mois, ce qui correspond à un peu moins de la moitié de la vie d’un rat. Nous espérons donc qu’ils développent des symptômes moteurs très prochainement. Certains présentent quelques signes moteurs anormaux dits de « clasping ». Ces gestes sont observés lorsque nous tenons les rats par la queue, la tête en bas. Certains rats transgéniques vont alors s’accrocher les pattes entre elles alors que les rats témoins ne présentent aucun signe et gardent les pattes écartées.
Les deux autres lignées développées sont plus récentes et n’ont pour le moment donné que deux générations. Ces lignées doivent être développées suffisamment avant de pouvoir être caractériser. Cependant, pour l’une d’elles, nous avons exploré l’expression du transgène à 3 mois au niveau du cerveau. Nous avons pu observer une expression de l’α‑synucléine humaine au niveau de la substance noire plus importante par rapport aux rats de la première lignée. Le fait d’observer une expression plus forte de l’α‑synucléine humaine au niveau de la substance noire permet d’espérer une apparition plus précoce des symptômes moteurs dans cette lignée.
La recherche sur ces modèles animaux permet de mieux comprendre les mécanismes de la maladie de Parkinson et d’envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques. L’étude de l’apparition des symptômes précoces tels que l’altération de la fonction olfactive devrait donner des informations sur l’origine de la perte neuronale au cours de la maladie de Parkinson.
Rédigé par Cécile BOYER, INSERM Nantes
Chercheuse financée par CECAP Recherche
Pas encore de Commentaires Cliquer ici pour laisser un commentaire
Laisser un commentaire
Flux RSS des commentaires de cet article.
Propulsé par WordPress et le thème GimpStyle créé par Horacio Bella. Traduction (niss.fr).
Flux RSS des Articles et des commentaires.
Valide XHTML et CSS.