Ne pas être qu'un "patient" ...

Développement d’un nouveau modèle d’étude de la maladie de Parkinson

Paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT N°30 – septembre 2007

Déve­lop­pe­ment d’un nouveau modèle d’étude de la mala­die de Parkin­son : le rat trans­gé­nique alpha-synucléine.

La mala­die de Parkin­son est une mala­die neuro­dé­gé­né­ra­tive carac­té­ri­sée par la perte progres­sive et massive des neurones dopa­mi­ner­giques de la partie compacte de la substance noire. Actuel­le­ment, les méca­nismes de la mala­die restent mécon­nus. Dans la majo­rité des cas, la mala­die est due à une combi­nai­son de facteurs envi­ron­ne­men­taux comme une expo­si­tion à des pesti­cides asso­ciée à une suscep­ti­bi­lité génétique.

Cepen­dant dans moins de 10 % des cas, la mala­die de Parkin­son est une patho­lo­gie héré­di­taire. Actuel­le­ment, une dizaine de gènes ont été asso­ciés à la mala­die de Parkin­son parmi lesquels il y a celui de l’alpha-synucléine. Ce gène présente des muta­tions respon­sables d’une forme domi­nante de la mala­die. Trois muta­tions de ce gène ont été décou­vertes chez des familles de patients. Le méca­nisme par lequel les muta­tions de l’α‑synucléine entraînent la mort des neurones dopa­mi­ner­giques n’est pas élucidé. Il est donc néces­saire de conti­nuer les recherches sur les modèles animaux.

Diffé­rents modèles ont déjà été déve­lop­pés notam­ment des modèles de lésions chimiques. Ainsi au labo­ra­toire, le rat lésé à la 6‑hydroxydopamine est utilisé pour étudier la mala­die de Parkin­son. Cepen­dant, ce type de modèles ne peut pas mimer le carac­tère progres­sif de la mort neuro­nale obser­vée chez les patients. C’est pour­quoi, nous propo­sons de déve­lop­per un nouveau modèle de la mala­die de Parkinson.

Notre modèle est un rat trans­gé­nique qui va expri­mer l’α‑synucléine humaine double­ment mutée. En effet, la construc­tion que nous avons utili­sée pour créer notre rat contient le gène humain de l’α‑synucléine avec deux des trois muta­tions connues chez l’Homme. Ce gène est placé sous le contrôle du promo­teur de la tyro­sine hydroxy­lase de rat, enzyme de la synthèse de la dopa­mine. Ainsi nous espé­rons que le trans­gène sera exprimé dans les struc­tures dopa­mi­ner­giques du cerveau de notre rat, telles que la substance noire.

Le but de l’étude est de déve­lop­per et de carac­té­ri­ser diffé­rentes lignées de ce rat afin d’obtenir un modèle qui se rappro­chera le plus possible de la mala­die humaine. La construc­tion d’animaux trans­gé­nique est un travail diffi­cile. L’expression du trans­gène peut varier entre les animaux fonda­teurs qui, chacun, donne­ront une lignée. Nous souhai­tons déve­lop­per un rat qui va présen­ter tous les signes de la mala­die de Parkin­son, c’est-à-dire, les symp­tômes moteurs carac­té­ris­tiques, l’altération des fonc­tions olfac­tive et gusta­tive, les troubles cogni­tifs ainsi que les pertes cellu­laires asso­ciées. A long terme, nous souhai­tons tester de nouvelles stra­té­gies théra­peu­tiques et notam­ment la greffe de cellules souches (mésen­chy­ma­teuses, neurales).

Pour le moment, nous sommes dans la phase de carac­té­ri­sa­tion de notre modèle. Nous déve­lop­pons actuel­le­ment trois lignées de ce rat transgénique.

La première lignée compte aujourd’hui cinq géné­ra­tions et présentent des résul­tats très encou­ra­geants. Les premières expé­riences que nous avons réali­sées sont des immu­no­his­to­chi­mies sur des coupes de cerveaux. Ces expé­riences consistent à marquer, par l’intermédiaire d’anticorps, notre trans­gène. Nous pouvons alors carto­gra­phier l’expression de l’α‑synucléine humaine mutée dans le cerveau de nos rats. Ainsi, nous avons observé une forte expres­sion de l’α‑synucléine humaine, dans un premier temps (à trois mois) au niveau des bulbes olfac­tifs. Puis chez les rats plus âgés, nous retrou­vons une expres­sion de plus en plus impor­tante au niveau de la substance noire, la prin­ci­pale struc­ture du cerveau atteinte dans la mala­die de Parkin­son, et au niveau du locus coeru­leus, une autre zone du cerveau atteinte plus tardi­ve­ment chez les patients. Un double marquage de l’α‑synucléine humaine et de la tyro­sine hydroxy­lase de rat a permis de démon­trer une colo­ca­li­sa­tion de l’α‑synucléine humaine mutée dans les neurones dopa­mi­ner­giques au niveau des bulbes olfac­tifs et de la substance noire.

La forte expres­sion du trans­gène au niveau des bulbes olfac­tifs est à mettre en rela­tion avec une alté­ra­tion de la fonc­tion olfac­tive de nos rats avec l’âge. Or, l’un des premiers signes obser­vés chez les patients est une perte de l’olfaction. Notre rat présente donc les premiers symp­tômes de la mala­die de Parkin­son. Pour évaluer la fonc­tion olfac­tive de nos rats, nous avons mis au point diffé­rents tests. Tout d’abord, à l’âge d’une semaine, nous testons tous les nouveaux nés de notre élevage pour savoir si nos rats présentent une alté­ra­tion de la fonc­tion olfac­tive dès la nais­sance. Pour cela, nous avons mis au point un test basé sur la recon­nais­sance par le raton de l’odeur de sa mère. Pour cela, nous avons un dispo­si­tif à deux tiroirs (Fig 1). D’un côté, nous remplis­sons le tiroir avec de la sciure propre et de l’autre, avec de la sciure de la cage de la portée. Puis nous plaçons le raton au milieu du dispo­si­tif et nous obser­vons son compor­te­ment sur deux minutes. À une semaine, les rats sont encore aveugles et vont donc se dépla­cer unique­ment grâce à leur odorat. Tous nos rats, trans­gé­niques et témoins, ont le même compor­te­ment. Ils passent la majo­rité du temps de l’expérience au dessus du tiroir conte­nant la sciure de leur cage et recon­naissent donc les odeurs de leur portée et notam­ment celle de leur mère. Nos rats ne présentent donc pas de troubles de la fonc­tion olfac­tive à la nais­sance ce qui est encou­ra­geant puisque nous souhai­tons que le rat déve­loppe la mala­die avec le temps.

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Ensuite nous avons testé la fonc­tion olfac­tive de nos rats adultes. À l’âge adulte, les rats ne sont plus aveugles et vont donc se servir de leur vue pour se dépla­cer. Il nous faut alors mettre au point un test qui permet d’observer une réac­tion des rats vis-​à-​vis de l’odeur. Nous avons réalisé un premier test avec de l’acide acétique, une odeur répul­sive. Pour cela, nous présen­tons au rat un morceau de papier filtre imbibé d’acide acétique à 40 % et nous obser­vons les réac­tions du rat. S’il perçoit l’odeur, il va natu­rel­le­ment faire un mouve­ment de recul, s’il ne la perçoit pas, il va rester le museau au contact avec le papier filtre. Nous pouvons ainsi compa­rer les rats témoins avec les rats trans­gé­niques. Nous avons pu obser­ver que les rats trans­gé­niques ne font pas de mouve­ment de recul à chaque fois que nous présen­tons le papier filtre imbibé d’acide acétique. Ils ont donc une alté­ra­tion de leur fonc­tion olfac­tive. Cepen­dant, après quelques mois, tous nos rats trans­gé­niques et témoins se sont habi­tués au test. En effet, lorsque nous présen­tions le papier filtre imbibé d’acide acétique, les rats coupaient leur respi­ra­tion pendant quelques secondes, ce qui ne permet plus de faire une diffé­rence entre les rats trans­gé­niques et les rats témoins.

Nous avons donc mis au point un nouveau test basé sur la percep­tion d’une odeur non plus répul­sive mais attrac­tive. Dans ce test, nous plaçons le rat dans une cage d’un mètre sur un mètre avec dans un des quatre coins un morceau de papier filtre imbibé d’eau et dans le coin opposé un autre papier filtre imbibé d’une solu­tion de lait de coco (Fig 2). Ensuite nous obser­vons pendant deux minutes le compor­te­ment du rat. Grâce à un système de capteurs, nous pouvons enre­gis­trer les dépla­ce­ments du rat. Nous compa­rons alors le temps passé du côté du papier filtre imbibé de la noix de coco par rapport à celui passé du côté du papier filtre imbibé d’eau. Nous avons ainsi observé une diffé­rence entre les rats trans­gé­niques et les rats témoins. En effet, alors que les rats témoins passent la majo­rité du temps de l’expérience du côté de la noix de coco, les rats trans­gé­niques explorent toutes les zones de la cage indif­fé­rem­ment. Ce test permet de mettre en évidence une alté­ra­tion de la fonc­tion olfac­tive chez les rats trans­gé­niques à l’âge adulte dès six mois.

En paral­lèle, des tests moteurs et neuro­lo­giques sont effec­tués tous les mois. Les animaux passent tous dans diffé­rents tests tels que le rota­rod (cylindre tour­nant à vitesse constante ou accé­lé­rée qui permet d’évaluer la coor­di­na­tion motrice des rats), le step­ping test (pour tester l’initiation du mouve­ment), le test d’entrée dans la cage, etc. Aucun trouble moteur n’a pour le moment été détecté chez nos rats trans­gé­niques. Cepen­dant les rats testés les plus âgés n’ont que 15 mois, ce qui corres­pond à un peu moins de la moitié de la vie d’un rat. Nous espé­rons donc qu’ils déve­loppent des symp­tômes moteurs très prochai­ne­ment. Certains présentent quelques signes moteurs anor­maux dits de « clas­ping ». Ces gestes sont obser­vés lorsque nous tenons les rats par la queue, la tête en bas. Certains rats trans­gé­niques vont alors s’accrocher les pattes entre elles alors que les rats témoins ne présentent aucun signe et gardent les pattes écartées.

Les deux autres lignées déve­lop­pées sont plus récentes et n’ont pour le moment donné que deux géné­ra­tions. Ces lignées doivent être déve­lop­pées suffi­sam­ment avant de pouvoir être carac­té­ri­ser. Cepen­dant, pour l’une d’elles, nous avons exploré l’expression du trans­gène à 3 mois au niveau du cerveau. Nous avons pu obser­ver une expres­sion de l’α‑synucléine humaine au niveau de la substance noire plus impor­tante par rapport aux rats de la première lignée. Le fait d’observer une expres­sion plus forte de l’α‑synucléine humaine au niveau de la substance noire permet d’espérer une appa­ri­tion plus précoce des symp­tômes moteurs dans cette lignée.

La recherche sur ces modèles animaux permet de mieux comprendre les méca­nismes de la mala­die de Parkin­son et d’envisager de nouvelles stra­té­gies théra­peu­tiques. L’étude de l’apparition des symp­tômes précoces tels que l’altération de la fonc­tion olfac­tive devrait donner des infor­ma­tions sur l’origine de la perte neuro­nale au cours de la mala­die de Parkinson.

Rédigé par Cécile BOYER, INSERM Nantes
Cher­cheuse finan­cée par CECAP Recherche

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